En Guadeloupe, un plan de l'Etat pour réinventer la cantine scolaire

© Ville de Pointe-à-Pitre

En Guadeloupe, un plan de l'Etat pour réinventer la cantine scolaire

Qualité des repas jugée médiocre, encadrement défaillant, locaux vétustes: face à une série de dysfonctionnements criants, l'État lance un "plan cantine" inédit en Guadeloupe pour améliorer la pause méridienne et tenter d'enrayer la désaffection des élèves pour la restauration scolaire.

 

L'objectif est clair: "initier une dynamique d'amélioration" avec des acteurs locaux engagés, explique à l'AFP Arnaud Duranthon, sous-préfet en charge de la cohésion sociale dans l'archipel français des Antilles. Selon lui, ce plan répond à "des remontées de terrain" faisant état d'une prise en charge "assez dégradée par rapport aux standards que l'on retrouve sur le territoire national".

Des constats que confirment de nombreux parents. À Baie-Mahault, Hélène Cogny, mère de deux enfants en école primaire, décrit la pause déjeuner comme une "catastrophe". "Tous les soirs, mon fils me dit qu'il ne mange pas assez ou mal, que les portions sont trop petites, qu'il n'a pas le droit de se resservir", raconte cette formatrice et assistante sociale de 41 ans.

En novembre, la mairie de cette commune du centre de la Guadeloupe avait même dû présenter ses excuses après la diffusion sur les réseaux sociaux d'une photo montrant un plateau-repas quasiment vide. En cause: "la perturbation de l'alimentation en eau de l'UCPA (Unité de centrale de production alimentaire, ndlr)", avait expliqué la maire, Hélène Polifonte.

À ces difficultés alimentaires s'ajoutent des griefs sur l'encadrement. Une mère vivant dans la ville de Pointe-à-Pitre, qui souhaite rester anonyme, dénonce "le silence imposé" aux enfants et "l'interdiction de boire pendant le repas" imposé à d'autres.

Plusieurs témoignages pointent aussi le manque d'animation, certaines "taties" (nom donné aux encadrantes périscolaires) étant jugées "dures" ou peu investies.

 Cantines clandestines 

Résultat: de nombreux parents retirent leurs enfants des cantines. C'est le cas de cette maman de Pointe-à-Pitre, qui confie désormais ses enfants à "une dame qui habite près de l'école". Une situation qui inquiète les autorités. 

Le sous-préfet Arnaud Duranthon regrette "le recours à des accueils-marrons (non déclarés, ndlr) où la qualité de la nourriture n'est pas forcément idéale". "On n'a pas de contrôle sur ce qu'il s'y passe avec les enfants", insiste-t-il.

Pour tenter d'inverser la tendance, le "plan cantine", amorcé fin 2023, est entré dans sa phase opérationnelle début 2024. Une école-pilote a été désignée dans chaque commune de l'archipel pour expérimenter de nouvelles pratiques. "Le but est que les communes soient dotées d'une école +modèle+ pour initier une dynamique d'amélioration des autres écoles", détaille Arnaud Duranthon. Si la pause méridienne reste une compétence municipale, l'État s'est engagé à verser plus de deux millions d'euros pour rénover les bâtiments. Les premiers chantiers devraient débuter courant 2025.

Mais les problématiques sont multiples. Formation des agents, meilleure accessibilité pour les enfants en situation de handicap, utilisation des salles de classe "car il n'y a pas toujours d'ombre dans les cours de récréation": plusieurs ajustements sont testés, détaille Cédric Gloaguen, chargé de mission à la préfecture de Guadeloupe.

Le plan prévoit aussi la refonte de certains marchés publics pour y intégrer de petits producteurs locaux, et un recours accru aux associations. "Chaque opérateur travaille dans son domaine de compétence", souligne-t-il, convaincu que "les solutions sont en Guadeloupe".

Elles relèvent aussi de l'organisation du temps périscolaire. À l'école-pilote de Fonds Cacao, à Capesterre-Belle-Eau (sud), "nous devons travailler avec les équipes pédagogiques pour avoir une meilleure cohésion", reconnaît Patrick Vasseaux, responsable du service animation de cette commune qui s'est investie dans le sujet.

Le maire, Jean-Philippe Courtois, se montre optimiste: selon lui, le dispositif "a donné plus de latitude" aux mairies et constitue "un très beau dispositif" pour repenser l'accueil des élèves.

Avec AFP