L’Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM) a décerné son premier prix de thèse à Fannie Duverger, docteure en droit public de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, en co-tutelle avec l’Université de Montréal, lors d'une cérémonie qui a eu lieu au Sénat, sous le parrainage de Madame la Sénatrice Micheline Jacques, présidente de la délégation aux outre-mer.

Cette distinction récompense ses travaux portant sur la coexistence des conceptions étatiques et coutumières de la représentation politique en droit constitutionnel canadien et français.

Une thèse sur la représentation politique autochtone

Sous la direction des professeurs Xavier Philippe et Dominique Rousseau, la thèse de Fannie Duverger analyse la manière dont les conceptions étatiques et coutumières de la représentation politique cohabitent dans les systèmes constitutionnels canadien et français.

S’appuyant sur une approche comparative, elle étudie six populations autochtones, dont trois issues des territoires ultramarins français (Nouvelle-Calédonie, Guyane, Wallis-et-Futuna). Son travail met en lumière les tensions entre représentation électorale classique et modes de représentation traditionnels, tout en proposant des pistes pour concilier ces deux légitimités.

L’un des exemples majeurs de cette réflexion concerne le Sénat coutumier de Nouvelle-Calédonie, créé par la loi organique de 1999. Fannie Duverger suggère une évolution de cette institution pour mieux prendre en compte les réalités coutumières et les aspirations politiques locales.

Réagissant à l’obtention de ce prix, Fannie Duverger s’est dite « heureuse et honorée » d’être la première récipiendaire de cette distinction : « Recevoir ce prix est un immense honneur. Il souligne l’importance d’explorer les spécificités juridiques des territoires ultramarins et de donner une voix aux systèmes coutumiers dans le cadre du droit constitutionnel ». Fannie Duverger a également salué l’initiative de l’AJDOM qui permet de valoriser des travaux de recherche sur des thématiques encore trop peu abordées dans le milieu universitaire.

Un prix pour valoriser la recherche sur les outre-mer

En décernant ce prix, l’AJDOM souhaite encourager la recherche sur les problématiques juridiques spécifiques aux territoires ultramarins. Ce prix reflète également l’engagement de l’association à mettre en lumière des travaux innovants qui explorent des enjeux peu abordés dans le droit public. La thèse de Fannie Duverger, publiée aux éditions LGDJ, a déjà été distinguée par plusieurs institutions, dont l’Assemblée nationale.

Développer le droit des outre-mer dans les universités

Pour le président de l’AJDOM, Ferdinand Melin-Soucramanien ( également Président du Conseil d'Administration de l'INSP), ce prix est aussi un signal fort en faveur d’un meilleur enseignement du droit spécifique aux territoires ultramarins : « Il est essentiel que les universités intègrent davantage les problématiques juridiques propres aux outre-mer. Ces territoires possèdent des réalités constitutionnelles et institutionnelles uniques qui méritent une attention particulière dans la formation des futurs juristes ».

L’association plaide ainsi pour une plus grande place accordée à ces questions dans les cursus de droit public et encourage les jeunes chercheurs à s’y intéresser. Les conclusions de cette recherche résonnent particulièrement dans le contexte actuel, notamment en Nouvelle-Calédonie, où les débats sur le corps électoral et la représentation des communautés autochtones restent d’une actualité brûlante après les trois référendums sur l’indépendance.

À travers ce travail, Fannie Duverger met en avant l’importance de repenser les mécanismes de représentation pour concilier tradition coutumière et démocratie représentative, tout en respectant les spécificités culturelles des populations concernées.

Avec ce premier prix de thèse, l’AJDOM marque ainsi sa volonté de soutenir et valoriser la recherche juridique dédiée aux réalités ultramarines, en mettant en lumière des travaux qui interrogent la capacité des systèmes juridiques à intégrer la diversité culturelle et institutionnelle.

Charles Baudry