Le premier président et le procureur général de la cour d'appel de Basse-Terre, en Guadeloupe, ont lancé mardi un cri d'alarme face à la montée inquiétante de la criminalité, appelant à un "sursaut républicain" et à des moyens renforcés face à une délinquance qu'ils jugent hors norme.
"Nous faisons face à une vague de criminalité extrêmement violente", a affirmé au cours d'une conférence de presse le premier président, Michael Janas, rappelant que depuis le début de l'année, la Guadeloupe avait enregistré 27 homicides, 111 tentatives de meurtre et 300 vols à main armée."Tous les clignotants sont au rouge", a-t-il insisté, estimant que la Guadeloupe était "à un point de bascule" et qu'un "sursaut républicain" et une "réponse plus forte de l'État étaient nécessaires face à "un mur de la délinquance".
Le procureur général Éric Maurel s'est pour sa part inquiété d'une structuration progressive des gangs qui dépasse le simple banditisme et "semble évoluer vers des structurations mafieuses". Ces groupes sont "de plus en plus violents" et cherchent à infiltrer la société civile, les associations, voire la sphère politique, a-t-il prévenu.
La circulation des armes est massive dans l'arc Antilles-Guyane, entre États-Unis et Amérique du sud, et largement liée aux trafics de stupéfiants.Le procureur général a souligné "l'extraordinaire porosité" des frontières, maritimes comme aériennes. "Les armes circulent partout: elles sont extrêmement faciles à acheter, elles ne sont pas chères, 500-600 euros", a-t-il prévenu.
Elles sont mises dans les mains de jeunes mineurs, parfois âgés de seulement 13 ans, "qui au regard de leur immaturité, de leur impulsivité et parfois aussi de l'usage de produits stupéfiants, tirent très vite et tuent".
La Guadeloupe et les îles du Nord (Saint-Martin et Saint-Barthélemy) sont au 2e rang national pour les homicides rapportés à la population et au 3e pour les vols à main armée, a indiqué Éric Maurel. "Nous en serions à 135 homicides" si la Guadeloupe avait la population de Marseille, a-t-il souligné.
Au-delà de cette hausse de 35% de la délinquance des mineurs depuis 2023, les deux magistrats ont alerté sur la persistance des violences intrafamiliales (1.700 dossiers par an) et sexuelles (plus de 800 dossiers).
Les deux chefs de cour plaident pour le renfort d'au moins cinq magistrats supplémentaires et la création d'un pôle infra-JIRS (Juridiction interrégionale spécialisée dans la lutte contre la criminalité organisée) à Pointe-à-Pitre, en lien avec celui de Fort-de-France (Martinique) et avec les forces de sécurité. "Il faut vraiment avec les forces de l'ordre (...) que nous fassions rang et que nous fassions face ensemble", a insisté M. Janas.
Avec AFP