La sénatrice de Martinique Catherine Conconne (Socialiste, Écologiste et Républicain) et le sénateur de la Mayenne Guillaume Chevrollier (Les Républicains) ont présenté ce jeudi leur rapport sur la continuité territoriale en Outre-mer, une « matière aussi dense que sulfureuse et dramatique » estime la sénatrice, qui a tenté, avec son collègue, des propositions « à la hauteur des situations respectives de chaque territoire ».
À l’issue de trois mois de travaux, 38 auditions, un déplacement en Guyane et en Guadeloupe, Catherine Conconne, Guillaume Chevrollier et Stéphane Artano, président de la délégation sénatoriale aux Outre-mer, font part de « manquements de la politique de continuité territoriale » qui « apparaissent avec toute leur inéquité et leur ampleur ». « L’État n’accomplit pas son devoir » estime la sénatrice de Martinique. Les rapporteurs profitent par ailleurs de l’annoncée réforme de LADOM pour appuyer leur rapport et ses propositions. « L’agenda est le bon », assure Catherine Conconne.
Mais malgré les premiers efforts de revalorisation de l’aide aux billets d’avion entre les Outre-mer et l’Hexagone, de l’État à travers LADOM, le compte n’y est pas encore pour les sénateurs. « Les Ultramarins voyagent pour des raisons essentielles » insiste la sénatrice, qui liste les besoins sanitaires, d’enseignement ou de formation. « Partir est nécessaire, légitime et obligatoire ». Stéphane Artano évoque de son côté une « perte des chances », tant dans le domaine sanitaire que dans l’enseignement supérieur et même le sport. « Le transport bloque tout développement du sport antillo-guyanais » constate Catherine Conconne.
Pour illustrer le sentiment « d’inéquité », les sénateurs citent dans leur rapport l’exemple de la Corse, où l’aide représente 257 euros par habitant et par an, quand il plafonne à 16 euros en Outre-mer. A l’échelle européenne, et en se basant sur les autres RUP de l’Union, l’Espagne dépense 223 euros par an et par habitant pour les habitants de ses territoires, et le Portugal, 34 euros. « Il faut que l’État assume » lance Catherine Conconne qui ne fait pas de distinction entre le gouvernement actuel et ses prédécesseurs. Quand « l’effort budgétaire de l’État demeure comprimé entre 35 millions et 52 millions », la sénatrice appelle à le pousser à « au moins 100 millions d’euros ».
Si l’essentiel du rapport est porté sur LADOM, qui concerne donc les Départements et Régions d’Outre-mer, le rapport et ses préconisations intéressent l’ensemble des territoires. A l’approche transpartisane s’est ajoutée une approche transversale. « L’ensemble des territoires ont été auditionnés » assure Stéphane Artano, et « les constats et préconisations intéressent l’ensemble des territoires ». D’autant que certaines COM sont des « gigantismes de continuité territoriale » souligne Catherine Conconne en évoquant la Polynésie, soumise à « une double, voire une triple insularité ».
Les sénateurs ont donc listé 12 recommandations comme engager un plan de modernisation des infrastructures portuaires et aéroportuaires ou encore, revoir le financement des DSP régionales ou locales en portant la contribution de l’État à la continuité territoriale à 50%. Les sénateurs se sont montrés critiques sur la situation de Maripasoula, seulement desservie par une compagnie limitée sur ses capacités, opérant sur une piste peu équipée, et dont la DSP est assurée par la collectivité locale à hauteur de 10 millions d’euros, contre un petit million par l’État.
Le rapport appelle aussi à relever « très significativement » le plafond des ressources, cantonné aux personnes ne touchant par plus de 11 900 euros par an, à réduire les délais de carence, à élargir l’aide aux déplacements entre les territoires ultramarins ou encore, à créer des dispositifs d’aides supplémentaires de continuité intérieure « lorsque le trajet pour rejoindre un aéroport international depuis son domicile nécessite de prendre un avion ou un bateau ». Une préconisation qui peut intéresser la Polynésie française, la Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, la Guyane ou encore la Guadeloupe.
Pour les sportifs et artistes, les sénateurs souhaitent aussi relever le plafond des ressources, supprimer la condition de ressources pour les équipes sportives, avancer l’aide sous forme de bons et à élargir le bénéfice de ces aides aux porteurs de projets et aux talents. Pour les étudiants, les sénateurs appellent à lever les distinctions entre boursiers et non boursiers, à prendre en charge un second aller-retour pour les congés scolaires pendant les deux premières années d’études, à prendre en charge l’accompagnement d’un parent pour la première installation ou encore, à ouvrir l’aide aux étudiants de l’Hexagone souhaitent effectuer un Master ou un stage en Outre-mer.
Les sénateurs font aussi des propositions sur la continuité funéraire (relever le plafond des ressources, l’aide maximale pour le transport des corps ou encore, prise en charge par la sécurité sociale le rapatriement des corps des personnes décédées suite à une évacuation sanitaire dans l’Hexagone), et sur le fret. Autre proposition : « réduire l’impact de la saisonnalité des prix des billets d’avion grâce à un tarif plafond pour les résidents ». Par ailleurs, les sénateurs déchargent les compagnies aériennes, « en difficulté », qui doivent supporter, elles aussi, une hausse des coûts des matières premières et des charges, comme la maintenance des avions.
Surtout, Catherine Conconne, Guillaume Chevrollier et Stéphane Artano entendent se positionner sur la réforme de LADOM prévue pour 2024 pour « muscler » ce dispositif, en simplifiant les procédures, en proposant la digitalisation des bons de voyage ou encore en soutenant et en amplifiant les dispositifs d’accompagnement aux retours des jeunes ultramarins sur leurs territoires. Les sénateurs souhaitent aussi « renforcer la présence et l’accessibilité » de LADOM dans les territoires, et « engager un choc de simplification des procédures administratives ».