« Voukoum, esprits rebelles du carnaval guadeloupéen » de l’anthropologue et artiste Flora Pavy : une plongée au cœur du groupe guadeloupéen Voukoum

« Voukoum, esprits rebelles du carnaval guadeloupéen » de l’anthropologue et artiste Flora Pavy : une plongée au cœur du groupe guadeloupéen Voukoum

Représentant un pan important du paysage culturel guadeloupéen, Voukoum fait l’objet d’un essai de l’anthropologue, universitaire et artiste Flore Pavy intitulé « Voukoum, esprits rebelles du carnaval guadeloupéen » aux éditions de la Maison des Sciences de l’Homme dans la collection « Ethnologie de la France et des mondes contemporains ». Une plongée au cœur d’un groupe qui occupe un espace de contestation sociale et politique au sein du carnaval guadeloupéen, mas aussi l’offre d’une nouvelle perspective sur l’histoire contemporaine de la Guadeloupe. 

Défoulement, catharsis, thérapie de groupe, exutoire, parenthèse enchantée, moyen de conjurer les affres et les turpitudes de la vie, le carnaval, phénomène à la fois culturel, festif et sociologique, répond à tout cela dans les outre-mer et la plupart des groupes qui se sont formés autour de lui restent liés à cet esprit. Cependant, d’autres formations carnavalesques ont voulu aller plus loin et se sont transformées en véritable mouvement culturel oeuvrant tout le long de l’année à la sauvegarde et au développement du patrimoine culturel de leur territoire.

C’est le cas de Voukoum, un groupe guadeloupéen qui évoque tout à la fois le tumulte et la révolte et qui se veut le symbole d’éveil de la conscience politique et artistique des gens de la rue. Né à Basse-Terre, en Guadeloupe, Voukoum est un groupe musical, dont l’instrument principal est le tanbou ka et dont le rythme repose essentiellement sur Gwo Siwo de type mas à Nerplat. C’est surtout un mouvement culturel qui se distingue d’autres formations carnavalesques par son approche spirituelle radicale et son lien revendiqué à l’Afrique. Un groupe qui occupe un espace de contestation sociale et politique majeur au sein du carnaval guadeloupéen.

Un collectif ardent défenseur du patrimoine culturel guadeloupéen  

Après avoir fait l’objet d’un documentaire signé de l‘auteur et réalisateur François Perlier en 2012, Voukoum donne lieu aujourd’hui à un essai sous la plume de l’anthropologue, universitaire et artiste Flore Pavy intitulé « Voukoum, esprits rebelles du carnaval guadeloupéen ». Un ouvrage qui décrit de l’intérieur – l’autrice étant musicienne dans le groupe – avec minutie le mas, le rituel de transformation et de mise en mouvement des corps de Voukoum. Le mas étant une spécificité locale qui prend ses racines des mouvements des luttes syndicales des années 70.

Avec justesse, pédagogie et une certaine empathie, la normalienne qui a reçu le prix de thèse en 2023 de la Fondation pour la Mémoire de l’Esclavage (FME) pour son doctorat sur les « gwoup- a-po » et dont les recherches portent sur les enjeux sociaux de nouveaux rituels religieux dans la Caraïbe, nous propose une plongée au sein de ce collectif qui prône la résistance civique par la culture, l’expression du corps et de l’âme à travers la musique et la valorisation de la mémoire collective.

Une enquête ethnographique en immersion

Comment ce groupe festif, contestataire et spirituel s’élève- t-il contre les rapports de domination encore à l’œuvre aujourd’hui ? Quelle place ses membres confèrent-ils à la sauvegarde du patrimoine vivant en Guadeloupe, à la langue créole et à l’art musical et en particulier au Gwo ka ? A partir de témoignages d’acteurs du carnaval et de photographies, Flore Pavy qui n’a pas hésité à apprendre le créole pour être au plus près du réel, propose une enquête ethnographique en immersion sur ce groupe culturel nationaliste.

« Voukoum, esprits rebelles du carnaval guadeloupéen » donne ainsi une vision encore méconnue d’un pan de l’histoire de la Guadeloupe ainsi que de son patrimoine culturel et identitaire auxquels Voukoum est partie prenante en s’efforçant de « reconstruire le fil rompu des liens ancestraux et toujours réinventer les récits essentiels ».

Animée par Claudy Siar, une soirée de lancement autour de cet ouvrage aura lieu le 27 mai prochain, date de commémoration de l’abolition de l’esclavage et de la traite négrière en Guadeloupe, à la Fondation Maison des Sciences de l’Homme, à Paris. 

E.B.

« Voukoum, esprits rebelles du carnaval guadeloupéen » De Flore Pavy. Editions de la Maison des Sciences de l’Homme – collection « Ethnologie de la France et des mondes contemporains », 300 pages.

A paraître le 17 avril 2025