Après la Scène Nationale de Guadeloupe, la Cité des arts, le CDCN de Guyane...le spectacle Kaniki 2.0 sera joué cette fois au Maroc cette semaine. « Kaniki » aborde des questions de migrations, de déracinement, de perte d’identité en évoquant particulièrement l’arrachement des enfants réunionnais à leurs familles dans l’affaire des Réunionnais dits de la Creuse.
Florence Boyer développe un travail chorégraphique contemporain inspiré de la tradition maloya – danse, musiques et chants de La Réunion, inscrite à l’UNESCO en 2009 – en parallèle de son travail de recherche en anthropologie de la danse.
Kaniki désigne ici en créole réunionnais les « sales gosses » : des enfants perçus comme turbulents et miséreux. C’est cette condition de « misérables » que les pouvoirs publics de l’époque instrumentalisent pour justifier l’arrachement aux familles. Les kaniki sont construits à la fois comme des victimes et comme des menaces : des victimes d’un milieu familial défaillant, des menaces du fait de leur prétendu « surnombre » dans l’île.

Cette création de la chorégraphe Florence Boyer traite d’un trauma collectif qui a marqué l’histoire de La Réunion : la transportation forcée de 2.000 enfants réunionnais vers des régions de l'héxagone comme la Creuse, de 1963 à 1982. Au cœur de la pièce Kaniki, les effets déstructurants de l’arrachement à la terre natale – le raturage de la mémoire, la perte d’identité – mais aussi, plus généralement, la quête de sens et les formes de reconstruction de soi chez les personnes déracinées. L’occasion pour l’artiste réunionnaise de faire à la fois œuvre de mémoire et œuvre de soin en portant à la lumière une histoire douloureuse, bien souvent méconnue en France. La danse comme figuration et transfiguration des maux passés en vue d’ouvrir l’à venir.

Après Charoy’ et Ravaz…sizèr lo swar, cette pièce complète un triptyque consacré à la construction de l’identité dans les mondes créoles. S’appuyant sur son travail de recherche anthropologique, Florence Boyer déconstruit la structure de la danse maloya afin de rendre compte de la déstructuration des familles, des corps et des âmes des enfants « transplantés ». Et par ce geste de déconstruction créatrice, elle esquisse un maloya contemporain qui rend hommage aux dimensions thérapeutiques et spirituelles d’une danse afrodiasporique née de la résistance à l’esclavage. Dénètem Touam Bonal.
« J’ai aussi voulu redonner à vivre, à travers ces chorégraphies, des moments qu’on a volés à ces enfants réunionnais déracinés….des moments d’allégresse, de jeux, d’insouciance…Enfin, j’ai pris la liberté d’imaginer et de laisser naître ce que peut être une mémoire de cette danse maloya qui se réinvente à partir d’amnésies, d’échos, de traces vécues pour laisser parler les corps. » nous a indiqué Florence Boyer
Continuer de diffuser ce spectacle est pour Florence Boyer un moyen de contribuer à rendre visible ce pan de l' histoire française, de sensibiliser à la protection de l' enfant partout dans le monde.

L'occasion pour la directrice et fondatrice du Artmayage International Dance Festival également de repérer de nouveaux artistes pour les prochaines éditions de son festival à La Réunion en septembre 2025.
Mardi 7 avril à 17h30 À l'Institut Français de Marrakech |