Territoriales 2023 en Polynésie : Les indépendantistes favoris mais l’issue du scrutin encore incertaine

Moetai Brotherson, Édouard Fritch et Nicole Sanquer, tous trois candidats à la Présidence de la Polynésie française ©Capture / TNTV

Territoriales 2023 en Polynésie : Les indépendantistes favoris mais l’issue du scrutin encore incertaine

Partis en tête au premier tour des élections territoriales en Polynésie française, les indépendantistes pourraient bénéficier pour la première fois d'une majorité stable pour gouverner la collectivité d'Outre-Mer, en plein cœur du Pacifique sud, s’ils remportent le second tour ce dimanche. Mais avec une avance de seulement 5 500 voix, les indépendantistes comptent sur une mobilisation des abstentionnistes pour espérer une victoire.

Le député indépendantiste Moetai Brotherson, candidat à la présidence du territoire situé à 17 000 km de Paris, a tempéré pendant toute la campagne la ligne dure prêtée à son parti. « Honnêtement, je pense qu'on ne peut pas envisager un référendum avant dix ou quinze ans, mais tout va dépendre des discussions avec l'État », a-t-il déclaré à l'AFP sur l'île de Tahiti, en écartant l'idée d'une indépendance rapide de la collectivité.

« On veut bâtir ce pays avec tous ceux qui l'aiment », a ajouté Moetai Brotherson, gendre d'Oscar Temaru, figure de l'indépendantisme polynésien. A 78 ans, Oscar Temaru, ancien président de la Polynésie française, a conservé la tête de liste et la présidence de son parti. Fatigué, il s'est cependant peu exprimé pendant la campagne, laissant la place à Moetai Brotherson et à la jeune garde du parti, comme les députés Tematai Le Gayic et Steve Chailloux, en mettant également en avant le numéro 2 du parti Antony Geros -maire de Paea-, une figure plus ancienne et plus ferme sur le discours indépendantiste.

Les indépendantistes sont arrivés en tête au premier tour avec cinq points d'avance (34,9%) sur leur principal adversaire, la liste autonomiste conduite par le président sortant Édouard Fritch (30,46%). Ils seront aussi opposés, dans une triangulaire, à une autre liste autonomiste (14,53%) menée par Nuihau Laurey et Nicole Sanquer, d’ex-cadres du parti d’Édouard Fritch, qui a très peu de chances de l'emporter.

La collectivité bénéficie d'une large autonomie au sein de la République française. L'assemblée de la Polynésie française, composée de 57 membres élus pour cinq ans au suffrage universel direct, doit élire à la mi-mai le président de la collectivité, lors d'un vote à bulletin secret. Et ce président constituera son propre gouvernement ayant fonction d'exécutif. Renversés au gré des alliances et mésalliances entre 2004 et 2013, les indépendantistes n'ont jamais conservé le pouvoir pendant un mandat complet depuis la création du parti en 1977. Mais cette fois, la liste gagnante obtiendra une prime majoritaire de 19 sièges sur 57 et disposera d'une majorité solide pendant les cinq ans du mandat.

Alliance Fritch-Flosse

Indépendantiste modéré, Moetai Brotherson, 51 ans, fédère au-delà de l'électorat traditionnel et populaire de son parti. Il séduit notamment les déçus d'Édouard Fritch, candidat à sa propre succession après neuf ans de présidence, qui se présente comme le barrage contre l'indépendance. Édouard Fritch Fritch, 71 ans et proche d’Emmanuel Macron, a joué son va-tout en s'alliant au lendemain du premier tour avec Gaston Flosse, son ancien mentor et ex-beau-père, avec lequel il était brouillé. Après neuf ans sans autres échanges que des invectives, les deux hommes ont annoncé leur réconciliation et leur alliance. 

Avant d'être président, Édouard Fritch a été ministre ou vice-président de la plupart des gouvernements autonomistes, sous la présidence de Gaston Flosse. Il était déjà ministre dans le premier gouvernement de la Polynésie autonome, en 1984. Il est également maire de la commune de Pirae de 2000 à 2008, réélu en 2014. Créée en 1965, le premier maire de cette commune voisine de la capitale Papeete fut d’ailleurs Gaston Flosse, qui avait laissé son siège à Édouard Fritch en raison du cumul des mandats. Condamné à de multiples reprises et inéligible, Gaston Flosse, 91 ans, n'a pu participer au scrutin. Mais la liste conduite par son parti (11,88%) est passée tout près du score requis (12,5%) pour se qualifier au second tour.

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Sur le papier, l'addition de leurs voix peut leur permettre de battre les indépendantistes. Mais la fusion de leurs listes - qualifiée d' « alliance de la carpe et du lapin » par l'indépendantiste Antony Géros - pourrait faire fuir une partie de leurs électeurs, qui pourraient se tourner vers l’autre liste autonomiste. Cette dernière a voulu attirer les déçus de l’alliance Fritch-Flosse en proposant la candidature de Nicole Sanquer à la présidence de la Polynésie. Jusqu’ici, aucune femme n’a dirigé la Collectivité.

Tous les candidats de l'opposition ayant fait campagne sur le dégagisme, les reports de voix des candidats éliminés ne devraient pas bénéficier au président sortant. Reste une dernière donnée : la participation des quelques 210 000 électeurs inscrits. Généralement mobilisés pour ce scrutin majeur, les Polynésiens ont été moins nombreux à se déplacer aux urnes au premier tour du 16 avril (Seulement 60% de participation), confirmant une tendance à la baisse observée depuis plusieurs années. Ainsi, près de 84 000 électeurs ne se sont pas rendus aux urnes au 1er tour et pendant l’entre-deux-tours, les indépendantistes ont concentré leurs efforts sur la mobilisation de ces derniers.   

Répartis sur une surface équivalente à celle de l'Europe, les 261 bureaux de votes répartis sur les 77 îles habitées des cinq archipels de Polynésie ouvriront dimanche à 8h (heure locale, 20h heure de Paris) et se clôt à 18h, 19h ou 20h selon les communes (heure locale, 6h à 8h lundi 1er mai heure de Paris). Les résultats seront connus dans les heures qui suivront.

Avec AFP