Dans une tribune commune, l’ACCIOM, l’EURODOM et la FEDOM appellent à une « mobilisation générale pour les Outre-mer » pour faire face à la crise économique liée au Covid-19. « Nous sommes dans une situation inédite dont les conséquences se feront ressentir pendant des années ».
Notre pays vient de traverser l’une des plus importantes crises sanitaires de son Histoire récente. Surtout, pour la première fois de son Histoire, notre pays aura connu un confinement généralisé de sa population. Pendant 55 jours longs, difficiles mais nécessaires pour notre santé et celle de nos proches, l’engagement et à la discipline de chacun ont permis que la quasi-totalité de nos territoires puisse aujourd’hui être déconfinés. C’est donc aujourd’hui une nouvelle phase qu’il nous faut amorcer.
Le moment est critique : il nous faudra sans doute des mois pour mesurer l’impact exact du COVID-19 sur nos vies sur les plans sociaux, sanitaires, humains, … Dans son discours à l’Académie de Harvard en juin 1947 qui préfigura le plan qui porterait son nom, le secrétaire d’État américain Marshall disait : « Je n’ai pas besoin de vous dire, Messieurs, que la situation est très grave. Cela est évident pour tous les gens intelligents. Je crois que l’une des plus sérieuses difficultés, c’est que le problème est d’une si grande complexité que la masse même des faits présentés au public par la presse et la radio rend extrêmement difficile, pour l’homme de la rue, une évaluation nette de la situation ».
Nous pouvons voir dans ces propos une préfiguration de notre situation actuelle : la litanie des chiffres et des expertises nous ont fait perdre la perception des ordres de grandeurs. La situation particulière de Mayotte aujourd’hui et l’importance qu’y prend rapidement la pandémie doit nous alerter : dans nos petits territoires interconnectés, nous sommes tous exposés aux risques et les difficultés des uns ont rapidement des conséquences pour les autres. Mayotte ne peut pas faire face seule à sa situation sanitaire. Les Outre-mer non plus.
La situation est grave, nous le percevons tous, mais nous n’arrivons plus à la remettre en contexte. Sur l’aspect économique, les premières études économiques prévoient une perte de l’activité de 30 à 60% sur la période du confinement. Cette crise s’annonce donc comme économiquement comparable en Outre-mer aux évènements de 2009 qui avaient détruit plus de 4% des emplois dans les territoires qu’elle avait touché. Elle pourrait être encore plus grave si nous n’y faisons pas face ensemble et nous amener à une crise sociale comme nous n’en aurions encore jamais connue.
Nous sommes dans une situation inédite dont les conséquences se feront ressentir pendant des années. C’est de notre action collective dans les prochains mois qui décidera de leur gravité sur les plans économiques et sociaux. Déjà, les Outre-mer ont fait la preuve dans cette période de leur solidarité et de leur dynamisme : nos personnels soignants qui se sont battus aux côtés de nos malades, les salariés qui ont maintenu les services essentiels actifs, nos agriculteurs, pêcheurs et éleveurs locaux qui ont assuré la sécurité alimentaire de nos départements …
Cette mobilisation, les entreprises et les producteurs locaux y ont eu et y auront évidemment leur part. Non seulement par leur participation à l’effort collectif quand elles ont fourni des équipements de protection individuelle aux pouvoirs publics et à la population mais bientôt en réinventant également leurs organisations pour assurer la continuité de l’activité économique dans les meilleures conditions sanitaires : généralisation du télétravail, organisation des chaînes de production pour protéger les salariés, … Ce sont des modèles entiers qu’il nous faudra sans doute réinventer. Des outils existent pour cela.
L’activité économique post-déconfinement ne pourra en effet pas se faire de la même façon qu’il y a trois mois. Le Premier ministre l’a dit lors de son allocution du 7 mai : c’est un équilibre qu’il nous faut trouver entre les différents impératifs auxquels nous faisons face. Il devra s’appuyer sur l’intelligence des territoires pour que nous y parvenions. Nous devons nouer un discours apaisé et constructif avec les parties prenantes (pouvoirs publics, salariés, …) pour le faire de la manière la plus efficace et sécurisée possible. Les pouvoirs publics et notamment l’État et les Régions ont beaucoup fait et feront sans doute beaucoup pour maintenir l’activité économique.
Mais nous sommes persuadés que c’est aussi parmi les chefs d’entreprise, les responsables d’organisations de production locale, les chambres consulaires et les organismes représentatifs de la vie économique que résident une partie des solutions des prochains mois. Plus encore que par les efforts que nous aurons tous à consentir, c’est par notre engagement, notre solidarité et notre intelligence que nous réussirons à sortir de cette crise par le haut.
Carine Sinai, Présidente de l’ACCIOM
Gérard Bailly, Délégué général d’EURODOM
Jean-Pierre Philibert, Président de la FEDOM