Coopération régionale Outre-mer : « C’est un enjeu central dans notre mandat », selon Charles Trottmann, directeur du Département des Trois Océans de l’Agence française de développement

Charles Trottmann, directeur du Département des Trois Océans de l’AFD lors de son audition ©Sénat

Coopération régionale Outre-mer : « C’est un enjeu central dans notre mandat », selon Charles Trottmann, directeur du Département des Trois Océans de l’Agence française de développement

Ce 15 février, la Délégation sénatoriale aux Outre-mer a auditionné Charles Trottmann, directeur du Département des Trois Océans de l’Agence française de développement (AFD), dans le cadre du rapport d’information sur la coopération et l’intégration régionales des Outre-mer.

 

On le sait peu, mais l’Agence française de développement est l’une des institutions majeures de soutien public, à la fois banque et organisme de coopération. « Son action est bien connue pour les pays en voie de développement mais beaucoup moins en ce qui concerne les Outre-mer alors que la masse financière en jeu est conséquente : en 2021, l’AFD a consacré 1,4 milliard d’euros dans les trois océans, en concentrant ses interventions sur le développement économique, social, et les défis communs comme la lutte contre le changement climatique », a rappelé Micheline Jacques, présidente de la Délégation sénatoriale aux Outre-mer.

 Pour renforcer l’intégration régionale des Outre-mer et apporter une réponse globale à des problématiques transfrontalières, l’AFD a adopté en 2019 la stratégie Trois Océans. Cette approche permet d’associer dans la réflexion les territoires ultramarins et les États étrangers voisins dans les trois bassins océaniques, Atlantique, Indien et Pacifique.

 Le directeur du Département des Trois Océans de l’AFD a été interrogé sur le degré d’intégration et d’insertion régionale des territoires ultramarins. « C’est un enjeu central dans notre mandat de l’AFD, dans ces territoires et dans les États étrangers voisins », a souligné Charles Trottmann. L’AFD est en effet l’un des seuls opérateurs de l’État présent à la fois dans tous les Outre-mer et dans les États voisins. « Nous avons un héritage historique qui fait que nous avons ce maillage qui nous est propre et qui est singulier. C’est quelque chose qui s’est déployé stratégiquement dans la période récente. Nous avons eu un changement d’organisation et de regard sur la façon dont on travaille dans ces territoires avec la mise en place du Département des Trois Océans ».

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Auparavant, les Outre-mer étaient traités un peu à part comparativement aux autres zones du monde. Ils étaient considérés seulement en soi ou bien par rapport à l’Hexagone, mais pas avec leurs spécificités et leurs trajectoires de développement. « On a changé cette focale en 2018, à l’initiative et sous l’impulsion de l’État, qui nous a enjoint à élaborer des stratégies par bassin. On a changé notre regard pour être plus pertinent au service de chacun de ces territoires. L’approche Trois Océans est qu’on les considère avec leur propre développement ancré dans un bassin et une réalité géographique. Cela veut dire aussi, pour les États étrangers, que nous les considérons vraiment comme des voisins », a déclaré Charles Trottmann.

 « On a des vrais enjeux de voisinage, de sécurité sanitaire, d’immigration, de commerce, d'infrastructures partagées, etc. », a poursuivi le directeur du Département des Trois Océans. Cette approche permet également d’avoir une maille d’action beaucoup plus forte à l’échelle des bassins. « On essaye d’avoir des projets qui se mettent en œuvre entre les différents territoires et qui les relient. (…) Le dernier niveau stratégique de l’enjeu Trois Océans est de contribuer à partager des solutions entre des territoires insulaires partout dans le monde. Ce que l’on constate, c’est que beaucoup de questions se posent dans les mêmes termes, que l’on soit dans les Outre-mer ou dans un État étranger, que l’on parle de l’érosion côtière, de l’autonomie énergétique ou alimentaire… On peut donc essayer de faire à la fois rayonner les bonnes idées de nos territoires et de s’inspirer de celles de nos voisins. »

 Cela a été réitéré fortement au niveau politique en 2023 avec à la fois le Comité interministériel pour la coopération internationale et le développement qui a remis au rang des priorités de la coopération de la France l’intégration régionale des Outre-mer, et le Comité interministériel des Outre-mer qui prend un certain nombre de mesures et d’orientations pour que le sujet de l’intégration régionale soit placé au bon niveau dans les priorités politiques. « Concrètement, cela se traduit pour nous de façon opérationnelle par une très forte montée en charge du nombre et du volume de projets que l’on met en œuvre à l’échelle régionale. Cela implique au moins deux et parfois plus de territoires d’un même bassin océanique », a précisé Charles Trottmann. « On a chaque année en moyenne 50 à 60 millions d’euros de projets régionaux qui se mettent en œuvre dans les trois bassins ».

 Un exemple : « On a mobilisé uniquement pour l’océan Indien le Fonds vert pour le climat, issu de la dynamique des COP, avec deux gros projets : un projet hydrométéorologie, pour prévoir les conséquences du changement climatique et adapter ensuite les infrastructures, et un projet fondé sur les solutions basées sur la nature pour la préservation de la biodiversité et l’adaptation au changement climatique. C’est environ 80 millions d’euros qui ont été levés pour ces deux projets », a expliqué le directeur du Département des Trois Océans de l’AFD.

 

PM