Une conférence en ligne s’est tenue le 24 septembre pour échanger sur les risques et l’impact des maladies émergentes transmises par les moustiques, que ce soit pour les patients ou les systèmes de santé dans l’Hexagone et les DROM-COM, en prenant l’exemple du chikungunya, et débattre des solutions pour mieux anticiper l’avenir. Sommes-nous assez informés et les acteurs de la santé préparés sur ces maladies et leurs risques associés ? Quelles sont les solutions pour mieux anticiper les épidémies ? Autant de questions auxquelles a tenté de répondre cette conférence pluridisciplinaire de professionnels de santé.
La conférence, suivie d’une table ronde, a réuni le professeur Christophe Rapp, infectiologue, spécialiste des maladies infectieuses et tropicales à l’hôpital Américain de Paris ; Anna Bella-Failloux, entomologiste, responsable de l'unité Arbovirus et insectes vecteurs à l'Institut Pasteur ; Jean Claude Maës, président de l’Association des communes et collectivités d’Outre-mer (ACCD'OM) ; et Nicolas Arvis, directeur général de Valneva France (société de biotechnologie développant et commercialisant des vaccins contre des maladies infectieuses engendrant d'importants besoins médicaux).
Le moustique-tigre, vecteur de maladies comme la dengue, le chikungunya et le zika, est désormais présent dans 78 départements français, y compris dans l’Hexagone et dans les DROM-COM. Malgré des mesures de prévention, le risque de transmission persiste, aussi bien en France qu'à l'étranger, notamment avec l'expansion rapide des moustiques due au dérèglement climatique. Cela pourrait faire de ces maladies des enjeux de santé publique. La France a déjà connu des crises sanitaires majeures, comme l'épidémie de chikungunya à La Réunion il y a vingt ans, aux Antilles dix ans plus tard, et des épidémies récentes de dengue à Mayotte et en Guyane. Ces arboviroses (maladies virales transmises par des moustiques, moucherons piqueurs, tiques… ndlr) constituent une menace croissante, entraînant des répercussions sanitaires, économiques et sociales.
« C’est un sujet de santé publique », a déclaré Nicolas Arvis dans son introduction. Cela fait maintenant dix ans que Valneva est mobilisé dans la recherche sur la question du chikungunya, mais cette maladie n’a pas de vaccin et ni de traitement. « Concernant la dengue, il y a une actualité constante du fait du nombre de cas et de sa circulation. Le chikungunya se caractérise par des flambées imprévisibles, et nous sommes entourés de moustiques tigres. Actuellement, un Français sur deux est exposé au moustique tigre. Cela place les systèmes de santé en grande tension avec des conséquences sur le long terme. Par ailleurs nous avons un gros déplacement de populations. Par exemple, deux millions de personnes partent annuellement de la France hexagonale vers les territoires d’Outre-mer. »
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Selon le professeur Christophe Rapp, les insectes ont colonisé la planète bien avant les hommes, avec 3500 espèces existantes. « Les maladies vectorielles transmises par les moustiques notamment font partie intégrantes des maladies infectieuses et représentent au niveau épidémiologique un poids de 25% au niveau mondial et quelque 2,5 millions de décès par an. On trouve ces maladies sur les cinq continents. » Concernant la dengue, le chikungunya et le zika, ce sont des maladies virales qui ont des points communs. Elles sont toutes transmises pour la plupart par le moustique tigre, en particulier dans les territoires ultramarins. « Les maladies générées provoquent surtout des fièvres mais elles restent asymptomatiques et donc difficiles à repérer, et elles sont toutes caractérisées par une absence de traitement curatif », a ajouté Christophe Rapp. Elles peuvent entraîner des épidémies avec de lourdes conséquences sur la santé publique et donc sur le tissu économique.
« Par sa biologie, le moustique tigre est une espèce invasive, puisque la femelle pond des œufs, 50 à 100 œufs tous les cinq jours sur trois mois environ », a précisé l’entomologiste Anna Bella-Failloux. « Ces œufs sont capables d’être à sec pendant des mois, et ils sont aussi capables de supporter de basses températures ». Le changement climatique entraîne également une augmentation de densité. Par ailleurs, les personnes et les marchandises voyagent et cela va contribuer à l’installation des moustiques, et cela même en ville. Il faut donc retarder la diffusion de ce moustique, pour organiser la lutte en évitant notamment de favoriser ses cellules de vie.
Jean Claude Maës, président de l’Association des communes et collectivités d’Outre-mer (ACC’DOM) a souligné pour sa part que les collectivités d’Outre-mer ont mis en place des mesures contre la maladie vectorielle qu’est le chikungunya. « Il y a beaucoup de travail en amont avec les mairies, les collectivités et les écoles. Chaque année, on nettoie les toits, les gouttières, etc., partout où il y a des eaux stagnantes comme les stations d’épuration ou les cimetières où l’on place des fleurs naturelles. Je pense qu’il faut beaucoup travailler sur la prévention et relayer les informations à toute la population ». « Il faut aussi que les politiques se donnent les moyens nécessaires pour pouvoir lutter contre ces maladies qui ont des répercussions économiques et sociales. Il faut financer la recherche pour avoir des vaccins », a-t-il également relevé.
Un impact sanitaire majeur avec des conséquences de long terme
Plusieurs épidémies de chikungunya ont été recensées depuis 2006. Parmi elles, deux ont touché des territoires français ultramarins. En 2006, la Réunion a connu le premier épisode épidémique de grande ampleur avec 266 000 personnes touchées, soit 34% de la population totale de l’île à l’époque. La région des Antilles-Guyane a été frappée en 2014 avec un total de 153 400 personnes contaminées par le chikungunya.
Cet épisode a notamment impacté la Martinique, avec 42% de la population infectée, et la Guadeloupe où près de la moitié des personnes de l’île ont été touchées. Ces épisodes ont mis en lumière l’importance de la surveillance épidémiologique et des mesures de prévention, notamment le contrôle de l’apparition et de la lutte contre les vecteurs, pour réduire l’impact sanitaire et socio-économique de cette maladie sur les populations.
Ces territoires ont été fortement impactés du point de vue économique (impact économique de l’épidémie à la Réunion estimé à 44 millions d’euros) et socio-démographique par ces épidémies sans oublier les conséquences cliniques au long terme des personnes touchées par des formes chroniques de la maladie. En effet, l’infection par le chikungunya est le plus souvent symptomatique (dans 75% de cas) avec des manifestations allant de quelques jours à plusieurs années selon les cas.
(Extrait du rapport de Valneva, « Le chikungunya : un exemple de sensibilisation de l’écosystème sur les risques liés aux maladies vectorielles », avec le soutien de l’Association des communes et collectivités d’Outre-mer (ACCD’OM) et l’Association des Victimes de l’épidémie du Chikungunya (AVEC)
PM