INTERVIEW. Économie : « Les ménages ultramarins forcés à épargner davantage en raison du confinement », selon Marie-Anne Poussin-Delmas

INTERVIEW. Économie : « Les ménages ultramarins forcés à épargner davantage en raison du confinement », selon Marie-Anne Poussin-Delmas

Dans les territoires ultramarins comme dans l’hexagone, le confinement a eu un impact sur la consommation des ménages, limités dans leurs déplacements géographiques et confrontés à la fermeture des commerces hors produits de première nécessité, mais aussi des restaurants, des infrastructures de loisirs, de transports…. La réduction de la consommation s’est traduite par une épargne dite « forcée » reflétant ainsi les restrictions imposées par le confinement. Les explications avec Marie-Anne Poussin-Delmas, dirigeante des Instituts d’Émission d’Outre-mer (IEDOM/IEOM).

Pendant le confinement en outremer, les ménages ont-ils eu le même comportement d’épargne que dans l’Hexagone ?

A fin juin 2020, après la fin du confinement, l’encours total de l’épargne liquide des ménages ultramarins a enregistré une forte progression : entre 8,5 % (COM du Pacifique) et 12,9 % (Océan Indien) contre 10,6 % pour la France entière, en glissement annuel. Un an auparavant, cette progression était comprise entre 3,4 % (DCOM de l’Atlantique) et 6,1 % (Océan Indien), contre 6,9 % pour la France entière, soit beaucoup moins.

La principale évolution concerne les comptes courants détenus par les ménages ultramarins : ils sont en hausse fin juin 2020 de près de 10,9 % en glissement annuel dans les DCOM de l’Atlantique, de 11,7 % dans les COM du Pacifique et même de 16,1 % dans l’Océan Indien (14,8 % pour la France entière), soit des évolutions bien supérieures à celles constatées un an plus tôt. Ce dynamisme masque toutefois d’importantes disparités entre les territoires. En Guyane, à La Réunion, en Martinique et en Polynésie française, ces hausses se situent aux alentours de 15 %, tandis qu’elles dépassent même les 20 % à Wallis-et-Futuna et Mayotte. En Nouvelle-Calédonie, en Guadeloupe et à Saint-Pierre-et-Miquelon, la progression annuelle des dépôts à vue est comprise entre 7 et 10 %.

Les autres placements détenus par les ménages ultramarins (comme les livrets A, livrets de développement durable, livrets d’épargne populaire, et comptes épargne-logement) ont moins progressé, comme dans l’Hexagone. Ainsi à fin juin 2020, leur progression annuelle est comprise entre 5,0 % dans les COM du Pacifique et 9,8 % dans l’Océan Indien (7,7 % pour la France entière). Là encore les disparités entre territoires sont fortes puisque les évolutions varient entre 18,4 % (Mayotte) et -0,6 % (Saint-Pierre-et-Miquelon), les autres géographies enregistrant des progressions comprises entre 6,2 % (Guadeloupe) et 13,4 % (Guyane).

Est-on capable d’évaluer ce surplus d’épargne induit par le confinement ?

Non, il est difficile d’évaluer le surplus d’épargne des ménages directement induit par le confinement du printemps 2020, mais on peut le déduire en se servant d’une autre grandeur économique.

Si on rapporte les placements des ménages par rapport au PIB de chaque territoire, cela permet d’apprécier le poids de l’épargne au sein de chaque économie ultramarine, ce qui apporte un éclairage complémentaire sur le comportement d’épargne des ménages pendant le confinement, et donc par déduction d’estimer le surplus d’épargne directement induit par le confinement.

Une première analyse montre des différences assez significatives entre le poids de l’épargne totale des ménages ultramarins dans le PIB et celui de l’épargne des ménages pour la France entière. A fin juin 2020, ce ratio s’établissait à 35,4 % pour l’ensemble des outre-mer, contre 52,1 % pour la France entière, soit un écart plus de 15 points. Des différences importantes existent également entre territoires, ce ratio évoluant entre 13,4 % pour Wallis-et-Futuna et près de 53,6 % pour Saint-Pierre-et-Miquelon.

Pourquoi les ménages ultramarins ont-ils moins épargné que dans la France entière ?

Le différentiel observé avec la France entière s’explique surtout par le poids plus faible de l’épargne hors comptes courants dans les géographies ultramarines qui ressort à fin juin 2020 à 16 % pour l’ensemble des outre-mer, contre 29,2 % pour la France entière. D’importantes disparités sont également observées entre territoires ultramarins, puisque dans certains d’entre eux, ce ratio ne dépasse pas 10 % (Guyane) voire 5 % (Wallis-et-Futuna), alors que dans d’autres (Saint-Pierre-et-Miquelon), il est identique au ratio pour la France entière.

Si on se penche sur la période entre décembre 2019 et juin 2020, on constate que la constitution d’un surplus d’épargne des ménages pendant la période du confinement, s’est produite aussi bien pour la France entière que dans les géographies ultramarines, mais dans une ampleur différente. Ainsi, le ratio d’épargne totale rapportée au PIB a crû de +2,8 points en outre-mer, contre +4 points pour la France entière. L’écart observé s’explique probablement par les disparités de revenus et de niveaux de vie entre les territoires ultramarins et l’hexagone, conduisant à des comportements de consommation et d’épargne différents.

La constitution d’un surplus d’épargne est observée dans l’ensemble des géographies ultramarines, les évolutions les plus marquantes concernant la Martinique (ratio épargne totale/ PIB en hausse de 3,2 points), la Polynésie française (+3,2 points), La Réunion (+3,1 points) et la Guyane (+2,9 points). A l’inverse, la progression apparaît moins marquée pour la Nouvelle-Calédonie et Saint-Pierre-et-Miquelon (+1,2 point).

Enfin, il y a eu une certaine homogénéité dans le choix de placement du surplus d’épargne tant dans les territoires ultramarins que dans la France entière, puisque les ménages ont davantage privilégié leurs comptes courants.

Marie-Anne Poussin-Delmas, dirigeante des Instituts d'émission d'Outre-mer ©Outremers360

Marie-Anne Poussin-Delmas, dirigeante des Instituts d’émission d’Outre-mer ©Outremers360