PORTRAIT. L’avocate internationale guadeloupéenne Joëlle Monlouis, nouvelle secrétaire générale de la Fédération Française de Football

PORTRAIT. L’avocate internationale guadeloupéenne Joëlle Monlouis, nouvelle secrétaire générale de la Fédération Française de Football

Elle vient d’être nommée secrétaire générale de la Fédération Française de Football : Joëlle Monlouis est avocate internationale spécialisée en droit du sport, membre du Conseil de l’Ordre du barreau de Paris, mais aussi arbitre dans des instances juridiques sportives de haut niveau. Ses nombreuses casquettes, la Guadeloupéenne les assume avec brio. Celle qui trace sa voie avec calme et détermination se prépare à une année 2025 intense. Retour sur un parcours inspirant pour les jeunes générations.


Petite, Joëlle Monlouis voulait être utile et rêvait de devenir médecin. Très vite, la réalité la rattrape. « Même si je n’avais pas de vocation précise, je savais que je voulais être là pour les autres et en même temps je n’étais pas spécialement fan des aiguilles. Le droit s’est alors imposé comme une autre voie possible pour aider. » Ce sens du devoir est devenu le fil rouge de toute sa trajectoire, qui n’a pourtant pas été linéaire. Le sport s’invite aussi très rapidement dans ce parcours. « Je viens d’une famille de sportifs. Ma mère a été la première femme arbitre de Guadeloupe. C’est une figure très forte pour moi. » Elle, c’est dans l’athlétisme qu’elle s’illustre. « C’est un sport de discipline, de concentration, de rigueur. On ne peut pas tricher avec le chrono. Et cette exigence, je l’ai gardée partout ailleurs. »

Malgré cet environnement marqué dès l’enfance par le milieu sportif, rien ne la prédestinait à faire du droit du sport. Issue d’une formation en droit des affaires, passée par la banque d’investissement, Joëlle Monlouis découvre ce champ bien plus tard, presque par accident. C’est suite à un échange avec son cousin, basketteur professionnel, qu’elle décide d’embrasser une carrière dans le droit du sport. « Il me racontait les difficultés rencontrées par les sportifs. Moi, je n’avais jamais entendu parler de droit du sport pendant mes études, mais j’ai compris qu’il y avait quelque chose à faire. »  Elle finira par créer son propre cabinet, spécialisé exclusivement en droit du sport. « Je n’avais pas de clients. Je n’avais pas de réseau dans ce domaine. Mais j’avais cette certitude que je devais le faire. Je me suis dit : au pire, j’aurais essayé. » Aujourd’hui, le cabinet qu’elle a fondé accompagne des sportifs, des clubs, des fédérations africaines, des collectivités territoriales comme la région Guadeloupe, qu’elle conseille notamment dans le cadre de la Route du Rhum, mais aussi des entreprises privées intéressées par le secteur sportif.

Joëlle Monlouis avec Olivier Giroud - Ancien joueur EdF de FFF © DR

Un parcours atypique

Rien, dans le parcours de Joëlle Monlouis, ne relève d’un parcours dit ‘classique’. « Atypique, ça ne veut pas dire chaotique. Mon parcours scolaire s’est très bien passé mais j’ai toujours pris les chemins de traverse. » Avant de devenir avocate en droit du sport, elle a en effet évolué dans des milieux très éloignés du terrain : de la banques d’investissement en passant par de grands cabinets d’avocats d’affaires. « En banque d’investissement, j’ai appris à comprendre les enjeux de financement. Et ça, dans le sport, c’est fondamental. Ensuite, en cabinet d’affaires, j’ai appris à négocier, à construire des stratégies juridiques solides. Aujourd’hui, tout ça me sert. Rien n’a été perdu. Tout s’est empilé comme les couches d’un millefeuille. » Elle se forme ensuite dans le droit du sport au gré des lectures, des affaires et des rencontres. « Je n’ai pas de diplôme officiel en droit du sport. Mais j’ai lu, j’ai étudié, j’ai pratiqué. Et aujourd’hui, je fais partie des avocats référencés par la FIFA pour leur programme Pro Bono (ndlr : qui permet la mise à disposition d’une aide juridique proposée par un avocat pour assurer la défense des personnes ayant des difficultés financières devant les instances judiciaires de la FIFA). J’interviens devant le Tribunal Arbitral du Sport à Lausanne. Ce que je sais, je l’ai appris dans le réel. »

Pour l’avocate internationale, aucune journée ne se ressemble. Une semaine peut l’emmener de Saint-Malo au Gabon. «  Parfois, je suis devant un tribunal international, le lendemain en réunion à Paris, et deux jours plus tard en Afrique. On ne s’ennuie pas… C’est aussi ça que j’aime. » Elle siège également à la commission juridique de la Ligue Nationale de Basket masculin et est devenue, cette année, secrétaire générale de la Fédération Française de Football. « Je prends encore mes marques, mais c’est un rôle passionnant. On met en œuvre le programme fédéral, on coordonne avec les élus, on prépare aussi des projets structurants. » La Conférence nationale du football français prévue en octobre prochain sera l’un des temps forts de cette année pour la nouvelle secrétaire générale.

Joëlle Monlouis avec le le Directeur de la NBA, Adam Silver © DR

Un modèle pour les nouvelles générations

Malgré cette réussite, Joëlle Monlouis ne se définit pas par ses succès. « Je ne cherche pas à être un symbole. Mais si ce que je fais peut aider quelqu’un à se lancer, alors tant mieux. Mon parcours, je le vis comme une preuve : celle que tout est possible. Si on y croit. Et si on travaille. » La Guadeloupéenne revendique une approche du travail fondée sur l’efficacité, la discrétion et l’adaptabilité. « Je suis une faiseuse », affirme-t-elle. « Je ne me lève pas le matin avec un objectif figé. Je fais. En fonction des besoins, des urgences, des sujets. L’idée, c’est d’être utile. »

La discrétion, justement, revient comme un fil rouge de son parcours. « Un de mes premiers clients importants m’a félicitée pour ça. On avait mené une bataille juridique difficile, dans l’ombre. À la fin, il m’a dit : “Ce qu’on a apprécié, c’est votre discrétion.” Pour moi, c’était un compliment immense. » Efficace, rigoureuse, ouverte sur le monde et sur les autres, voilà quelques qualificatifs qui peuvent lui être attribués. « J’aime que les choses avancent, qu’elles aient du sens. Le reste, l’image, la reconnaissance, ce n’est pas ce qui me guide. »

Joëlle Monlouis devant la Coupé de la prochaine CAN qui aura lieu en décembre prochain © DR

Pourtant, cette reconnaissance, elle la perçoit au quotidien. « J’ai des jeunes qui m’écrivent, qui me croisent et me disent que ça leur fait du bien de voir que c’est possible, autrement. Moi, j’aurais aimé avoir ça. » Pour cette raison, elle prend toujours le temps de répondre aux sollicitations. « On n’a pas toujours besoin de mentors qui donnent des leçons. Parfois, juste quelques minutes de conversation, une écoute sincère, ça peut changer une trajectoire. » Une invitation à croire en soi et en sa singularité, voilà comment on pourrait résumer le parcours de l’avocate internationale. « On pense trop souvent qu’il faut suivre un chemin tout tracé, cocher toutes les cases, avoir le bon diplôme au bon moment pour réussir. Mais la vérité, c’est que la vie professionnelle n’est pas une ligne droite. C’est fait de détours, de rencontres, d’expériences qui n’ont l’air de rien sur le moment mais qui prennent tout leur sens ensuite. Il ne faut pas avoir peur d’emprunter une voie différente, de construire son propre parcours. Le plus important, c’est d’y croire, d’être tenace, et de rester fidèle à ce qu’on est. »

Abby Said Adinani