La Guyane dispose de considérables atouts encore sous-exploités, principalement dans les domaines sylvicoles, miniers et halieutiques. Dans une nouvelle étude, l’Institut d’émission d’Outre-mer (IEDOM) fait le point sur le potentiel de ces différents secteurs et avance une série de recommandations pour dynamiser l’économie du territoire.
La Guyane, grande comme le Portugal, est d’abord reconnue pour sa biodiversité et son riche écosystème. Sa forêt, qui couvre 96% du territoire (près de huit millions d’hectares), regorge d'espèces végétales (1600 espèces d’arbres) et animales uniques. D’après l’IEDOM, la filière est structurée autour de deux pôles : l’activité d’exploitation forestière, le sciage et le rabotage du bois, et une seconde transformation regroupant les entreprises valorisant le bois en sortie de scierie (charpentes, mobiliers, bois profilés, etc.). « Selon la DAAF (Direction de l’environnement, de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt), le chiffre d’affaires de la filière est de l’ordre de 100 M€ par an et ses débouchés sont principalement liés à la commande publique ». Le marché du BTP représente le premier débouché du bois en Guyane.
Les entreprises du secteur ont dégagé un chiffre d'affaires moyen de 4 millions d’euros sur la période 2021-2023, avec une valeur ajoutée (VA) de 1,1 M€, soit un taux de VA de 26,8%. « À l’export, la filière fait face à de nombreux défis. La compétitivité prix sur le marché international, combinée à des coûts portuaires élevés, limite l’empreinte des exploitants sur les marchés mondiaux », constate toutefois l’étude. Mais d’autres potentiels existent : « riche en graines, arbres fruitiers ainsi qu’en plantes à parfum », la forêt guyanaise pourrait alimenter l'industrie agroalimentaire, pharmaceutique et cosmétique et favoriser des relais de croissance. Le tourisme vert serait également une piste à exploiter.

Au niveau minier, la Guyane contient de nombreuses ressources. De l’or en particulier, mais aussi, on le sait moins, des réserves de coltan, bauxite, kaolins, plomb, zinc, cuivre, diamant, nickel, platine et uranium. « Le BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières, ndlr) a estimé la ressource en coltan à plus de 850 tonnes, représentant une valeur d’environ 17 millions de dollars. (…) D'autres roches alcalines à niobium et terres rares ainsi que des roches porteuses de diamants mériteraient aussi d’être prospectées », rapporte l’IEDOM. En ce qui concerne l’or, les gisements ayant déjà fait l’objet de travaux d’exploration représentent plus de 525 tonnes (soit une valeur marchande de plus de 30 milliards de dollars), « auxquels s’ajoute un potentiel de découverte de l’ordre de plusieurs centaines de tonnes sur l’ensemble du territoire guyanais ».
Les entreprises de la filière, qui emploie plus de 400 salariés, ont réalisé un chiffre d'affaires moyen de 1,9 million d’euros sur la période 2021-2023, et vu leur production augmenter de 19%. « Les exportations suivent la même tendance que la production sur l’année : +16% en valeur et +13% en volume. La filière aurifère représente 42% de la valeur des exportations de biens de la Guyane en 2023 », souligne le rapport, ajoutant que cette valeur a progressé sur 10 ans pour atteindre 57,8 millions d’euros en 2023. On notera cependant le fléau de l’orpaillage illégal, avec des chiffres qui donnent le vertige (7300 orpailleurs illégaux présents sur près de 300 sites alluvionnaires et 100 primaires, plus de cinq tonnes d'or extraites en 2023, générant un chiffre d'affaires annuel d'environ 600 millions d'euros).

Autre secteur porteur, celui de l’halieutique : « Les côtes guyanaises, bordées par l'Atlantique, présentent des opportunités économiques variées, notamment dans le domaine de la pêche. Avec une Zone Économique Exclusive (ZEE) de 121 746 km2, la Guyane bénéficie d’un accès à une ressource halieutique abondante et de grande qualité », relève l’IEDOM. Actuellement, l’activité est concentrée sur les crevettes, les vivaneaux, les différentes espèces de poissons blancs côtiers, ainsi que la pêche fluviale dans les communes de l’intérieur. L’étude déplore toutefois que les acteurs de la filière soient peu nombreux par rapport au potentiel du territoire. « En 2022, on en dénombre 35, dont 22 dédiées à la pêche en mer, tandis que 13 exercent des fonctions à terre, liées au commerce et à la transformation ». En outre, parmi les marins actifs, plus de 80% sont étrangers, venus du Brésil et du Guyana.
En 2023, les exportations de poissons de Guyane se sont élevées à un peu plus de 490 tonnes, en repli de 33,5% sur l’année. En valeur, elles ont baissé de 40,3%, à 5,1 millions d’euros. À la même période, les importations de produits de la mer ont atteint un montant de 9,6 millions d’euros, les 1384 tonnes de production locale ne permettant pas de répondre aux besoins de la population. « En comparaison avec les pays voisins, la production de la pêche guyanaise est faible : sur les trois principales espèces pêchées, le Suriname en produit le double, et entretient la diversification de cette filière en commercialisant également du thon et d’autres espèces pélagiques », constate l’IEDOM.

Dans son analyse, l’IEDOM observe que la Guyane fait face au défi de concilier développement socioéconomique et préservation de l’environnement. Plusieurs facteurs entrent en ligne de compte, comme les conséquences pour la biodiversité et les écosystèmes et l’exploitation illégale des ressources avec des réseaux fortement implantés (entraînant notamment le pillage des ressources naturelles, la génération de nuisances pour les populations, la destruction et la pollution environnementale ainsi que la mise en péril des entités économiques travaillant dans la sphère légale). Pour enrayer ces effets négatifs, le rapport salue la réponse multidimensionnelle et coordonnée des autorités, telle la stratégie interministérielle de lutte contre l'orpaillage illégal ou le plan régional de contrôle des pêches dans le domaine maritime.
Pour conclure, l’IEDOM recommande une meilleure structuration des différents secteurs. Cette dernière nécessite tout d’abord « une analyse approfondie du marché, incluant l'identification des besoins et des opportunités ». Cela implique l’instauration d’une gouvernance efficace, l’adaptation des dispositifs réglementaires, ainsi qu’une formation continue et le développement des compétences. Le rapport préconise aussi l’établissement de mécanismes de financement stables et diversifiés pour soutenir les activités, avec des investissements orientés vers des projets stratégiques et innovants, associés à une modernisation des moyens de production. Enfin, une communication transparente et efficace est indispensable « pour mobiliser tous les acteurs des filières d’exploitation des ressources naturelles et promouvoir une culture de collaboration et de partage des meilleures pratiques ».
PM