C’est au bout d’une finale riche en découvertes et en émotion que la mezzo-soprano Axelle Saint-Cirel a remporté la 5ème édition du concours qu’on ne présente plus : Voix des Outre-mer. Face aux onze autres candidats représentant tous les bassins ultramarins, l’expérience et la maturité de celle qui a eu les encouragements du jury en 2021 a fait la différence. À l’Opéra Bastille, les spectateurs sont venus nombreux à cet événement, devenu incontournable au fil des années.
En arrivant à l’entrée de l’opéra Bastille en ce samedi 4 février, nous ne pouvons que remarquer les deux longues files, à gauche et à droite de l’entrée de l’amphithéâtre... La finale de la Voix des Outre-mer ne commence que dans une heure et demie, le public ne peut pas encore être accueilli, et pourtant, il attend de pied ferme de pouvoir rentrer pour assister à la 5ème édition de cet événement qui se déroule pour la quatrième année au sein de cette enceinte prestigieuse. « Il n’y avait pas autant de monde l’année dernière ! Heureusement que nous sommes arrivées tôt », pouvait-on entendre dans l’un des files d’attente, preuve, s’il en fallait une, que l’événement initié par le chanteur lyrique Fabrice di Falco, président des Voix des Outre-mer et Julien Leleu, président de l’association Les Contres Courants, s’inscrit désormais comme l’un des événements culturels de l’année, à ne pas manquer.
Après presque deux heures de magnifiques interprétations des classiques de l'opéra, c’est la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, qui a annoncé le nom du lauréat, ou plutôt de la lauréate de cette nouvelle édition : Axelle Saint-Cirel.
Plusieurs prix et de nombreux talents
Quelques heures plus tôt dans les coulisses, Axelle Saint-Cirel se préparait tranquillement, l’air plutôt assuré. « Le plus gros du travail a été fait », nous expliquait-elle. « Aujourd’hui, ce n’est que du plaisir ». Le sentiment est partagé par les deux benjamins de la compétition, originaires de Mayotte : Lollia Allaoui et Antone Boinali. À la question "qu’est-ce-que ça vous fait de savoir que vous allez chanter devant autant de monde ?", les deux cousins de 7 et 8 ans répondaient très sereinement : "On est très heureux. On a beaucoup travaillé". « Vous n'êtes pas stressés » ? « Non, » affirmaient-ils encore. Nous les retrouvions, tout sourire, un peu plus tard, interprétant "La garde montante", extrait de l'opéra Carmen de Georges Bizet. La prestation a été grandement appréciée du public. Elle n'a pas été la seule. S'il n'a pas été distingué par les membres du jury, la prestation du Polynésien Manaarii Maruhi a fait grand bruit.
En effet, c'est en tahitien qu’il a repris Il cavallo scalpita, extrait de l'opéra Cavalleria rusticana, composé par Pietro Mascagni. Un hommage à son professeur, Gaby Cavallo, a-t-il indiqué. Gaby Cavallo, décédé en 2021, est l’homme à l’origine de l’adaptation de cet opéra en tahitien. Celui-ci s’intitulait « Te Tura ma’ohi ». "C'est grâce à lui qui je suis ici à Paris pour la première fois de ma vie" a poursuivi Manaarii Maruhi qui en a également profité pour rendre hommage à sa grande sœur, décédée la veille et à sa "chère Polynésie" expliquant porter en lui les cinq archipels du territoire à travers sa tenue traditionnelle. Le message sera sûrement passé.L'événement ayant été retransmis en direct sur le site de la 1ère.
Le jury, composé de 14 membres dont le directeur d’opéra Magazine Richard Martet, de la Directrice du Conservatoire National Supérieur de Musique et de Danse de Paris Émilie Delorme, ou encore d’Alain Lanceron, Président des labels Warner Classique et Erato, a de son côté distingué la Martiniquaise de 16 ans Axelle Rascar Moutoussamy qui reporte le prix Jeune talent. Enfin, pour la première fois, deux bourses ont également été décernées. L’une a été attribuée à Thomas Custodio Vieira, représentant la Guyane. L’autre est remportée par celui qui a représenté Wallis-et-Futuna : Mikaele Masei.
Une tournée lyrique ultramarine
« L’idée n’est pas d’être soliste », explique Fabrice Di Falco à la question : "Quelle est la suite pour ces jeunes artistes". « L’idée, c’est d’être en famille, que tout le monde puisse briller par son talent ». Et ces talents continueront de briller puisque qu’une tournée est prévue pour cette grande famille des voix des Outre-mer qui s’est lancée dans l’adaptation des Contes d’Hoffmann, de Jacques Offenbach. Après la Martinique, l’équipe partira dans quelques jours à La Réunion pour deux dates, les 17 et 18 février prochains. Les artistes issus du concours de la voix des Outre-mer ainsi que d’autres chanteurs lyriques professionnels se produiront également en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie Française dans quelques mois.
L’objectif pour les organisateurs est bien évidemment de faire une tournée sur tous les territoires ultramarins. « Les Outre-mer deviennent de plus en plus lyriques », se réjouit Fabrice Di Falco. « Tous les peuples des Outre-mer s'attachent à l'opéra. Ils l’aiment. Je pense qu’ils l’ont toujours aimé, mais ils ont pensé au début que c'était une musique pour une élite. Depuis le concours, les personnes, quel que soit le territoire, nous arrêtent dans la rue, au marché, sur la plage… Ils fredonnent des airs d’opéra. Et c’est le résultat de ces cinq années ».
Parallèlement à cela, la sixième édition du concours des Voix des Outre-mer se prépare. Les sélections commenceront dès mars 2023, avec toujours la même ambition : ouvrir la voie. « Le but, c’est surtout de donner la possibilité à tous les Outre-mer d'avoir la chance que j’ai moi-même eu, il y a 25 ans. J'ai voulu donner à tous les artistes cette possibilité de vivre ce rêve. C’est pour cela que nous mobilisons tous les partenaires que nous pouvons avec Julien Leleu. Tous les politiques aussi ». La famille de la Voix des Outre-mer continue donc son petit chemin couronné de succès. Parmi les noms qui se sont illustrés depuis, on pense bien évidemment à la soprano Marie-Laure Garnier, lauréate en 2019 qui a remporté le prix de la Révélation lyrique de l’année aux Victoires de la musique classique en 2021 ou encore le baryton Edwin Fardini, lauréat en 2021, nommé cette année « révélation de l'année » dans la catégorie « artiste lyrique » de la 30ème édition de ces victoires de la musique classique. L’évènement aura lieu en mars prochain à Dijon.
Abby Said Adinani