Tous les Outre-mer ne sont pas concernés par les attaques de requins. Quand certains n’en ont jamais recensé, d’autres, comme La Réunion ou la Nouvelle-Calédonie ont connu de nombreux décès. Pour l’expliquer, certains scientifiques et chercheurs avancent plusieurs raisons comme la répartition des espèces, la météo, la disponibilité des ressources ou encore les caractéristiques des différents territoires.
Depuis 2011, 25 attaques de requins ont été recensées à La Réunion, 11 personnes y ont perdu la vie. En Nouvelle-Calédonie, le chiffre s’élève à 67, dont 13 mortelles, entre 1958 et 2020 ; dans les Antilles deux attaques (dont une fatale) ont endeuillé Saint-Martin. La Polynésie française dénombre 125 morsures, dont trois mortelles, entre 1940 et 2022. Les chiffres diffèrent selon les territoires.
Les chercheurs de l'International Shark Attack File (Université de Floride) indiquent que les États-Unis et l’Australie restent les pays où le danger est le plus important, avec 41 attaques non provoquées rien qu’en 2022 aux USA et 9 près du continent australien. La taille de l’île ou du pays et la longueur de son littoral restent des éléments à prendre en compte dans la comparaison du nombre d’accident causé par les requins.
Mais comment expliquer que certains territoires sont plus touchés que d’autres ? « C’est la grande question que se posent les chercheurs », réagit Nicolas Ziani, responsable scientifique du Groupe phocéen d’Étude des requins. Cet ichtyologiste s’empresse d’ajouter qu’il est très difficile et « délicat » d’y répondre tant le sujet créé des crispations. « Nous n’avons toujours pas identifié de manière formelle les raisons qui poussent les requins à attaquer. Ça peut varier d’un individu à l’autre au sein d’une même espèce, selon la période de la journée ou la saison », analyse un ancien chercheur de l’Institut de recherche pour le développement (IRD).
Des espèces différentes
Selon Nicolas Ziani, même si l’argument de la répartition des espèces est « une explication simpliste » au problème, « il est vrai que le grand requin blanc, le bouledogue et le tigre, le trio infernal, sont les espèces les plus sensibles pour l’Homme ». « L’implication du requin bouledogue dans les attaques en Nouvelle-Calédonie est légèrement supérieure à la moyenne mondiale (21 % contre 15 %), en particulier dans les attaques récemment observées aux abords immédiats de Nouméa », décrit une étude menée par le médecin Claude Maillaud avec d’autres chercheurs de l’île du Pacifique.
Le Professeur Éric Clua, en charge du volet scientifique du dispositif mené à Saint-Martin, assure que le même requin tigre est en cause dans les deux attaques à un mois d’intervalle sur l’île des Caraïbes.
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Comment expliquer, par exemple, la différence entre l’île Maurice et La Réunion, pourtant séparer par seulement 226 kilomètres ? Pour un spécialiste des requins dans l’océan Indien, la configuration des territoires pourrait être une des explications. « Maurice est une île bien plus ancienne que La Réunion, son lagon est plus grand et profond, il s’étend à des centaines de mètres au large. Les activités nautiques s’y déroulent sans que les usagers ne soient en contact avec les gros requins, qui vivent, eux sur la pente externe du récif. À La Réunion, le lagon peu profond couvre une faible partie de la côte et s’étend sur une petite distance. »
Météo et disponibilité des ressources
D’autres facteurs pourraient expliquer ces attaques selon les territoires : « la modification de l’habitat, d’origine naturelle ou anthropique, les fluctuations d’abondance de proies, le changement climatique, la modification de la qualité (turbidité, salinité) de l'eau, ou l’augmentation locale du trafic maritime », détaille l’étude menée par les chercheurs calédoniens.
En 2015, l’IRD a mené un programme scientifique, baptisé CHARC (Connaissance de l'écologie et de l'habitat de deux espèces de requins côtiers sur la côte ouest de La Réunion), pour mieux comprendre le comportement des requins tigre et des requins bouledogue. « La richesse globale en poisson sur la côte ouest, la houle, les précipitations et la turbidité de surface sont les facteurs qui influent le plus sur la présence des requins bouledogue près de la côte. La présence des tortues marines ou des mammifères marins, pas plus que les activités nautiques ne semblent avoir un effet sur cette présence », explique le rapport.
Les études et expérimentations menées par les chercheurs permettent, au fil des années, d’en savoir un peu plus sur le comportement et les déplacements des différentes espèces de requins. Mais, en l’absence de consensus, le sujet continue de diviser au sein des populations des Outre-mer comme dans la communauté scientifique.
Marion Durand