L’Institut Pasteur a résumé les conclusions d’une étude relative au moustique Aedes albopictus, aussi connu sous le nom de moustique tigre et vecteur de transmission du virus du chikungunya à l’humain. Les scientifiques de l’Institut Pasteur et d’Université Paris Cité ont montré que ce moustique peut acquérir la capacité de transmettre le virus du chikungunya, avec la même efficacité à 20°C qu’à 28°C.
L’expansion du moustique tigre dans les régions à climat tempéré pourrait s’accompagner de l’expansion du virus du chikungunya dans ces mêmes zones,c’est la conclusion de l’étude des chercheurs de l’Institut Pasteur, publiés dans la revue Journal of Travel Medicine en avril 2023.
Signalé pour la première fois en Europe en 2007, lors d’une épidémie en Italie, les premiers cas autochtones de chikungunya dans le Sud de la France ont été observés à l’automne, en 2010 puis en 2014 et 2017. La question des effets du climat, en particulier de la température, sur la transmission des pathogènes par les moustiques se pose inévitablement, réaffirme l’Institut Pasteur.
Dans cette nouvelle étude consacrée à l’Aedes albopictus et sa capacité de transmission du virus selon la température environnementale, à 20°C ou à 28°C, des scientifiques de l’Institut Pasteur et de l’Université Paris Cité font ainsi le lien entre la température minimale enregistrée lors des récentes épidémies en Europe continentale, de 20°C, et la température moyenne des pays tropicaux où le virus circule en temps normal, 28°C. Les chercheuses et chercheurs ont ainsi analysé les mécanismes moléculaires adaptatifs induits par la température.
Pour Anna-Bella Failloux, responsable de l’unité Arbovirus et insectes vecteurs de l’Institut Pasteur : « Nous avons démontré que la température modifie profondément l’expression des gènes et le microbiome bactérien du moustique ».
Les scientifiques ont observé des profils d’expression de gènes différents à 20°C ou à 28°C chez des moustiques infectés par le virus. Par ailleurs, le microbiome des moustiques infectés par le virus du chikungunya, se voit modifié à 28°C avec une diminution significative de la bactérie Wolbachia connue pour sa capacité d’inhibition de la réplication du virus, en corrélation avec une augmentation de la bactérie Serratia, qui elle, favorise l’infection du tube digestif du moustique par le virus, contribuant ainsi à favoriser la transmission virale.
La température agit également sur le génome du virus dans le moustique infecté, poursuit Anna-Bella Failloux : « La diversité génétique du virus du chikungunya est, elle aussi, modifiée. Tous ces changements induisent des transformations moléculaires menant à une transmission efficace du pathogène. Dans cette étude, le moustique Aedes albopictus est capable de transmettre le chikungunya avec la même efficacité à 20°C et à 28°C, tout en mettant en jeu des processus moléculaires très distincts. Il s’agit d’un véritable exemple d’ajustement mutuel entre le virus et le vecteur, ici le moustique tigre, en réponse à son environnement ».
Le moustique tigre est aujourd’hui présent dans les régions tempérées telles que le continent américain, l’Asie tempérée et près de 28 pays d’Europe, dont la France depuis 2004. En quelques décennies, il a envahi les 4/5e de l’Hexagone, explique l’Institut Pasteur.
« Le chikungunya risque donc de poursuivre son expansion dans les zones où s’implante le moustique tigre. En l’absence de vaccins et de traitements, il pourrait devenir un problème de santé publique dans un plus grand nombre de pays des régions à climat tempéré », conclue Anna-Bella-Failloux.
Rappelons que le chikungunia avait fait des ravages il y a une dizaine d'années en Outre-mer notamment à La Réunion et à Mayotte.
Damien CHAILLOT