Le ministre des Outre-mer s’est rendu au Sénat coutumier, ce samedi en fin de matinée, le temps d’un échange avec ses membres qui lui ont demandé d’être pleinement associés « en tant que partenaire représentant le peuple autochtone » lors des négociations sur l’avenir du pays. L’occasion de rappeler leur volonté que cette institution devienne, à terme, la « deuxième chambre parlementaire », en complément du Congrès. Un sujet de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
C’est désormais un passage obligé pour chaque ministre qui arrive sur le Caillou. Après les hommages militaires, direction le Sénat coutumier pour une coutume d’accueil à laquelle s’est donc prêté le ministre Manuel Valls, ce samedi, en fin de matinée.
Plus tôt dans la journée, le ministre présidait un hommage à l’officier Nicolas Molinari, tué par balle lors des émeutes de mai dernier. Une cérémonie à l’issue de laquelle il a été pris à partie par les militants Les Loyalistes et leurs responsables politiques.
Face aux représentants des différentes aires coutumières de l’archipel, Manuel Valls a brièvement pris la parole, leur assurant venir chercher le dialogue, mais surtout le consensus « incontournable pour l’avenir » du pays. « Rien ne peut se faire en Nouvelle-Calédonie sans un profond respect du peuple mélanésien, du peuple kanak et du peuple premier, car il y a bien un peuple premier », insiste Manuel Valls, qui vante cet « enracinement profond » et cette culture, que « personne ne doit oublier ».
Et ce, « pour construire » afin que chacun « soit à la hauteur » et puisse s’asseoir « sans haine » à la table des négociations, « avec la volonté de s’écouter ». Des discussions auxquelles le ministre souhaite par ailleurs que soit associé « pleinement » l’ensemble de la société calédonienne, et « sa diversité », à commencer par les membres du Sénat coutumier.
« Inégalités et société à deux vitesses »
À l’issue de ces quelques mots d’introduction, le président du Sénat coutumier est longuement revenu sur les causes des émeutes, mais aussi sur les ambitions de ses membres pour le futur. Pour Eloi Gowe, si « l’argument politique » (dont la question du corps électoral) a été « l’élément déclencheur » des violences, le « carburant qui a incendié le pays » est à chercher du côté des « inégalités et de l’existence d’une société à deux vitesses ».
Le Sénat coutumier avance ainsi les « raisons profondes » de la crise liées à « une non-prise en compte à un juste niveau de l’Identité kanak », à travers une « pratique institutionnelle qui s’est contentée d’entretenir un dualisme discriminant entre la société occidentale et la société kanak », engendrant « un mal-être sociétal profond qui empêche la construction du projet de société du destin commun ».
Dans ce contexte, Eloi Gowe estime que le plan des politiques publiques de l’identité kanak, acté en 2016, aurait dû aider à « résorber ces traumatismes de la colonisation », sauf qu' « aucun de ces projets n’a été repris, pas plus qu’un certain nombre de propositions de textes législatifs sur le droit coutumier ».
À partir de ce postulat, le monde coutumier estime que pour construire l’avenir institutionnel, « il sera nécessaire de prendre en compte, le fait que la population autochtone et sa jeunesse, veulent dans une majorité estimée à 90 %, l’indépendance. C’est un élément incontournable qui ne signifie pas une séparation ou rupture avec la France, mais qui doit faire l’objet de discussions sérieuses ».
Le Sénat coutumier deviendra-t-il une chambre parlementaire ?
Sans surprise, le Sénat coutumier réitère, auprès du nouveau ministre des Outre-mer, sa demande d’être associé aux négociations, « en tant que partenaire représentant le peuple autochtone ». Dans cette perspective, l’Institution en profite également pour reformuler son ambition, à savoir : que le Sénat coutumier devienne « la deuxième chambre parlementaire dans une formule de bicaméralisme parlementaire avec le Congrès ». Et ce, « pour passer d’un statut consultatif à un statut décisionnel ».
À l’issue de ce discours, les membres de l’Institution ont échangé avec le ministre à huis clos, mais à peine quelques minutes, avant qu’il ne quitte le site de Nouville. Le signe de tension ? Pas du tout, bien au contraire à en croire Eloi Gowe, qui a réagi à l’issue de cette séquence : « C’est simplement parce qu’il connaît parfaitement le sujet. Nos échanges ont été intéressants et positifs sur toute la ligne. On est confiants ».
Le ministre poursuit sa visite à Ouvéa
Ce samedi après-midi, le chef des Outre-mer consacre le reste de sa première journée à un déplacement à Ouvéa, à la rencontre des maires et du président de la province des Loyauté, Matthias Waneux, mais également à travers un temps d’échange avec des gendarmes de la brigade de Fayaoué et des familles au Mémorial des 19.
Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes