Missionné en octobre dernier par le précédent Premier ministre Michel Barnier, le député du Loir-et-Cher Christophe Marion a remis le 8 janvier dernier à la Ministre de la Culture Rachida Dati, son rapport sur la restitution des restes humains des collections publiques françaises, en particulier ceux originaires des territoires d'outre-mer. Sa mission consistait à trouver une solution juridique pour permettre la sortie des collections publiques des restes humains dont la restitution serait réclamée, en France, par les descendants ou des représentants du territoire ou de la culture d’origine du défunt.
A la suite d'une demande formulée par l'association amérindienne Kali'na Moliko Alet+po, afin d’obtenir le rapatriement des restes humains de Kali'na, actuellement conservés au Musée de l’Homme, l'ancien Premier ministre Ministre avait confié au député Christophe Marion une mission sur la restitution des restes humains des collections publiques françaises. Après trois mois d'auditions, le député du Loir-et-Cher a remis son rapport, dont Outremers 360 a pu se procurer.
La question de la restitution des restes humains est délicate et à la fois une procédure longue. En France, depuis une trentaine d'années, des restitutions des restes humains sont effectuées. Il faut remonter en 2022 avec la restitution de la Vénus hottentote à l'Afrique du Sud après 8 années de procédures. Il faudra attendre la loi du 26 décembre 2023 pour fixer un cadre pour les restitutions à d'autres États. Cependant, ce texte législatif n'inclut pas les restes humains provenant de territoires ultramarins.
Dans son rapport d'une cinquantaine de pages, le député Christophe Marion met l’accent sur une approche de réconciliation, reconnaissant à la fois les droits des descendants et les impératifs scientifiques. Il propose la mise en œuvre d'une procédure pérenne, soulignant l'importance du dialogue interculturel et du respect des mémoires.
Le rapport relève plusieurs enjeux comme des collections qui sont souvent dispersées et mal documentées. «Environ 23 600 restes humains modernes sont conservés au Musée national d'histoire naturelle : crânes et éléments postcrâniens, restes momifiés, échantillons de peaux et de cheveux. Parmi eux, environ 3 100 sont en provenance d’anciennes colonies françaises dont environ 850 d’outre-mer mais 2 500 sont sans pays d’origine enregistré. Concernant l’identification, 905 disposent d’un nom propre ou d’un descriptif : 179 de France (principalement de l’hexagone), 726 d’autres zones géographiques y compris outre-mer, ou de pays incertains ou non renseignés», note le rapport.
Une nouvelle loi-cadre, un plan pluriannuel de recherche de provenance, comité de suivi pluridisciplinaire
Pour traiter les demandes nationales de restitution, le député Christophe Marin dresse 8 recommandations. Concernant l'identification et la gestion des collections, le rapport préconise entre autres de mettre à jour l’enquête de 2017 sur les collections patrimoniales contenant des restes humains pour améliorer leur identification et leur documentation, de lancer un plan pluriannuel de recherche de provenance en renforçant les recherches historiques et scientifiques et formant les professionnels à la recherche de provenance, croisant des sources diverses. Le rapport propose de réhabiliter les centres de conservation pour résoudre les problèmes de stockage saturé, notamment pour les vestiges anthropobiologiques issus de fouilles archéologiques.
Sur le plan juridique, le rapport propose de créer une loi-cadre pour la restitution nationale qui inclut d'étendre aux demandes internes (Hexagone et Outre-mer) la procédure de restitution des restes humains déjà applicable aux États étrangers, de permettre la « sortie du domaine public » sans exiger une justification par la perte d’intérêt scientifique et inclure les restes humains issus de dons ou legs dans le cadre législatif.
Le rapport insiste aussi sur la nécessité d'associer les communautés locales en garantissant leur implication dans les décisions liées à la restitution, notamment pour les Outre-mer, de créer un comité de suivi pluridisciplinaire avec des scientifiques, représentants des collectivités locales et demandeurs pour analyser chaque cas ainsi que le respect des descendants et traditions locales en privilégier la consultation des ayants-droits et des coutumiers pour toute restitution, en veillant au respect des pratiques culturelles et spirituelles.