Le gouvernement vient de publier un bilan à mi-parcours actualisé du quatrième plan de lutte contre la pollution à la chlordécone 2021-2027. Le document rapporte les avancées, depuis début 2021, ainsi que les perspectives et les progrès tendant à se rapprocher progressivement du « zéro risque chlordécone ». Le bilan fait notamment le point sur les solutions proposées aux habitants de Guadeloupe et de Martinique pour réduire leur exposition à la chlordécone ; les mesures d’accompagnement aux acteurs des secteurs de l’agriculture et de la pêche impactés par cette pollution ; l’amélioration des connaissances et les moyens budgétaires mobilisés.
Depuis 2021, d’après le gouvernement, le Plan Chlordécone IV multiplie les initiatives pour lutter contre cette pollution en Guadeloupe et en Martinique. Grâce à une approche participative (impliquant entre autres élus, associations, professionnels de santé, scientifiques, communauté éducative, neuf ministères et établissements publics), ce plan s'adapte en permanence aux enjeux. Son budget augmenté (initialement fixé à 92 millions d’euros sur la période 2021-2027, celui-ci a été réévalué à 130 millions en 2023), finance de nouveaux projets de recherche, notamment sur la santé des femmes et les moyens de dégrader plus rapidement la chlordécone dans l'environnement. Ces efforts s'inscrivent dans une démarche de long terme visant à informer, protéger et réparer.
Exemple, « tous les habitants de Guadeloupe et de Martinique peuvent bénéficier d’analyses gratuites de chlordécone dans le sang (chlordéconémie). Un parcours d’accompagnement gradué en fonction des résultats d’analyses, est proposé par les Agences Régionales de Santé (ARS) afin d’avoir les outils pour éliminer naturellement la chlordécone de l’organisme. En effet, il faut 4 à 6 mois environ pour diviser par deux le taux de chlordécone dans le sang, en dehors de toute nouvelle exposition alimentaire », précise le rapport.
Selon le document, les Guadeloupéens et les Martiniquais ont également la possibilité de bénéficier gratuitement d'une analyse des sols de leurs jardins. Ce dispositif vise à évaluer la concentration de chlordécone dans le sol et dans les produits sensibles, et à conseiller les particuliers sur les pratiques sûres pour cultiver, pêcher ou élever des animaux. « Grâce au programme Jardin familiaux (JAFA), plus de 4300 analyses de sols ont été réalisées depuis 2021. Depuis 2023, l’analyse des produits sensibles, dont les œufs, est gratuite et prise en charge par le plan », détaille le gouvernement.
« Les contrôles des aliments ont été renforcés depuis 2021 pour diminuer au maximum l’exposition des consommateurs. Ainsi plus de 12 000 contrôles ont été effectués sur des denrées alimentaires à la production, commercialisation et importation depuis 2021 pour les deux régions, avec un taux de conformité stable et supérieur à 95% depuis 2017. Il est de 98,2% en 2023 », ajoute le texte.
D’après les autorités, les contrôles de la qualité de l'eau potable ont été intensifiés, surtout en Guadeloupe. Ces dernières années, l'eau distribuée s'est avérée conforme à plus de 99% en Guadeloupe et à 100% en Martinique. Depuis 2023, l'État prend en charge, de manière exceptionnelle et dérogatoire, les coûts supplémentaires liés au traitement de l'eau potable due à la pollution par la chlordécone dans les sept stations concernées (six en Guadeloupe et une en Martinique).
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Le Plan Chlordécone envisage un accompagnement particulier pour les filières agricoles. Des analyses de sols gratuites et des conseils sont par exemple proposés à tous les agriculteurs. « Plus de 300 éleveurs de bovins impactés ont été accompagnés techniquement depuis 2021 pour sécuriser leur production à partir d’un diagnostic et d’un plan de sécurisation et d’une aide matérielle adaptée. En outre, depuis le 1er janvier 2024, les éleveurs bénéficient d’une aide financière de 160 à 200 euros par animal abattu. Début 2024, plus de 100 dossiers ont été aidés », indique le rapport. Concernant le secteur de la pêche, une aide financière est en place depuis 2022. Depuis le début de l’année 2024, ce dispositif a vu son nombre de bénéficiaires passer de 400 à 800. Il sera prolongé jusqu’en 2027.
Du point de vue de la santé, le Fonds d'indemnisation des victimes de pesticides (FIVP) est désormais opérationnel et son accès a été simplifié grâce à l'établissement d'un tableau de pathologies qui reconnaît le cancer de la prostate comme une maladie professionnelle due à l'exposition aux pesticides, notamment la chlordécone, depuis la fin de 2021. Au début du mois de juin 2024, sur les 181 dossiers complets reçus, 25 sont en cours d'examen, 137 ont reçu un accord, 110 dossiers ont été finalisés, et 84 indemnisations ont été attribuées sous forme de rente viagère pour les travailleurs ou exploitants agricoles, et de capital pour les enfants.
En ce qui concerne la recherche, « une large communauté scientifique est mobilisée dans la lutte contre la chlordécone. Elle est animée par deux instances : le Comité de pilotage scientifique national (CPSN) et la Coordination locale de la recherche sur la chlordécone (CLoReCA) », souligne le gouvernement. Par ailleurs, l’effort sur l’innovation devrait doubler d’ici 2030 dans tous les domaines, notamment sur la santé des femmes et des enfants, la dépollution des sols et l’expérimentation en grandeur nature des découvertes des chercheurs.
Parmi ses préconisations, la stratégie chlordécone de l’État, qui veut s’inscrire dans la durée, prévoit notamment : « de faciliter l’accès aux dispositifs existants à travers la mise en ligne en 2025 d’un site internet de référence ; de renforcer les partenariats avec les élus et les associations et autres tiers de confiance pour ‘aller vers’ les personnes les plus exposées et les plus vulnérables ; d’accentuer le nombre de bénéficiaires de la chlordéconémie et de renforcer le parcours d’accompagnement pour les publics cibles pour les usagers surexposés et vulnérables dont les travailleurs agricoles, les femmes et les enfants ; d’accentuer les actions autour de la traçabilité des produits, en lien avec les partenaires locaux, pour mieux informer les consommateurs ; et valoriser l’engagement des producteurs ».
PM