« Ni Chaînes Ni Maîtres » de Simon Moutaïrou ou l’histoire du marronnage et de la résistance des esclaves portée au grand écran

« Ni Chaînes Ni Maîtres » de Simon Moutaïrou ou l’histoire du marronnage et de la résistance des esclaves portée au grand écran

Premier long-métrage du réalisateur franco-béninois Simon Moutaïrou « Ni Chaînes Ni Maîtres » traite de l’esclavage, mais surtout du marronnage, synonyme de rébellion et de fierté. Présenté en avant-première en présence de nombreuses personnalités, ce film particulièrement bouleversant, portant une beauté et une rage rares, a reçu un vibrant accueil qui s’est traduit par une longue ovation à l’adresse du réalisateur et de son équipe. Sortie prévue dans l’Hexagone et dans les Outre-mer le 18 septembre prochain.

Toute approche véritable d’une période nécessite que toutes ses facettes y soient exposées car regarder son passé en face, se confronter aux pages glorieuses, mais aussi à celles plus sombres voire aux crimes engendrées dans son histoire est utile au devoir de mémoire. 

Si le cinéma américain est très fécond sur le sujet de l’esclavage, en France au contraire il y a un réel évitement de cette thématique, sinon une volonté manifeste de mettre sous le tapis la folie de cette époque. Certes, il y a eu quelques tentatives de quelques cinéastes antillais, dont Med Hondo et Guy Deslauriers notamment, mais, au-delà d’un succès d’estime, ces films ont eu peu d’écho et n’ont pas trouvé leur public. 

Ce manque d’intérêt du cinéma français pour sur cette thématique de l’esclavage n’a pas eu l’heur de réfréner le Franco-béninois Simon Moutaïrou qui, après une longue expérience de scénariste, s’est mu en réalisateur pour nous proposer « Ni Chaînes Ni Maîtres », un premier long-métrage traitant certes de l’esclavage, mais surtout du marronnage, synonyme de rébellion et de fierté, avec parmi ses nombreux partenaires la Fondation pour la Mémoire de l'Esclavage.

La mise en lumière de la figure du marron 

Car, comme soutient le comédien sénégalais Ibrahim Mbaye qui, tout en puissance et en finesse, tient le rôle-titre de Massamba, « la figure du marron est rare au cinéma. Elle s’oppose à celle usuellement montrée d’esclave, simple victime expiatoire d’un système ». Le réalisateur Simon Moutaïrou ne dit pas autre chose et en fait même un geste politique. « La figure de l’esclave de souffrance est remplacée par celle du marron fier et brave », assume- t-il.

Tourné sur l'Île Maurice, « Ni Chaînes Ni Maîtres » raconte, à travers l’histoire de Massamba et Mati (Anna Diakhere Thiandoum), un père et une fille esclaves dans la plantation d’Eugène Larcenet (Benoit Magimel) en 1759 en Isle de France, l’ancien nom de l’Ile Maurice, qui décident de s’enfuir et deviennent marrons. Traqués par une célèbre chasseuse d’esclaves -Madame La Victoire- incarnée par Camille Cottin dans un rôle d’anti héros, ils vont affronter pas mal d’épreuves qui sont autant d’étapes d’un parcours de renaissance.

Un film qui s’inscrit dans une démarche mémorielle

« J’ai choisi de raconter la reconstruction d’un homme et, à travers lui, d’un peuple », plaide Simon Moutaïrou. C’est en effet d’abord par le prisme du marronnage que l’histoire de l’esclavage est traitée dans ce film. Une approche qui n’a pas échappé à Myriam Cottias, directrice de recherche au CNRS et présidente du Comité Scientifique International « la Route des personnes mises en esclavage » de l’UNESCO. « La narration classique est ici renversée. Ce sont les marrons qui sont suivis au travers de leurs défis, de leurs combats et des chemins initiatiques qu’elles et ils suivent pour s’affirmer – enfin – comme sujet de leur histoire », relève- t-elle.

Tourné en partie en wolof pour être plus près de la réalité historique, « Ni Chaînes Ni Maîtres », titre qui fait référence à une devise anarchiste, est par ailleurs imbibé d’une certaine vérité mystique et spirituelle. Si le film s’inscrit dans une démarche mémorielle, il se veut en résonnance avec les problématiques migratoires actuelles, ambitionnant d’être un cinéma qui puise dans les drames du passé pour mettre en lumière les erreurs et les désordres du monde actuel.

Un vibrant accueil

Jeu de miroir habile entre fiction et réalité « Ni Chaines Ni Maîtres » est une œuvre bouleversante qui porte une beauté et une rage rares. Après avoir fait l’objet d’une sélection au Festival américain de Deauville 2024 dans la section « Fenêtre sur le cinéma français », le film a été présenté en avant-première en présence de nombreuses personnalités du monde culturel, sportif et associatif parmi lesquelles Marie-José Pérec, Harry Roselmack, Manu Payet, Pascal Gentil et bien sûr la directrice de la FME Aissata Seck. Dans une salle comble, le film a reçu un vibrant accueil qui s’est traduit par une longue ovation après la projection à l’adresse du réalisateur et de son équipe.

Un réalisateur qui souhaite que son film puisse circuler et créer un pont entre la France hexagonale, les Antilles, la Guyane, La Réunion, l’Île Maurice, le Sénégal et le Bénin pour « transmettre cet amour et cette fierté » dont on fait preuve les figures héroïques de marrons. Un vœu qui sera bientôt exaucé puisque « Ni Chaînes Ni Maîtres » sortira dans les salles en même temps dans l’hexagone et dans les territoires ultramarins le 18 septembre prochain. 

E.B.

« Ni Chaînes Ni Maîtres »

De Simon Moutaïrou

Avec Ibrahima Mbaye, Camille Cottin, Anna Diakhere Thiandoum, Benoit Magimel

Durée : 1h38

Sortie nationale le 18 septembre 2024