Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat : « le logement ne peut pas être la variable d’ajustement: ll est au cœur de la cohésion sociale, et dans les Outre-mer plus qu’ailleurs  »

© Outremers 360

Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat : « le logement ne peut pas être la variable d’ajustement: ll est au cœur de la cohésion sociale, et dans les Outre-mer plus qu’ailleurs  »

C’est dans un contexte politique et social incertain que l’Union sociale pour l’habitat (USH) fait sa rentrée. Sa présidente, Emmanuelle Cosse, dresse le bilan d’une année contrastée et fixe les priorités avant le Congrès HLM de Paris, prévu du 23 au 25 septembre prochain. Face aux besoins croissants et aux problématiques spécifiques aux territoires ultramarins, l’USH alerte sur l’urgence d’agir.

C’est une rentrée « un peu spéciale », comme le reconnaît elle-même Emmanuelle Cosse, présidente de l’Union sociale pour l’habitat (USH). « Ce n’est jamais très agréable de commencer une rentrée où l’on a un gouvernement qui est en place mais qui, nous l’avons bien compris, ne le sera plus exactement de la même manière très bientôt. » Mais pour la présidente, la situation, bien que particulière, ne doit pas ralentir l’action. « Notre objectif est simple : dans trois semaines, nous avons le Congrès HLM, qui est le grand moment des organismes HLM. Pour eux, c’est un moment de rencontre, de travail, de connaissance. Et pour nous, c’est aussi en septembre l’occasion de prendre le pouls, de voir la dynamique des bailleurs, que ce soit sur la production de logements ou sur la réhabilitation », explique-t-elle. 

C’est donc un mois de septembre qui se veut tourné vers l’action : « Ce qu’on voit, c’est qu’il faut continuer à s’impliquer, à investir. C’est un peu le message que je passe partout. D’autant plus que, d’un point de vue social, la demande HLM, elle, ne cesse d’augmenter, tous territoires confondus. En 2025, nous avons encore plus de demandeurs inscrits, mais dans le même temps nous n’avons pas livré suffisamment de logements. » Un constat partagé par l’ensemble du secteur : « Notre positionnement, et je crois qu’il est largement partagé, c’est de dire que quoi qu’il arrive, il faut avancer, produire, répondre aux besoins et accélérer sur la réhabilitation. » Mais encore faut-il en avoir les moyens. « Pour ça, il nous faut des financements. C’est l’autre sujet, peut-être moins visible, mais qui est essentiel : nous sommes censés avoir des discussions budgétaires. Or, cette année, contrairement aux précédentes, il n’y en a eu aucune. Tout est suspendu. »

© Outremers360

 Le budget, le nerf de la guerre 

 Derrière les appels à l’action, un mot revient : le budget. « Les financements sont la condition pour que nous puissions avancer. Sans eux, nous ne produisons pas, nous ne réhabilitons pas », rappelle Emmanuelle Cosse. Or, la situation actuelle inquiète. La Ligne budgétaire unique (LBU), qui constitue la principale source de financement du logement social dans les Outre-mer, a reculé dans la loi de finances 2025. « Dès juillet, nous avions eu des échos d’une possible baisse. Nous avons alerté, mobilisé, y compris sur le terrain, pour rappeler que ces crédits sont vitaux. Aujourd’hui encore, nous n’avons aucune visibilité », regrette la présidente de l’USH. Pour l’institution, les demandes sont claires : sanctuariser les moyens existants et les renforcer. « À minima, il faut maintenir le budget au niveau de l’an dernier. Mais nous savons tous que cela ne suffira pas. Les besoins sont plus forts, partout. Il faut donc davantage. Nous savons que la situation politique est fragile, que les priorités sont bousculées. Mais le logement ne peut pas être la variable d’ajustement : il est au cœur de la cohésion sociale, et dans les Outre-mer plus qu’ailleurs. C’est une urgence sociale. » 

Dans ces territoires, la demande explose mais l’offre peine à suivre. En 2024, 4 700 logements sociaux ont été financés dans les DROM, soit une hausse de +22 % par rapport à 2023. « C’est un progrès réel, mais encore insuffisant face aux besoins immenses. » Les obstacles sont nombreux à l’instar du foncier rare et cher, des surcoûts liés aux normes parasismiques et anticycloniques, ou encore des délais d’approvisionnement et du prix des matériaux, accentués par la dépendance aux importations.  « Comment comprendre qu’un bois acheté en Guyane doive transiter par Le Havre avant d’être utilisé sur place ? Plus rien n’a de sens », déplore la présidente. Elle souligne, sur au moins trois dispositifs, la nécessité d’ouvrir le crédit d’impôt aux organismes produisant des EHPAD (proposition portée par l’USH à l’occasion du PLF 2025, adoptée dans les deux chambres mais finalement rejetée en commission mixte paritaire), l’abondement du fonds d’aide au désamiantage (proposition faite par l’USH et adoptée au PLF2025)  ou encore la nécessité que la dérogation au marquage CE puisse enfin être appliquée dans les administrations.

© Outremers360

Les Outre-mer au cœur des débats

Malgré les difficultés identifiées, des solutions existent également. « Partout dans les Outre-mer, les bailleurs innovent. Ils sont en avance, notamment en matière d’adaptation au changement climatique. Mais pour que ces exemples se multiplient, il faut des moyens », insiste Emmanuelle Cosse. Ces problématiques seront évoquées à l’occasion du Congrès HLM de Paris, prévu du 23 au 25 septembre. De nombreuses délégations ultramarines sont attendues. « Ce congrès est un moment de travail et de mobilisation. Nous devons rappeler que le logement social n’est pas un logement au rabais. Dans les Outre-mer, il incarne l’innovation, la résilience et le lien social. » Les débats mettront en lumière les situations locales : une séquence spéciale sera consacrée à Mayotte, où la reconstruction post-cyclone est un défi colossal. Il sera également question de la Nouvelle-Calédonie, fragilisée par les émeutes, ou encore de la problématique liée aux assurances en Guadeloupe.

 Mais le Congrès HLM n’est qu’une première étape. D’autres rendez-vous viendront rythmer l’année, à l’instar du Congrès des maires de France prévu en novembre : une tribune clé pour alerter les élus locaux, y compris ultramarins, sur l’urgence du logement social et la nécessité de mobiliser le foncier. « Le logement est au cœur de la cohésion sociale. Dans les Outre-mer, il est aussi au cœur de la dignité des habitants. Quoi qu’il arrive, nous devons tenir le cap », conclut Emmanuelle Cosse.