Le 29 novembre 1802, celle que l’on appela la mulâtresse Solitude était tuée par les troupes coloniales de Napoléon Bonaparte. Devenue une icône de la liberté pour sa résistance à l’esclavage, elle est la seule femme noire à être représentée par une statue au sein de l’espace public dans la capitale française.
C’est la première femme noire à avoir une statue à Paris, dans un jardin qui porte son nom depuis 2020. Le monument a été inauguré cette année, le 10 mai, Journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions. Une commémoration hautement symbolique à laquelle l’Etat procède depuis 2006 dans la foulée de la loi Taubira de 2001, obtenue de haute lutte, qui fait de la traite négrière et de l’esclavage un crime contre l’humanité.
Ironie, si l’on veut, de l’histoire, la statue de Solitude a été érigée presque en lieu et place de celle du général Dumas, un métis lui aussi, premier général français d’origine caribéenne et père de l’écrivain Alexandre Dumas. Le monument construit à sa mémoire n’avait pas été du goût de l’administration allemande du temps de l’occupation qui avait tout bonnement décidé d’envoyer la statue à la fonte. Deux autres statues de Solitude lui rendent hommage en France : une aux Abymes en Guadeloupe, et une autre à Bagneux en région parisienne, inaugurées respectivement en 1999 et 2007.
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De sa véritable histoire, on sait finalement peu de choses, nombre d’éléments ayant été romancés ou extrapolés, notamment par l’ouvrage à succès d’André Schwarz-Bart, « La Mulâtresse Solitude », publié en 1972. « Mulâtresse », disait-on du temps du travail servile par un vocable plus ou moins méprisant, Solitude l’était à la suite du viol de sa mère esclave africaine par un marin blanc durant la traversée de l’Atlantique menant le bateau négrier vers la Guadeloupe. De son vrai nom Rosalie, elle serait née vers 1772.
Tôt séparée de sa mère, elle devient esclave d’une maison de maître, vraisemblablement à cause de son teint clair. En 1794, intervient la première abolition de l’esclavage par la Convention nationale durant la révolution française. Solitude est libre. Selon l’histoire, elle intègre avec sa mère une communauté de marrons (esclaves en fuite) dans la région de Goyave, dans la Basse-Terre de l’archipel. La tension est à son comble, des familles de planteurs sont exécutées, d’autres parviennent à prendre la fuite.
En 1802, Napoléon Bonaparte étant au pouvoir, il décide de rétablir l’esclavage avec le soutien des riches planteurs. Au début du mois de mai de cette même année, des milliers de soldats débarquent en Guadeloupe pour reprendre les choses en main sous les ordres du général Richepanse. Mais c’est sans compter sur la volonté des « libres de couleur » et des anciens esclaves de demeurer sans chaînes. Ils prennent les armes sous la direction du colonel martiniquais Louis Delgrès, alors en poste dans l’île.
Sans trop de détails sur son ralliement, l’histoire retient que, bien qu’enceinte de quelques mois, Solitude rejoint les troupes de Delgrès et qu’elle combat même à ses côtés. Mais à la fin mai 1802, les insurgés de Delgrès sont encerclés dans une habitation à Matouba, dans le sud de la Basse-Terre. Plutôt que de se rendre à l’armée, supérieure en force, de Napoléon, Delgrès et ses hommes préfèrent se faire exploser avec des barils de poudre dans leur retraite. Solitude y survit, et ne se fait pas exécuter immédiatement car elle est enceinte. Condamnée à mort néanmoins, elle sera « suppliciée » – probablement pendue – le lendemain de son accouchement, le 29 novembre 1802. Devenant l’icône de la lutte pour la liberté que l’on célèbre aujourd’hui.
PM