INTERVIEW. Législatives 2024 : Aux « solutions démagogiques » du RN et de l’union de gauche, Gabriel Attal défend « des réponses pragmatiques » pour les Outre-mer

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INTERVIEW. Législatives 2024 : Aux « solutions démagogiques » du RN et de l’union de gauche, Gabriel Attal défend « des réponses pragmatiques » pour les Outre-mer

Le Premier ministre Gabriel Attal a choisi Outremers360 pour, d’une part, défendre le bilan ultramarin du gouvernement et d’autre part, exposer les « réponses pragmatiques » qu’il souhaite mettre en œuvre notamment sur l’emploi, la vie chère, le logement, la mobilité et l’eau. Il se montre aussi critique à l’égard du Rassemblement national et du Nouveau Front Populaire qui proposent, selon lui, « des solutions démagogiques, inapplicables et infinançables ».

Outremers360 : Le Parti Ensemble se positionne comme un rempart face aux chaos des deux extrêmes. En Outre-mer, seuls deux candidats sont investis et un candidat soutenu par Ensemble, dans des territoires où le Rassemblement national et le Nouveau Front Populaire ne cessent de gagner des points depuis 7 ans. Pourquoi ? 

Gabriel Attal : Aux élections européennes, les extrêmes, de droite comme de gauche, ont progressé Outre-mer comme partout en France. Dans ce contexte, la liste de la majorité conduite par Valérie Hayer a néanmoins obtenu de très bons résultats dans plusieurs territoires. Elle est ainsi arrivée en tête en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis-et-Futuna et à Saint-Martin.

Pour les élections législatives, notre objectif est de faire barrage aux extrêmes en nous appuyant sur l’ancrage local des candidats. Nous avons donc fait le choix d’investir nos députés sortants et de soutenir des candidats de l’arc républicain.

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Je comprends que la situation très spécifique de certains territoires et l’ampleur des difficultés rencontrées par leurs habitants puissent pousser une partie d’entre eux vers les extrêmes. Mais que proposent en réalité le Rassemblement national et le Nouveau Front populaire : des solutions démagogiques, inapplicables et infinançables. Je veux donc convaincre nos compatriotes d’outre-mer que de meilleures réponses, adaptées à chacun des territoires, existent et peuvent être mises en œuvre sans renier nos valeurs et principes fondamentaux.

Quelles sont les mesures fortes d'Ensemble pour le développement économique et social en faveur des populations des Outre-mer ? Quid de la réforme de l'octroi de mer ? En termes de pouvoir d'achat, existe-t-il des mesures spécifiques pour les territoires ultramarins ? Quelles sont les priorités ?

Beaucoup a été fait depuis 2017 pour le développement économique et social des Outre-mer. S’agissant des mesures en faveur de l’emploi, la réforme des aides économiques a permis de renforcer les régimes d’exonérations de charges patronales, en particulier sur les bas salaires, qui sont passées de 1 milliard à 1,6 milliards d’euros au bénéfice des entreprises et de la création d’emplois. Le nombre d’apprentis a été multiplié par quatre depuis 2019. Les moyens dédiés au service militaire adapté ont été augmentés afin de permettre à plus de jeunes d’être formés et de s’insérer dans la vie active. Toutes ces mesures ont contribué à faire reculer le taux de chômage.

La bataille pour l’emploi demeure notre priorité car trop de jeunes restent éloignés du monde de travail et nous devons aller plus loin en renforçant notre réponse aux facteurs de décrochage. D’abord, en améliorant la lutte contre l’illettrisme. Puis, en développant des dispositifs d’accompagnement individualisé des personnes les plus éloignées de l’emploi, en particulier pour les bénéficiaires du RSA. C’est tout le sens de la réforme de France Travail qui s’appliquera en outre-mer avec des modalités spécifiques, afin de ne laisser personne au bord du chemin.

Depuis 2017, nous avons pris de nombreuses mesures pour améliorer le pouvoir d’achat qui ont été appliquées outre-mer. Je pense par exemple à la suppression de la taxe d’habitation qui a bénéficié à plus de 300 000 foyers, à l’augmentation de certaines prestations sociales ou au chèque énergie. Nous avons aussi mis en œuvre des mesures spécifiques pour les territoires ultramarins, telles que la majoration de 300 euros des bourses au bénéfice de plus de 40 000 étudiants.

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Mais je sais que la vie chère reste un problème majeur pour de très nombreux habitants, même si l’inflation liée à la guerre en Ukraine a été moins forte dans les Outre-mer que dans le reste du pays. Nous allons donc poursuivre ce combat. De nouveau, j’invite nos compatriotes des Outre-mer à se méfier des solutions démagogiques. Le blocage des prix voulu par le Nouveau Front populaire ne résoudrait rien car il ne s’attaquerait pas aux causes structurelles de la vie chère et risquerait même de créer des pénuries de produits.

Nous préférons des réponses pragmatiques, efficaces et négociées avec les acteurs économiques. Depuis 2022, nous avons souhaité élargir les boucliers qualité prix à de nouveaux produits et services afin de mieux répondre aux attentes des consommateurs. Les accords sur le bouclier qualité-prix 2024-2025 ont déjà été signés à La Réunion, en Guadeloupe, à Saint-Barthélemy et à Saint-Pierre-et-Miquelon et ont permis d’obtenir une stabilité des prix. Mais négocier ne signifie pas pour autant ne pas contrôler : c’est la raison pour laquelle nous allons renforcer, dès cette année, les effectifs des services de l’État afin d’amplifier les contrôles sur le respect des règles de la concurrence et sur les prix.

S’agissant de la réforme de l’octroi de mer, je sais les questionnements qu’elle suscite : la concertation avec les élus et les acteurs économiques doit donc se poursuivre avec comme objectif de faire gagner du pouvoir d’achat sans diminuer les recettes des collectivités locales, tout en préservant la production locale. Dans les Outre-mer comme ailleurs, le travail doit aussi mieux payer. C’est pourquoi nous augmenterons la prime de pouvoir d’achat, sans charge ni impôt.

Pour faciliter la mobilité des habitants des Outre-mer, nous avons amélioré l’aide à la continuité territoriale. Près de 80% des habitants des Outre-mer sont désormais bénéficiaires de cette aide, soit 200 000 foyers de plus qu’en 2023. Désormais, la moitié du prix moyen du billet d’avion est financée par l’État. Et les étudiants de première année peuvent bénéficier de la prise en charge intégrale d’un vol trajet aller-retour supplémentaire pour rentrer dans leur famille en cours d’année, à Noël par exemple. Nous voulons poursuivre dans cette voie, en améliorant encore l’accompagnement de la mobilité des étudiants, des salariés en formation ou des créateurs d’entreprise. Des dispositifs nouveaux seront mis en place dès cette année.

Autre priorité, le logement. Plus de 62 000 logements sociaux ont été construits ou réhabilités depuis 2017 dans les cinq DROM. Jamais les moyens consacrés par l’État au logement social dans les Outre-mer n’ont été aussi importants et ils continuent à augmenter : en 2024, ce sont presque 300 millions d’euros qui seront consacrés à la politique du logement, soit une augmentation de 20%. Notre objectif est de produire ou réhabiliter 10 000 logements sociaux par an dans les DROM en 2026. Nous renforcerons aussi les aides pour les propriétaires occupants modestes afin qu’ils puissent rénover leur logement. Enfin, pour faciliter l’accès à la propriété, nous allons supprimer les droits de mutation (« frais de notaire ») pour l’achat du premier logement jusqu’à 250 000 euros, en les compensant aux collectivités locales.

Je sais par ailleurs que l’accès aux services publics est une préoccupation pour beaucoup de nos compatriotes ultra-marins, en particulier en matière d’eau potable. A cet égard, nous avons amplifié le soutien aux collectivités. Nous poursuivrons cet effort en particulier pour certains territoires -je pense à Mayotte et à la Guadeloupe- qui nécessitent des plans particuliers. Nous y mettrons des moyens humains et financiers à la hauteur de l’enjeu, avec 700 millions d’euros programmés.

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Les Outre-mer, immense réservoir de biodiversité, sont tout aussi concernés par la transition écologique que le reste du territoire national. L’objectif de 100 % d’énergies renouvelables d’ici 2030 peut être atteint, grâce notamment à la conversion des centrales thermiques à la biomasse et à la fin du charbon dans les DROM.

Enfin, je connais l’importance des enjeux de sécurité du quotidien en Outre-mer. Depuis 2017, nous avons considérablement renforcé les effectifs des forces de l’ordre afin d’augmenter la présence sur la voie publique. Nous avons créé plus de 1 600 postes supplémentaires en Outre-mer. Nous continuerons de le faire avec l’implantation de 22 nouvelles brigades de gendarmerie, dont 8 seront installées dès cette année.

Depuis octobre dernier, nous avons lancé 42 opérations « place nette », dont les résultats sont probants, puisque nous avons d’ores et déjà procédé à 550 interpellations dans ce cadre. Comme vous le voyez, nous voulons améliorer la vie quotidienne des habitants, par des mesures pragmatiques et non dogmatiques.

La dissolution de l'Assemblée nationale a entraîné la suspension de nombreux travaux législatifs en Outre-mer. Quel avenir pour les projets de loi sur Mayotte (réforme du droit du sol) ou encore la commission d'enquête sur les essais nucléaires en Polynésie ? 

Les travaux législatifs doivent toujours tenir le plus grand compte de la spécificité des territoires des Outre-mer. Les élus et les acteurs de terrain doivent être très étroitement associés à la fabrication de la loi, afin que celle-ci soit adaptée aux Outre-mer.

C’est la méthode que nous avons mise en place pour la préparation du projet de loi sur Mayotte. Nous reprendrons ces travaux avec les élus de Mayotte au lendemain des élections. L’objectif reste inchangé : lutter plus efficacement contre l’immigration irrégulière et l’insécurité, faire converger les droits sociaux et donner à Mayotte les moyens de son développement.

S’agissant de la Nouvelle-Calédonie, qui connaît en ce moment une grave crise, je souhaite que nous puissions reprendre les discussions sur l’avenir institutionnel et parvenir à un accord. Cet accord sera alors traduit dans un projet de loi constitutionnelle à soumettre au Parlement.

Les travaux d’initiative parlementaire, comme les commissions d’enquête ou les propositions de loi, sont par définition à la main du Parlement. Mais la majorité que je dirige est ouverte à des propositions innovantes concernant les Outre-mer, dès lors qu’elles sont conformes à nos principes fondamentaux.