À Mayotte, les pénuries alimentaires inquiètent à l'aube du ramadan

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À Mayotte, les pénuries alimentaires inquiètent à l'aube du ramadan

Alors que le ramadan est sur le point de commencer à Mayotte, dont 95% de la population est musulmane, les Mahorais redoutent les pénuries dans les magasins, provoquées par les suites du cyclone Chido, qui a dévasté l'archipel en décembre.

Zouroyda Anrifidine, 33 ans, venue faire ses courses dans un supermarché de Mamoudzou pour les futari à venir - repas de rupture du jeûne -, n'a pas réussi à compléter sa liste. « Il me manque la farine et le lait en poudre », confie l'acheteuse, qui a également perdu espoir de trouver manioc, banane, pomme de terre ou autre tubercule.

Nadia Abdou, une autre cliente, s'inquiète car ces légumes sont la matière première des plats festifs préparés pendant le ramadan, qui débute ce samedi. « On va prendre du riz mais du coup, on va manger les mêmes plats que d’habitude », regrette-t-elle. Selon un des responsables de la grande surface, il y a bien de la marchandise à Mayotte, mais elle peine à sortir du port depuis le passage le 14 décembre du cyclone Chido, qui a provoqué la mort d'au moins 40 personnes.

« Avant, on était content quand on sortait 50 ou 60 conteneurs par jour. Aujourd’hui, quand on en est à une vingtaine, on saute au plafond », explique-t-il. Le responsable met aussi en avant une offre inadaptée à une demande bouleversée depuis le cyclone, les livraisons arrivant aujourd’hui ayant été commandées avant Chido. « En plus nous, on avait prévu moins de fréquentation » en février, précise celui qui évoque à présent une « sur-demande » par rapport aux stocks reçus en ce moment.

L’imam de la mosquée de Majicavo-Koropa, Usama Joya, déplore ces difficultés d’acheminement. Également président de l’association musulmane Ahmadiyya de Mayotte, son organisme distribue chaque année 100 colis alimentaires aux plus démunis pendant le ramadan. Cette fois, les paniers vont devoir être réduits. L’organisation peine à trouver l’eau, l’huile, la farine ou encore les boîtes de sardines qui les garnissent habituellement. « Aujourd’hui, on n’a pas assez de riz », ajoute celui dont l’association a dû acheter cet aliment au double du prix dans de petits commerces.

Hassan Ben Ali, imam de la mosquée du vendredi à Sada, reconnaît que dans ce contexte, le ramadan s’annonce difficile. « Pour la nourriture, ça va être compliqué, les fidèles sont inquiets, mais on va y arriver », avance-t-il.

Distributions dans les mosquées

De son côté, la préfecture a mis en place un « plan ramadan » prévoyant de faire parvenir les stocks de denrées qui lui restent directement dans certaines mosquées. Elles seront distribuées aux plus fragiles, « pour faire en sorte que les futari puissent se dérouler de façon apaisée », indique le préfet de Mayotte, François-Xavier Bieuville.

Ces distributions ont commencé cette semaine et sont vouées à se répéter chaque mercredi dans une dizaine de villages, selon le conseil cadial - l’institution qui fixe les règles relatives à la pratique du culte musulman à Mayotte. Pour le ramadan, la préfecture a également annoncé ce vendredi soir l'extension des horaires d’ouverture du port de Longoni, la prolongation de l’assouplissement des règles d’importation des végétaux et la prise d’un arrêté plafonnant le prix de l’eau en bouteille pour « garantir l’achalandage des commerces en eau et en nourriture ».

Le cyclone n’a pas emporté que les vivres. Quelques mosquées ont été endommagées, dont celle de Majicavo Koropa qui a perdu le deuxième étage, réservé à la prière des femmes. « Pendant le ramadan, les femmes aussi venaient à la mosquée pour faire leurs prières. Aujourd’hui, malheureusement, on ne peut pas accueillir les femmes parce qu’on n’a pas de toit », détaille l’imam Usama Joya.

Le conseil cadial se veut néanmoins rassurant. « Les fidèles des mosquées détruites s’orienteront vers les mosquées à proximité », avance Ahamed Assani Boina, assistant de direction du conseil cadial. Anouar Chanfi, chef de service au même conseil, n’est pas inquiet et affirme que l’institution aborde ce mois avec sérénité : « C’est un moment de vivre ensemble, d’harmonie, c’est vraiment le mois qu’il nous faut après Chido ».

Avec AFP