"Dette haïtienne": Emmanuel Macron va lancer un travail de mémoire sur "l'injustice initiale imposée à Haïti"

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"Dette haïtienne": Emmanuel Macron va lancer un travail de mémoire sur "l'injustice initiale imposée à Haïti"

Emmanuel Macron doit reconnaître jeudi une "forme d'injustice initiale" imposée à Haïti, qui dut payer une indemnité colossale voulue par la France en échange de son indépendance, et lancer un travail de mémoire avant de trancher une éventuelle réparation.


A l'occasion du bicentenaire de la reconnaissance de l'indépendance de ce pays des Caraïbes en proie à une triple crise politique, sécuritaire et humanitaire, le président français va reconnaître "la force injuste de l'Histoire qui a frappé Haïti dès sa naissance" en tant qu'Etat, a dit mercredi l'Elysée à des journalistes.

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Il doit dévoiler une "méthode" pour engager un "travail historique en profondeur" afin d'évaluer l'impact de cette indemnité sur "le développement de Haïti", a expliqué un conseiller du chef de l'Etat. "Et le Président de la République sera prêt à en tirer toutes les conclusions une fois que ce chantier sera achevé", a-t-il ajouté, sans toutefois dire clairement que cela irait jusqu'à des réparations financières.

Après avoir proclamé son indépendance en 1804 à l'issue d'une victoire militaire contre le corps expéditionnaire napoléonien, les nouvelles autorités de Haïti acceptent, le 17 avril 1825, sous la menace des canons de la flotte française, de payer 150 millions de francs-or d'indemnité aux anciens propriétaires de terres et d'esclaves, en échange de la reconnaissance de l'indépendance par le roi Charles X. La somme sera ramenée en 1838 à 90 millions.
Pour s'en acquitter, la jeune république caribéenne doit s'endetter à des taux très élevés auprès de banques françaises - alors même que plonge le cours du café, de très loin sa principale ressource.

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Le règlement de cette "double dette" s'étalera jusqu'en 1952, date du paiement des derniers intérêts. "Tout cela a évidemment pesé sur le destin de la jeune nation haïtienne" et "a imprégné profondément l'histoire de Haïti", reconnaît l'Elysée.

Le "travail de reconnaissance et non pas de repentance", dixit la présidence française, devrait s'inspirer de ce qui a déjà été fait sous les deux mandats d'Emmanuel Macron au sujet de la guerre d'Algérie, du génocide au Rwanda ou encore de la colonisation française au Cameroun. A chaque fois, des commissions d'historiens ou chercheurs des deux français ont planché sur ces sujets épineux.

Interrogé sur une éventuelle "restitution" de cette dette, comme réclamé en Haïti, l'Elysée a répondu que "le but de ce travail sera d'arriver à tirer un certain nombre de conclusions qui seront historiquement incontestables, de façon à voir comment la France, pratiquement, peut aller au bout du chemin de reconnaissance dans lequel elle s'engage". "Le président n'a pas peur de demander pardon", mais il ne s'agit que du "début du processus", a ajouté un conseiller.

Avec AFP