Grande messe du monde agricole, la 60ème édition du Salon International de l'Agriculture réunit jusqu'au 3 mars, tous les acteurs de l’agriculture. Les filières agricoles ultramarines sont notamment présentes. Coup de projecteur sur la dernière née des Sociétés d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural, la Safer de Guyane avec sa présidente Chantal Berthelot.
Outremers 360 : La Société d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural de Guyane, la Safer créée en 2021 et qui depuis 2023, est en plein exercice. Elle porte des missions importantes, notamment par rapport à la régularisation, à la régularisation du foncier en Guyane...
Chantal Berthelot, Présidente de la SAFER Guyane : Le conseil d'administration m'a fait confiance en mai 2023 pour prendre la présidence. Depuis, nous avons mis en place le programme pluriannuel d'activité de la SAFER. Il s'agit de notre plan stratégique qui a été validé en septembre. Ce programme permet d'avoir l'agrément du gouvernement puisque nous sommes une société privée, avec une délégation de service public du ministère de l'Agriculture. Cet agrément nous permet de pouvoir effectivement rentrer dans une phase opérationnelle, depuis fin novembre. A partir de janvier 2024, nous sommes opérationnels comme SAFER, nous pouvons donc remplir toutes les missions des SAFER qui sont dans un premier temps, la régularisation du marché, d'éviter le mitage des terres agricoles et de pouvoir installer aussi des agriculteurs dans les meilleures conditions possibles.
Outremers 360 : Comment les acteurs de terrain viennent à votre rencontre? Comment établissez-vous ce rapport entre les agriculteurs et la Safer ?
Chantal Berthelot : Nous sommes en train d'élaborer notre site internet. Voilà, c'est l'outil idoine permettant à tout le monde d'avoir accès aux informations. Nous sommes dans les locaux de la Chambre d'agriculture de Guyane. C'est un pôle agricole où toute personne vient, par exemple, pour penser à l'installation, penser son projet. Il peut obtenir rapidement un contact avec la conseillère foncière et expliquer son projet en disant « j'ai un projet, je voudrais tel endroit, est ce que vous avez du foncier disponible ?».
Maintenant opérationnelle, nous diffusons tout ce que nous sommes en capacité de faire pour les agriculteurs, les collectivités locales. Nous travaillons aussi pour la commune et pour les habitants de Guyane, car un citoyen peut vouloir acheter des terres agricoles . Nous le conseillons sur les possibilités et nous rappelons qu'étant une orientation agricole, on ne peut pas faire du n'importe quoi sur une terre agricole, On ne peut pas construire sa maison entre autres.
Outremers 360 : Quelles sont vos priorités ?
Chantal Berthelot : La priorité, c'est de titrer les agriculteurs. Jusqu'à maintenant pour avoir une exploitation agricole, l'Etat, propriétaire du foncier, a donné des terres aux agriculteurs. Malheureusement, administrativement, beaucoup n'ont pas fait ce qui est nécessaire administrativement : leurs baux ont été échus, leurs concessions pas faites. Résultats : beaucoup d'agriculteurs sont sans titre aujourd'hui. Notre premier objectif fixé par le conseil d'administration est de titrer les agriculteurs. Vous pouvez imaginer que quelqu'un, qui ne dispose pas de titre foncier, qui investit, s'endette par exemple avec un prêt, peut se retrouver demain dehors administrativement, faute de titres.
Le deuxième travail que l'on effectue est, ce qu'on appelle la reconquête des terres agricoles. Autrement dit, les terres qui ne sont pas exploitées pour X raisons reviennent dans l'escarcelle de la SAFER pour pouvoir la redistribuer à des agriculteurs souhaitant s'installer ou souhaitant s'agrandir.
La troisième priorité concerne les collectivités locales. Avec les Accords de Guyane de 2017, les collectivités locales vont aussi avoir de la rétrocession de terres agricoles. Nous leur disons, la SAFER, nous sommes un outil technique et nous pouvons travailler pour vous et avec vous. Nous pouvons aménager du foncier, vous proposer comment l'attribuer, le distribuer aux agriculteurs, comment le rendre accessible aux citoyens.Dans nos territoires, nous avons ce qu'on appelle culturellement les abattis, notre jardin créole. Il est important de répondre à cette demande sociétale et sociale. Nous disons aux maires qu'on est en capacité de vous accompagner pour cela.
Outremers 360 : Sait-on le nombre d'agriculteurs concernés par ce recensement?
Chantal Berthelot : Nous sommes en train de le terminer avec la mission foncière qui dépend de la préfecture. C'est elle qui aujourd'hui a toutes les données pour savoir à qui elle a attribué du foncier et quelle est la situation des gens. Le recensement est en train d'être finalisé et nous aurons ces éléments au courant mars pour pouvoir nous derrière, effectivement se mettre à travailler concrètement. Un agriculteur travaille tout le temps, il investit, il a besoin de savoir où il en est, il a besoin de son titre foncier . Depuis mon arrivée en mai 2023, ils sont nombreux à venir nous voir. Nous avons déjà recensé des gens qui ont besoin qu'on s'occupe de leur situation foncière parce qu'effectivement ils ont laissé passer les termes échus. Nous avons déjà une liste prioritaire et la mission foncière la complétera en donnant les éléments qu'ils possèdent. Nous avons comptabilisé 300 agriculteurs qui souhaitent régulariser leur situation auprès des services fiscaux, posséder un titre foncier pour travailler correctement et sereinement.
Outremers 360 : Combien d'hectares sont concernés par la mission qui est la vôtre ?
Chantal Berthelot : Je peux citer trois chiffres. Dans notre schéma d'aménagement régional, il y a 200 000 hectares qui ont été actés de terres agricoles. Aujourd'hui, nous avons 130 000 hectares qui ont été déjà distribués. Sur les 70 000 hectares restants, la Safer, selon les Accords de Guyane, aura 20 000 hectares et les communes devront récupérer 50 000 hectares. Sur les 130 000 hectares déjà attribués, la surface agricole utile (SAU) est de 30 000 hectares en Guyane, autrement 30 000 hectares sont cultivés. Il reste 100 000 hectares, on a de quoi faire ! Même s'il y a des gens qui sont propriétaires, on veut leur expliquer que la terre agricole doit être travailler, cultiver, car il faut nourrir la population. Nous leur ferons des propositions de location, de bail à ferme, de bail rural pour pouvoir mettre ces terres en culture.
Nous avons tous le même objectif, la souveraineté alimentaire ! Donc il faut produire, il faut avoir du volume. En Guyane, la population augmente, il faut produire de plus en plus pour alimenter notre population. Nous sommes dans un enjeu, un défi, à savoir comment on répond à cette souveraineté alimentaire ? Un outil foncier, la Safer est là maintenant. Comment on accompagne le monde agricole à cet enjeu. C'est la problématique actuelle du gouvernement sur nos outre-mer et en Guyane en particulier, la feuille de route qu'on nous a demandé de mettre en place suite à la déclaration du président de la République en 2019. Il faut que cette feuille de route soit appliquée, elle ne l'est pas actuellement.
Outremers 360 : Quel est l'intérêt pour la SAFER d'être présente à ce salon international de l'agriculture
Chantal Berthelot : Il y a un partenaire qui est indispensable, c'est la Collectivité territoriale de Guyane qui est un partenaire indispensable de la Safer. 50 % des actions sont détenues CTG et le financement de la Safer provient de la CTG. La CTG a souhaité que la Safer de Guyane soit à ses côtés en tant qu'institution dans le stand de la Guyane. C'est pour cela que la Safer de Guyane est présente ! Sur ce stand, il y a une plaquette présentant la Safer de Guyane, nos missions, pour faire connaître la dernière née des Safer et potentiellement la plus importante.
Je rêve que demain la Guyane ait la Safer la plus importante de France et de Navarre, parce qu'on a un potentiel, la surface qu'il faut. Rendez-vous dans dix ans avec la Safer de Guyane qui vous dira où est ce qu'elle en est, qu'elle a un potentiel énorme, ce qu'elle apporte et qu'elle installe beaucoup d'agriculteurs sur le territoire.
Propos recueillis par Abby Said Adinani