Le très attendu conseil présidentiel de transition haïtien a officiellement été créé vendredi, à la suite de semaines de négociations tendues et un mois après l’annonce de la démission du Premier ministre contesté Ariel Henry.
La formation de cet organe qui devra tenter de rétablir ordre public et stabilité, dans le pays en proie à la violence des gangs, a été officialisée par un décret signé d’Ariel Henry et paru au journal officiel, Le Moniteur. Le conseil n’est pas encore formellement aux manettes du pays et Ariel Henry « présentera la démission de son gouvernement suite à la nomination d’un nouveau Premier ministre », précise le texte.
Ses membres devront nommer « rapidement » un Premier ministre ainsi qu’un gouvernement « inclusif », selon le document. Le mandat du conseil devra prendre fin, « au plus tard, le 7 février 2026 ». La Communauté des Caraïbes (Caricom), qui a parrainé les discussions en vue de la formation du conseil, a salué sa création officielle qui laisse « entrevoir la possibilité d’un nouveau départ pour Haïti », tout en reconnaissant que le pays devait encore faire face à des « défis de taille ».
Les États-Unis, par la voix d’un porte-parole du département d’État, ont de leur côté évoqué un « pas positif vers le rétablissement de la sécurité, pour ouvrir la voie à des élections libres et transparentes et vers la restauration de la démocratie et d’une gouvernance inclusive ».
Instabilité chronique
Haïti pâtit depuis des dizaines d’années d’une instabilité politique chronique. Mais fin février, les gangs, dont la violence ravageait déjà des pans entiers du territoire, ont lancé des attaques coordonnées contre des sites stratégiques, disant vouloir renverser Ariel Henry. Ce dernier, nommé quelques jours avant l’assassinat en 2021 du président Jovenel Moïse, était fortement contesté. Il n’a pas pu regagner son pays après un déplacement au Kenya.
Le 11 mars, le même jour qu’une réunion entre Haïtiens et plusieurs organisations et pays comme les États-Unis, il a annoncé qu’il allait démissionner pour laisser la place à un conseil présidentiel de transition.
« Protéger la population »
Il aura fallu plusieurs semaines de négociations complexes, marquées par des revirements, pour que le conseil voie le jour. En cause, des désaccords entre les partis politiques et les autres parties prenantes, mais aussi avec le gouvernement sortant, sans compter des doutes sur la légalité même d’un tel organe.
Le conseil sera composé de sept membres avec droit de vote, représentant les principales forces politiques en Haïti et le secteur privé. Le décret cite les partis politiques choisis, mais ne mentionne pas nommément les personnes devant en faire partie. Deux observateurs sans droit de vote porteront en outre les voix de la société civile et de la communauté religieuse.
Seront exclues du conseil les personnes inculpées ou condamnées par la justice, sous le coup de sanctions de l’ONU, comptant se présenter aux prochaines élections en Haïti et/ou s’opposant à la résolution onusienne sur le déploiement d’une mission multinationale d’appui à la sécurité. Le ministère haïtien de la Culture et de la Communication a appelé « les personnalités désignées par les parties prenantes pour faire partie » du conseil à soumettre aux autorités les pièces requises pour être approuvées.
Pour Gédéon Jean, directeur du Centre d’analyse et de recherche en droits de l’Homme (CARDH), une ONG haïtienne, la création de l’organe est « un pas important ». « Cependant, cette étape n’est pas une finalité en soi », dit-il à l’AFP. « Il faudra créer les conditions sécuritaires pour que le conseil puisse travailler, mais surtout protéger la population, la première priorité ». « Sans le rétablissement de la sécurité, les membres du conseil ne pourront pas exercer leurs attributions », a-t-il insisté.
Sans président ni parlement, Haïti n’a connu aucune élection depuis 2016. La capitale est à 80 % aux mains des bandes criminelles, accusées de nombreuses exactions, en particulier meurtres, viols, pillages et enlèvements contre rançon. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a indiqué vendredi que près de 100 000 personnes avaient fui la zone métropolitaine de Port-au-Prince en un mois pour se mettre à l’abri de l’escalade des attaques de gangs.
Avec AFP