Avec une rare liberté, l'autrice, journaliste et grand -reporter réunionnaise Mémona Hintermann raconte sans tabou son parcours hors norme et l'envers du décor de son métier dans son dernier ouvrage "Un journaliste ne devrait pas dire ça ?" paru chez Hugo Doc. Un livre en forme de bilan qui retrace le quotidien de ses nombreux reportages réalisés pendant une trentaine d'années dans les principales zones de conflits à travers le monde et qui aborde sans ambages également les grandes questions qui bousculent la société française contemporaine. Détails avec Mémona Afféjee Hintermann interrogée par Outremers 360.

"J'ai mis un an et demi pour écrire ce livre", admet d'emblée  Mémona Hintermann. Autrice à succès avec déjà 5 ouvrages à son actif, la journaliste et grand-reporter réunionnaise ne cache pas qu'elle a consacré du temps et mis du coeur pour écrire cet ouvrage. Un manuscrit considéré comme un compte-rendu.

Un livre bilan en forme "d'audition" dans lequel elle avoue y avoir introduit "ce que je n'ai pas pu dire précédemment" rappelant ce qu'elle doit aux autres, à ses proches (frères et soeurs), à l'enseignement, à ses collègues et notamment aux travailleurs de l'ombre que sont les techniciens qui lui ont permis d'effectuer ce parcours et à faire partie de cette génération de grands reporters pionnières. "J'ai reçu pas mal de distinctions, dont deux légions d'honneur, mais mes collègues techniciens n'ont jamais rien eu", regrette t-elle. "Ce livre, c'est une façon de les remercier ainsi que tous ceux qui ont contribué à ma réussite professionnelle". "C'est en quelque sorte une dette d'honneur, dont je m'acquitte aujourd'hui", insiste t-elle.

Des reportages réalisés dans les principales zones de conflits dans le monde

"Un journaliste ne devrait pas dire ça"? retrace en effet le quotidien des nombreux reportages réalisés pendant une trentaine d'années pour le compte de France Télévisions dans les principales zones de conflits à travers le monde (Tchad, Kosovo, Sarajevo, Serbie, Erythrée, Libye, Iran, Irak, Gaza, Israël, Afghanistan.... par Mémona Hintermann. Un ouvrage bourré d'anecdotes et de récits incroyables comme par exemple le projet de viol suivi de menaces de mort et d'intimidations proférées par le colonel Khadafi, tout-puissant maître de la Libye, à l'encontre de la journaliste. Des situations rocambolesques aussi dans lesquelles elle s'est retrouvée et dont elle a pu s'en sortir grâce à son leitmotiv "toujours y croire" , devenu le credo de sa vie.

Bref, Mémona Hintermann nous décrit avec une rare liberté et un sens aigu du détail l'envers du décor d'un métier exercé pendant une cinquantaine d'années. Un métier qui, n'en déplaise à certains, doit "cogner au réel" et "se remettre au centre du village", pour reprendre son expression car les "gens attendent que la parole médiatique soit honnête et objective", affirme t-elle.

Un ouvrage qui bouscule les codes

Membre du CSA pendant 6 ans (2013-2019), Mémona Hintermann consacre un large chapitre à son passage au sein du gendarme du paysage audiovisuel français. Si elle n'en garde pas un souvenir impérissable, soulignant au passage l'importance des lobbies au sein du Conseil, elle n'hésite pas à livrer ses réflexions sur l'état de l'audiovisuel public et ne se gêne pas pour réclamer une réforme urgente envisagée par ailleurs, il y a quelque temps, par le Président de la République, Emmanuel Macron.

Réussite, laïcité, femmes, forte de son parcours atypique et hors norme et fidèle à son tempérament volcanique, celle qui exerce aujourd'hui ses talents en tant que chroniqueuse de la Dépêche du Midi et au sein du Midi Libre, ne se prive pas d'aborder et toujours sans langue de bois dans son ouvrage les questions politiques et sociales qui taraudent la société française contemporaine.

Pour autant, en dépit d'une carrière professionnelle riche et bien remplie et de son caractère bien trempé, Mémona Hintermann reste lucide et humble. A la question de savoir si son parcours doit être considéré comme un exemple ou une référence pour les Ultramarins et singulièrement pour les Réunionnais, celle qui a déjà un lycée qui porte son nom à la Réunion se veut modeste et consent tout juste à délivrer un message plein de bon sens à l'intention des générations futures réunionnaises : "Ayez confiance en vous. Ne dîtes pas que ça n'est pas fait pour vous" car poursuit-elle, " tant que le récit de notre identité sera écrit par d'autres, on ne pourra pas raconter véritablement notre histoire".

Un langage de vérité comme le sont les récits et les réflexions contenus dans "Un journaliste ne devrait pas dire ça ?". Un ouvrage sans complaisance qui bouscule les codes à l'image de son autrice et qui, à n'en point douter, devrait avoir un certain retentissement dans le landerneau médiatique français. Et pas seulement...

E.B

"Un journaliste ne devrait pas dire ça ?"
De Mémona Hintermann
Edition : Hugo Doc
272 pages