Cinq semaines après le passage dévastateur du cyclone Chido sur Mayotte, les enseignants font leur rentrée lundi, dans des conditions difficiles, alors que certains établissements n'ont pas été remis en état et que d'autres restent occupés par des sinistrés.
La rentrée scolaire des personnels de l'Éducation nationale à Mayotte se déroule dans un contexte tendu. Entre préavis de grève, conditions de sécurité préoccupantes et incertitudes multiples, enseignants, parents et élèves doivent faire face à une situation inédite La rentrée des personnels de l'Éducation nationale, qu’ils soient administratifs ou enseignants, est prévue aujourd'hui. Selon les organisations syndicales, le préavis de grève déposé pour lundi dernier reste en vigueur. Cette rentrée se fait donc sous la menace d’une mobilisation potentielle. Un rendez-vous pour les syndicalistes et les personnels grévistes a été fixé à 8h30 devant le rectorat. Les revendications portent notamment sur le versement de l’aide de 2 000 € à l’ensemble des personnels, ainsi que sur la sécurité dans les établissements scolaires.
"On aura une grosse majorité d'enseignants présents sur le territoire. On aura sans doute quelques pertes, mais cela ne sera pas aussi significatif que certains s'en alarment", a déclaré Jacques Mikulovic, le recteur de Mayotte sur France Culture. Le 101e département français, ravagé le 14 décembre par le cyclone Chido, puis frappé par la tempête Dikeledi le 12 janvier, compte quelque 117.000 élèves et l'académie de Mayotte emploie un peu plus de 10.000 personnes, dont plus de 8.000 enseignants.
Des professeurs qui vont les premiers découvrir l'état des établissements de l'archipel. Selon le recteur de Mayotte, sur 221 écoles administratives, 39 sont en incapacité de fonctionner. "Sur l'ensemble de nos 33 collèges et lycées, qui sont très gros, on a cinq établissements significativement impactés", a précisé Jacques Mikulovic, ajoutant que ces cinq établissements ne pourront pas accueillir d'élèves à jauge complète.
D’après une source proche du dossier, 90 % des établissements scolaires ne répondraient pas aux normes de sécurité. Les rapports des commissions de sécurité auraient été demandés au rectorat, mais ils n’auraient pas encore été transmis aux syndicats.
La reprise se fait dans un climat d'incertitudes. "Comment demander à des collègues hexagonaux qui ont vécu Chido, perdu leur maison, et forcé leur retour en métropole, de revenir avec leur famille alors qu’ils n’ont pas de toit ?", s’interroge Rivo Rakotondravelo. Le rectorat leur aurait un temps proposé un hébergement sous tentes, comme les militaires, mais ces conditions sont jugées inacceptables. Pour Rivo Rakotondravelo, "à force de céder en permanence sur les conditions de scolarité, aucune solution durable n’est trouvée. Pire, de crise en crise, le seuil de tolérance augmente." Il conclut avec gravité : "Quand allons-nous faire des enfants de Mayotte des enfants de la Nation ?" Selon lui, il est urgent de rétablir un équilibre. "Il faut scolariser les enfants dans des conditions qui leur permettent d’apprendre décemment. Cela implique aussi des conditions de travail satisfaisantes pour les enseignants."
Dans les supermarchés ou au coin des rues, les discussions des enseignants tournent toutes autour des mêmes préoccupations : l’état des écoles, des classes et la présence de tous leurs élèves après les vacances. La confusion semble totale, et l’attention est particulièrement tournée vers le collège de Kwale ou le lycée Bamana, où des migrants occupent toujours les locaux.
Des parents d'élèves mahorais exigent leur départ et le nettoyage complet des bâtiments. Des membres du collectif des citoyens 2018 se sont introduits vendredi au lycée Bamana afin de déloger les sinistrés de l'établissement à quelques jours du retour des élèves. "Mon rôle est d’être au côté de la population", a déclaré la conseillère départementale du canton de Mamoudzou à Mayotte Hebdo devant le lycée vendredi. "J'entends qu'il faut respecter le droit international mais il faut aussi comprendre que les élèves doivent reprendre le chemin de l'école", a ajouté Hélène Pollozec.
"L'immigration illégale à Mayotte est un énorme problème", a reconnu Elisabeth Borne, mais pour la ministre de l'Education, "la remise en cause du droit du sol n'est pas un chemin". "Ce qui a été envisagé par le Premier ministre et Manuel Valls, c'est la révision des conditions d'exercice du droit du sol et je n’ai pas de problème avec cela", a-t-elle ajouté.
Elisabeth Borne a prévu de se rendre à Mayotte la semaine du 27 janvier pour échanger avec la communauté éducative, les parents et les élèves.
Avec AFP et France-Mayotte Matin