Égalité femmes-hommes en Outre-mer : un combat élargi avec la feuille de route de la nouvelle coordinatrice interministérielle Aude Luquet

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Égalité femmes-hommes en Outre-mer : un combat élargi avec la feuille de route de la nouvelle coordinatrice interministérielle Aude Luquet

Depuis janvier 2025, Aude Luquet a pris la suite de Justine Bénin en tant que coordinatrice interministérielle pour l'égalité entre les hommes et les femmes en Outre-mer. Une mission révisitée, élargie au-delà de la lutte contre les violences faites aux femmes, et qui s’ancre désormais dans des enjeux plus vastes : égalité professionnelle et économique, accès à l'éducation et aux formations stratégiques, ainsi que reconnaissance des spécificités ultramarines. En ce 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, retour sur sa feuille de route pour les prochains mois. Elle fait le point pour Outremers 360.

 

Les associations, telles que le Collectif de Femmes d'Outre-Mer et du Monde, se demandaient ce qu’il adviendrait du rapport de Justine Bénin, ancienne coordinatrice interministérielle pour l'égalité entre les hommes et les femmes en Outre-mer, qui avait présenté en octobre 2024 quarante-quatre recommandations pour lutter contre les violences intrafamiliales. C’est la nouvelle coordinatrice interministérielle, Aude Luquet, qui répond désormais à cette question. « Ce rapport est un point d’appui majeur. Justine Bénin a fait un travail remarquable en identifiant les blocages et en formulant des solutions adaptées aux réalités ultramarines. Mon rôle est d’assurer le passage de la parole aux actes, de donner vie à ces recommandations sur le terrain. » Mais si la lutte contre les violences demeure un axe fort de sa mission, Aude Luquet a désormais une mission élargie à l’ensemble des problématiques liées à l’égalité femmes-hommes. Une approche qu’elle définit comme essentielle pour transformer durablement la condition des femmes en Outre-mer. « Il faut aussi agir sur l’émancipation économique, l’accès à l’éducation et aux formations stratégiques, et sur la valorisation des rôles des femmes dans la société. Il ne s’agit pas seulement d’ajouter des mesures correctives ici et là, mais de remettre en question des inégalités systémiques qui persistent depuis trop longtemps. Nous devons agir en profondeur, en impliquant tous les acteurs locaux. »

Des priorités face à la réalité

Au-delà de la mise en œuvre du rapport Bénin, Aude Luquet met en avant l’importance de la continuité. « Nous sommes dans une dynamique où chaque avancée compte. Je tiens à ce que le travail déjà fait soit respecté et approfondi, pour aller encore plus loin sur ces questions essentielles. L’enjeu est d’articuler les politiques publiques avec le travail formidable des associations. » Parmi les axes clés de son mandat, on retrouve donc l’égalité professionnelle et économique, mais aussi la santé des femmes ou encore l’émancipation des jeunes filles. « L’autonomie économique des femmes est un levier d’indépendance fondamental. Si nous voulons réduire les inégalités, nous devons leur donner les moyens d’accéder à des postes à responsabilité, à des secteurs porteurs, et à des aides adaptées pour créer et développer leur entreprise. Ces transformations ne peuvent pas être portées par une seule personne ou une seule institution. C’est un effort collectif, qui doit impliquer les territoires, les associations, les entreprises et les citoyens. L’égalité, ce n’est pas juste un mot, c’est une pratique quotidienne que nous devons intégrer partout. »

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Les ambitions sont claires, mais les moyens restent limités. Si les missions sont multipliées pour cette année 2025, le budget nécessaire à la mise en œuvre de toutes ces actions reste un point de blocage. « Nous sommes dans un contexte de forte contrainte budgétaire. Certaines recommandations nécessitent des financements importants. Mais il existe aussi des solutions à moindre coût : mieux coordonner les dispositifs existants, sensibiliser, mettre en réseau les acteurs de terrain. »

Un focus spécifique sur la zone Pacifique

L’année 2025 est également marquée par un nouvel axe de travail du côté des territoires du Pacifique. Jusqu’ici, ces régions, où cette thématique relève des compétences locales, étaient peu concernées par les politiques nationales. « On ne peut plus ignorer ni la Polynésie française, ni la Nouvelle-Calédonie, ni Wallis-et-Futuna. Nous devons construire un dialogue renforcé avec les collectivités locales, adapter nos politiques à leurs réalités, sans imposer un regard hexagonal.» Ne pas imposer une vision de l’Hexagone sera également un enjeu dans tous les autres territoires ultramarins, qui possèdent chacun leurs spécificités.

« Cela impose une approche différenciée », reconnaît Aude Luquet. « Il ne s’agit pas d’appliquer les mêmes recettes qu’en Hexagone ou dans les Antilles. Nous devons comprendre les réalités locales, travailler avec les autorités et les associations pour identifier des solutions qui respectent les identités culturelles tout en garantissant les droits fondamentaux des femmes. » Aude Luquet veut poser les bases d’un travail de long terme avec ces collectivités : « Nous devons développer des partenariats concrets et nous assurer que les politiques publiques prennent en compte les réalités spécifiques de ces territoires. Cela passe par une présence accrue sur le terrain, des échanges réguliers avec les associations locales et un soutien adapté aux initiatives déjà existantes. »

Aude Luquet, coordinatrice interministérielle pour l'égalité entre les hommes et les femmes en Outre-mer avec Aurore Bergé, ministre déléguée chargée de l’Égalité femmes-hommes et de la Lutte contre les discriminations © DR

Les enjeux sont importants, mais la mission est courte. Le mandat de coordinatrice interministérielle pour l'égalité entre les hommes et les femmes en Outre-mer est d’un an, et même s’il peut être renouvelé, les actions doivent suivre rapidement dans les prochains mois. « Le temps est court, mais nous avons une feuille de route claire. Mon objectif est d’identifier des actions concrètes et efficaces d’ici les trois prochains mois et de proposer un plan d’action aux ministres concernés. »

Des rendez-vous importants jalonneront son parcours, avec notamment un point d'étape lors du prochain Comité Interministériel.
 

Abby Said Adinani