Cinq semaines après le passage dévastateur du cyclone Chido, le projet de loi d'urgence pour la reconstruction de Mayotte a été adopté mercredi par les députés à la quasi-unanimité des votants, malgré les critiques de nombreux élus le jugeant "insuffisant".
"Cette loi d'urgence pour Mayotte n'est qu'un début, un texte technique qui n'est qu'une amorce pour la reconstruction", a déclaré la rapporteure et députée mahoraise Estelle Youssouffa (groupe Liot) avant le vote.
Premier texte du gouvernement Bayrou à passer le test de l'hémicycle, il a été défendu par Manuel Valls, le ministre des Outre-mer, qui faisait à cette occasion son grand retour dans l'arène de l'Assemblée nationale. Il a été adopté avec les voix de 446 députés contre deux, issus des rangs Insoumis, le reste du groupe s'abstenant.
En dépit des griefs nombreux soulevés lors des débats par les oppositions, l'adoption de ce texte, qui élude les sensibles questions migratoires, ne faisait guère de doute. Notamment au regard de l'impératif d'accélérer la reconstruction du département français ravagé. "Malgré les imperfections, l'aveuglement et la déconnexion apparente, nous ne pouvons pas rester les bras croisés devant le drame humain qui affecte Mayotte", a justifié la seconde députée de Mayotte, Anchya Bamana, du groupe RN, qui a toutefois déploré l'absence de mesures contre l'immigration dans ce premier texte.
La copie, en partie réécrite par les députés, contient surtout des assouplissements aux règles d'urbanisme et quelques mesures sociales, comme des facilités fiscales ou des allègements de cotisations.
"Incontournable", la loi adoptée n'est qu'une "première réponse", a plaidé lors des débats Manuel Valls, qui a annoncé un autre texte beaucoup plus ambitieux d'ici mars, pour "refonder Mayotte". Il a promis que la question migratoire constituerait "un volet primordial" de ce projet de loi en préparation.
Les Ecologistes, ulcérés par plusieurs mesures, comme le conditionnement de la vente de tôle à un justificatif d'identité, ont eux aussi préféré s'abstenir sur ce premier texte. La députée écologiste Dominique Voynet a affirmé que son groupe souhaitait initialement le voter, bien que "les mesures qu'il contient et les retards pris ne permettent pas de répondre aux besoins urgents de Mayotte et de ses habitants". Mais que l'ajout notamment de "scories inspirées par les obsessions xénophobes de l'extrême droite" les a contraints à s'abstenir.
"Reconstruire mieux"
Au début de l'examen, les deux députées mahoraises, Estelle Youssouffa et Anchya Bamana (RN) avaient fustigé un texte élaboré "sans consultation" des Mahorais, et qui passe à côté du sujet principal, la "submersion migratoire".
Absente du texte, l'immigration clandestine s'est souvent imposée en toile de fond des débats, dans l'ensemble plutôt feutrés. Elle a alors suscité de vifs échanges. Comme lorsqu'une mesure visant à conditionner la vente de tôle à la présentation notamment d'un titre d'identité pour empêcher la reconstruction de bidonvilles, a été adoptée. La gauche, et notamment la députée écologiste Dominique Voynet, y a vu une mesure "choquante" au regard des milliers de personnes, en situation régulière ou non, se trouvant "sans toit au-dessus de leur tête".
Contre l'avis du gouvernement, les élus de bords opposés se sont parfois entendus. Comme lorsqu'ils ont supprimé un article visant à faciliter les expropriations.
La mesure, sujet de crispations fortes pour les Mahorais, pourrait cependant être réécrite et de nouveau discutée au Sénat, qui s'emparera du texte dès le 3 février.
Un large consensus a été trouvé autour de dispositions s'assurant que les entreprises mahoraises ne seront pas évincées du processus de reconstruction. Un tiers des marchés publics devra être réservé aux PME locales.
L'Assemblée a aussi acté des mesures pour accélérer la reconstruction des écoles, durement touchées par le cyclone, chargeant l'Etat de cette responsabilité en lieu et place des collectivités jusqu'au 31 décembre 2027.
Les enseignants de l'archipel ont repris le chemin de l'école, une semaine avant leurs élèves lundi. Une rentrée plusieurs fois décalée, alors qu'une quarantaine d'établissements n'ont pas été remis en état ou accueillent encore des sinistrés.
Les députés ont ajouté au texte des dispositions visant à assurer que les écoles disposent de plusieurs accès à l'eau potable ou de système de ventilation, pour réduire la chaleur. Car il n'est pas seulement question de "reconstruire vite, mais de reconstruire mieux", a souligné Philippe Naillet (PS).
Avant la loi programme annoncée en mars par Manuel Valls, l'Assemblée se penchera de nouveau sur Mayotte le 6 février, avec une proposition de loi de la droite visant à y restreindre le droit du sol. Le texte, qui devrait susciter des échanges houleux, prévoit d'allonger la durée de résidence des parents pour l'accès de leurs enfants à la nationalité française. Le gouvernement s'y est dit favorable.
Avec AFP