Économie : il est possible de mobiliser l’épargne locale pour le développement des Outre-mer, selon le think tank UltraLab

©Crédit Agricole Martinique Guyane

Économie : il est possible de mobiliser l’épargne locale pour le développement des Outre-mer, selon le think tank UltraLab

Partant de l’analyse d’un taux d’épargne des ménages plus élevé dans les Outre-mer que dans l’Hexagone, et d’un besoin de financement des entreprises insuffisamment pris en compte dans ces territoires, une étude d’UltraLab, le think tank des Ultramarins de la Fédération des Entreprises des Outre-mer (FEDOM), préconise la création d’un livret d’épargne spécifique pour mobiliser cette « sur-épargne ». Objectifs, entre autres, abonder les fonds propres des entreprises d’Outre-mer et investir au niveau local afin de construire un nouveau modèle de développement.

Premier constat d’UltraLab, « malgré le haut niveau des transferts financiers de l’Hexagone vers les Outre-mer (22,8 milliards d’euros en 2023), les besoins en fonds propres des entreprises ne sont que très peu pris en compte ». En effet, les transferts financiers, majoritairement composés de rémunérations et de prestations sociales, ne visent pas directement le développement des entreprises ou les investissements. Leur principal impact est de stimuler la consommation, qui constitue le moteur clé de la croissance économique Outre-mer.

Ces transferts de l’Hexagone ou de l’Union européenne consacrent peu de moyens au financement durable des entreprises ultramarines, ce qui les rend vulnérables aux problèmes de trésorerie, aux difficultés d'accès aux crédits bancaires et à une éventuelle baisse des aides liées à la défiscalisation. « La réorientation, pour partie, du financement des entreprises ultramarines vers le renforcement de leurs fonds propres est donc nécessaire, ce qui pourrait contribuer à une plus grande marge d’autonomie par rapport à l’Hexagone », souligne l’étude.

Deuxième constat : « l’épargne locale, plus abondante Outre-mer que dans l’Hexagone, n’est pas mise au service du développement des territoires ultramarins », d’après UltraLab (voir ci-dessous le tableau concernant le taux d’épargne des ménages aux Antilles-Guyane). Cette « sur-épargne » s’explique notamment par les majorations de traitement ou sur-rémunérations, et par une réduction – plafonnée - de l’’impôt sur le revenu (30 à 40% selon les territoires) dont est bénéficiaire la majeure partie des contribuables des DROM.

Selon l’étude, ces majorations sont « anachroniques » et représentent des privilèges « source d’injustices ». Par ailleurs, les compléments de rémunération ne sont pas dépensés sur place, ajoute le document. « Cette ‘sur-épargne’ est souvent rapatriée dans l’Hexagone ou, s’agissant des collectivités du Pacifique, aux États-Unis, en Australie ou en Nouvelle-Zélande, au travers de comptes bancaires, d’investissements immobiliers ou de l’assurance vie. Issue des transferts financiers de l’État vers les Outre-mer, elle est donc largement délocalisée au lieu de favoriser le développement des territoires ultramarins ».

Aussi, en l'absence de réformes durables concernant les rémunérations des fonctionnaires ultramarins ou les réductions d'impôt dans les DROM, il serait nécessaire d'instaurer une forte incitation, éventuellement contraignante, pour initier des réformes progressives et mobiliser une « sur-épargne » actuellement peu productive localement, au bénéfice du développement des territoires. « Une telle démarche est d’autant plus justifiée que cette « sur-épargne » est largement alimentée par des transferts de l’État, donc par les impôts versés par la collectivité nationale », affirme UltraLab.

« Un livret d’épargne ultramarin pourrait être créé à cet effet. Il pourrait être, comme le livret A, géré par la Caisse des Dépôts et Consignations ou les instituts (IEDOM et IEOM, Instituts d’émission des banques centrales des Outre-mer, ndlr) », suggère l’étude. Cette réforme irait de pair avec une réduction progressive des sur-rémunérations sur 20 ans. Les épargnants atteignant un seuil minimal d'épargne conserveraient par dérogation leur sur-rémunération pendant cette période et récupéreraient leur capital après une période de blocage des fonds.

Les montants accumulés grâce au livret d’épargne Outre-mer seraient exclusivement destinés aux régions ultramarines, estime UltraLab. Ils pourraient être affectés à la création d'emplois supplémentaires dans les secteurs qui en ont besoin, ainsi qu'à des travaux d’intérêt général difficiles à financer, notamment pour « abonder les fonds propres des entreprises installées Outre-mer » et « contribuer au financement des investissements locaux structurants sous maîtrise d’ouvrage publique (infrastructures, transports collectifs, eau et assainissements, énergie, etc.) ».

Un Conseil de développement serait chargé d'appuyer l'organisme financier désigné pour gérer les fonds du livret d'épargne ultramarin. Il disposerait de prérogatives importantes concernant la stratégie d'allocation des fonds et la sélection des projets à financer. Ce conseil, compétent pour l'ensemble des territoires d'Outre-mer, inclurait, aux côtés des représentants de l'État, des personnalités qualifiées ainsi qu'un nombre égal de représentants des entreprises ultramarines et des élus.

PM