Un puits de CO₂ dans le désert marin du Pacifique Sud découvert par le projet de recherche Tonga, avec la participation de la Nouvelle-Calédonie

Fluides hydrothermaux sortant d'un volcan sous-marin de Tonga © Sophie Bonnet (IRD)

Un puits de CO₂ dans le désert marin du Pacifique Sud découvert par le projet de recherche Tonga, avec la participation de la Nouvelle-Calédonie

Une vaste étude publiée ce 25 mai 2023 et réalisée par des chercheurs et laboratoires français basés dans l’Hexagone et en Nouvelle-Calédonie, met en exergue un processus lié aux volcans sous-marins, ici, ceux de l’arc volcanique de Tonga dans le Pacifique Sud, responsables d’émission de fluides hydrothermaux riches en fer, un micronutriment essentiel à la vie, stimulant fortement l’activité biologique.



Une étude publiée le 25 mai dans la revue Science, co-écrite par 25 chercheurs et chercheuses issus du projet Tonga piloté par deux chercheuses de l’IRD et du CNRS, regroupant plus de 90 scientifiques de 14 laboratoires français basés dans l’Hexagone et en Nouvelle-Calédonie, et de 6 universités internationales.
Dans cet article, l’équipe de recherche a étudié les volcans sous-marins peu profonds de l’arc volcanique de Tonga qui relarguent des fluides hydrothermaux riches en fer. Une partie du fer émis dans ces fluides atteint la couche éclairée de l’océan, celle où se fait la photosynthèse, c’est-à-dire la fixation du CO₂ par les micro-algues du plancton. Cela stimule fortement l’activité biologique dans cette zone, notamment celle des créant ainsi une vaste efflorescence d’environ 400 000 km2, véritable oasis de vie au milieu du désert marin du Pacifique Sud, et une séquestration accrue de CO2 vers l’océan profond.

Pour parvenir à leurs résultats, les chercheurs et chercheuses ont combiné des observations acoustiques, chimiques, physiques et biologiques acquises au cours de l’expédition océanographique Tonga, réalisée en 2019 à bord du navire L’Atalante de la Flotte océanographique française opérée par l'Ifremer.

Dans cette étude, les scientifiques démontrent que les fluides émis le long de l'arc volcanique de Tonga ont un impact considérable sur les concentrations en fer dans la couche éclairée. Cet enrichissement stimule l'activité biologique, ce qui entraîne la formation d'une vaste oasis de vie riche en chlorophylle, dominée par les diazotrophes, des organismes microscopiques qui jouent un rôle crucial en agissant comme des engrais naturels, fournissant de l'azote nouvellement disponible à la biosphère de l’océan de surface.

Trichodesmium au microcospe © Sophie Bonnet (IRD)

En comparaison avec les eaux adjacentes non fertilisées en fer, l'activité des diazotrophes y est 2 à 8 fois plus élevée et les flux de séquestration de carbone dans l’océan profond 2 à 3 fois. Ces résultats révèlent un mécanisme de fertilisation naturelle par le fer dans l'océan par les sources hydrothermales, qui alimente des puits régionaux de CO2 atmosphérique.

On sait que l'apport de fer par le biais des dépôts atmosphériques contrôle la biogéographie des diazotrophes à grande échelle, mais ces apports éoliens sont extrêmement faibles dans cette région éloignée. Cela suggère la présence d'autres processus de fertilisation en fer, tel que celui mis en évidence ici pour la première fois. L'identification de ces processus est de la plus haute importance, car les diazotrophes ont récemment été identifiés comme des moteurs clés de la future fixation de CO2 par l’océan en réponse au changement climatique. 

 

Damien CHAILLOT