La collection Édouard Glissant exposée pour la première fois à São Paulo, au Brésil à partir du 3 septembre

La collection Édouard Glissant exposée pour la première fois à São Paulo, au Brésil à partir du 3 septembre

Dans le cadre de la Saison Brésil-France 2025, l’Institut Tomie Ohtake à São Paulo accueille, du 3 septembre au 25 janvier 2026, l’exposition « La Terre, le Feu, l’Eau et les Vents : Pour un musée de l’errance avec Édouard Glissant ». Pour la première fois, les œuvres d’Édouard Glissant quittent les Antilles et voyagent jusqu’au Brésil, offrant au public une plongée unique dans l’univers du poète, romancier et philosophe martiniquais.

Institut Tomie Ohtake à São Paulo

L’exposition réunit une soixantaine d’œuvres : quarante issues de la collection personnelle de Glissant, conservée au Mémorial ACTe en Guadeloupe, et vingt créations d’artistes contemporains caribéens et brésiliens, dont les démarches artistiques résonnent avec sa pensée. Parmi les pièces exposées, des œuvres d’artistes d’Amérique latine, des Caraïbes, d’Europe et des États-Unis, qui pour la plupart ont vécu à Paris et ont entretenu un lien avec le mouvement surréaliste, dialoguent avec la vision poétique et relationnelle de Glissant. « Nous avons rendez-vous où les océans se rencontrent », écrivait Glissant. Cette phrase pourrait être le fil rouge de l’exposition. Il s’agit moins de juxtaposer des œuvres que de provoquer des rencontres, des résonances. À travers les arts visuels et la création numérique, « La Terre, le Feu, l’Eau et les Vents » se présente comme un hommage vivant à l’héritage de Glissant : penseur du Tout-Monde, visionnaire des circulations planétaires, et poète des paysages, toujours attentif à la beauté fragile des relations.

« C’est la première fois que la collection Edouard Glissant voyage à l’international, et cela a représenté un an de travail en étroite collaboration avec le Mémorial ACTe de Guadeloupe et la collectivité. Cette réussite tient en grande partie à l’arrivée d’une nouvelle directrice au Mémorial ACTe, Isabelle Vestris, originaire de Guadeloupe et forte d’une solide expérience. Jeune, compétente et parfaitement qualifiée, elle a su redynamiser le projet et lui donner une nouvelle impulsion. Dans le même temps, un nouveau président, Raphaël Lapin, a pris ses fonctions. Ensemble, ils ont reconstitué une équipe solide et motivée. C’est précisément au moment où nous préparions l’exposition au Brésil que cette nouvelle dynamique a vu le jour. Les organisateurs brésiliens de l’exposition se sont d’ailleurs rendus en Guadeloupe pour découvrir la collection. Grâce à cette coopération, il a été possible d’acheminer la collection au Brésil, ce qui représente une véritable prouesse », souligne Sylvie Glissant, artiste et directrice de l'Institut du Tout-Monde. 

AGUSTÍN CÁRDENAS « Edouard Glissant » Bois brulé sculpté en Martinique à l'Institut Martiniquais d'Études
Œuvre de l’artiste Ernest Breleur
Genevieve Gallego, sculpture Géographie du Chaosmonde dédié à Edouard Glissant
 

L’errance comme méthode et comme geste

Le titre de l’exposition reprend l’un de ses concepts majeurs de Glissant : le musée de l’errance. À rebours des musées traditionnels qui classent et hiérarchisent, Edouard Glissant imagine un musée qui invite à circuler librement entre les œuvres, à laisser se croiser les récits et à accueillir l’imprévisible.

Les artistes réunis à São Paulo ne sont pas nécessairement héritiers directs de Glissant, mais partagent la même démarche philosophique fondée sur la façon de repenser les paysages, de déconstruire la linéarité des récits mémoriels et d’interroger le corps dans son rapport au territoire, à la langue et à la violence. Cette approche résonne puissamment avec les enjeux contemporains du Brésil et du monde. C’est dans cet esprit que les œuvres de Rayana Rayo, originaire de Recife, et de José Eduardo Ferreira Santos, originaire de Salvador de Bahia, seront exposées. Tous deux ont séjourné en résidence d’artistes à la Maison Édouard Glissant durant l’été 2025. Leurs démarches, entre abstraction intime et mémoire collective, trouvent un écho direct dans la poétique de la relation chère à Glissant.

« La rencontre avec Rayana et José s’est faite à la Biennale de Venise, l'année dernière. Ils connaissaient déjà Édouard Glissant ainsi que sa pensée, notamment à travers La Poétique de la Relation.  Lors de cette Biennale, ils ont également découvert l’exposition de Julien Creuzet à Paris, ainsi que la Maison Édouard Glissant. Tout cela a nourri leur intérêt et leur compréhension de l’importance de ce lieu et de cette œuvre. Cette année en août, nous les avons accueillis en résidence à la Maison Edouard Glissant. Ils ont été particulièrement touchés par les paysages de la Martinique, qui les a profondément marqués et a fait résonner en eux la pensée d’Édouard Glissant. En effet, toute l’œuvre de Glissant est imprégnée des paysages de son lieu de naissance et de son origine. Sa réflexion sur la poétique de la Relation s’enracine dans cette expérience intime du territoire. C’est fascinant de constater comment, à travers leur séjour en Martinique, Rayana et José ont pu entrer en dialogue avec cette poétique. Leurs propres paysages se sont mis en relation avec ceux de la Martinique, créant un véritable dialogue des imaginaires. Ce croisement a ouvert une nouvelle vision, un nouveau regard partagé sur le monde. », précise Sylvie Glissant.

Œuvre de l’artiste brésilienne Rayana Rayo
Peinture de Victor Brauner
Peinture de Wifredo Lam

Un écrivain visionnaire 

Auteur majeur du XXe siècle, Édouard Glissant (1928-2011) a profondément renouvelé la pensée sur l’identité, la mémoire et la culture. Par ses essais, ses romans et sa poésie, il a développé la Poétique de la Relation, une philosophie ouverte sur l’échange, la créolisation et la circulation des imaginaires. Dans ses textes, Glissant invite à « penser le monde en archipels », c’est-à-dire comme un tissu de relations multiples et mouvantes. Sa collection d’œuvres d’art témoigne de cette même vision : non pas un système clos et ordonné, mais un réseau de correspondances entre paysages, histoires et sensibilités. Récemment, une partie de son œuvre littéraire a été traduite en portugais, offrant au public brésilien un accès renouvelé à sa pensée et à son imaginaire.

Sculpture de Serge Helenon
Sculpture de Federica Matta dans un jardin public

L’Archipel Glissant

En écho à l’exposition, la Saison Brésil–France se poursuivra en novembre avec L’Archipel Glissant, une programmation littéraire et poétique imaginée par l’Institut du Tout-Monde, en partenariat avec l’Institut français. Porté par le festival FLUP (Festa Literária das Periferias), l’événement fera escale à Rio, São Paulo et Salvador de Bahia, réunissant écrivains, penseurs et artistes autour de l’héritage du poète martiniquais. On y retrouvera notamment Patrick Chamoiseau, compagnon de route et ami proche de Glissant, pour célébrer et prolonger sa « poétique de la relation », au croisement des langues, des imaginaires et des cultures.

50 artistes glissantiens à l’Instituto Tomie Ohtake : Agustín Cárdenas, Aislan Pankararu, Antonio Seguí, Amoedas Wani, Arébénor Basséne, Chang Yuchen, Cesare Peverelli, Chico Tabibuia, Eduardo Zamora, Emanoel Araújo, Enrique Zañartu, Ernest Breleur, Etienne de France, Federica Matta, Flavio Shiró Tanaka, Florencia Rodriguez Giles, Frank Walter, Gabriela Morawetz, Geneviève Gallego, Gerardo Chávez, Hamedine Kane, Irving Petlin, Jean-Claude Garoute (Tiga), José Gamarra, Julien Creuzet, Kelly Sinnapah Mary, M. Émile, Manthia Diawara, Mélinda Fourn, Melvin Edwards, Minia Biabiany, Nolan Oswald Dennis, Öyvind Fahlström, Pancho Quilici, Paul Mayer, Pedro França, Pol Taburet, Raphaël Barontini, Rayana Rayo, Rebeca Carapiá, Roberto Matta, Serge Hélénon, Sheila Hicks, Sylvie Séma Glissant, Tarik Kiswanson, Tiago Sant’Ana, Victor Anicet, Victor Brauner, Wifredo Lam, Zé di Cabeça (José Eduardo Ferreira Santos).

Quelques liens utiles :

Instituto Tomie Ohtake : https://www.institutotomieohtake.org.br/exposicoes/a-terra-o-fogo-a-agua-e-os-ventos-por-um-museu-da-errancia-com-edouard-glissant/

Le fonds d’art Edouard Glissant : https://www.edouardglissantartfund.com/fr/accueil/

L’institut du Tout Monde : https://www.tout-monde.com/

Edition 2024 du Chaos-Opera au New Morning : Chaos-Opéra : un hommage vibrant en musique et en mots à Édouard Glissant | Outremers360