À l’occasion du 50ᵉ anniversaire de la loi Veil sur la dépénalisation de l’avortement, un colloque réunissant professionnels de santé et grand public se tient à Cayenne, ce 17 janvier. Ce débat intervient dans un contexte où la Guyane se distingue comme le territoire français enregistrant le plus fort recours à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). En 2023, près de 4 000 IVG y ont été pratiquées, selon les données de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES).
Avec un taux de 46,7 IVG pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans, la Guyane dépasse largement la moyenne nationale (16,7 ‰) et celle de l’ensemble des territoires d’Outre-mer (31,2 ‰). En moyenne, une femme vivant en Guyane a recours à l’avortement 1,67 fois au cours de sa vie selon les chiffres de l'ARS.
Les interruptions volontaires de grossesse sont majoritairement réalisées hors hôpital (81,1 %), en particulier par des sages-femmes libérales (74,4 %). La méthode médicamenteuse est privilégiée dans 92,9 % des cas, et seulement 1,7 % des IVG sont effectuées entre la 14ᵉ et la 16ᵉ semaine de grossesse.
Disparités territoriales et difficultés d’accès
La Guyane est également la région où le recours à l’IVG chez les mineures est le plus fréquent. En 2023, 22 adolescentes âgées de 15 à 17 ans sur 1 000 y ont eu recours, contre une moyenne nationale de 5,6 ‰. Toutefois, selon les professionnels de santé locaux, l’accès à l’IVG reste compliqué pour certaines populations, notamment les mineures et les femmes en situation de précarité ou isolées.
Le Dr Nadia Thomas, lors d’une rencontre avec des professionnels à la Communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), estime que les chiffres réels pourraient être plus élevés, évoquant un taux de 50 ‰, en raison de données encore incomplètes (notamment les IVG non remboursées). La DREES, pour sa part, suggère que les chiffres pourraient être surestimés en raison du nombre d’IVG pratiquées sur des femmes ne résidant pas en Guyane.
Évolution des données et tendances
Selon la présidente du Réseau Périnat Guyane, l’augmentation apparente du nombre d’IVG serait en partie due à une meilleure collecte des données. Ainsi, si le nombre officiel d’interventions est passé de 2 268 en 2017 à 3 685 en 2023, la tendance réelle serait plus modérée, avec une stabilité notable chez les mineures et une hausse chez les adultes.
Les chiffres de la Guyane illustrent des disparités importantes au sein des territoires français. En 2023, les Pays de la Loire affichaient le taux de recours à l’IVG le plus bas (12,7 ‰), tandis que la Guadeloupe, deuxième région la plus concernée après la Guyane, atteignait un taux de 44,5 ‰. Chez les adolescentes, les écarts sont similaires : la Bretagne, avec un taux de 4,3 ‰, contraste fortement avec Mayotte (15 ‰), elle-même dépassée par la Guyane.
Ces données mettent en lumière des enjeux spécifiques en matière de prévention des grossesses non désirées, d’éducation sexuelle et d’accès à la contraception, qui restent des défis majeurs pour la Guyane.
Damien Chaillot