À travers cette série, Outremers 360 vous propose de partir à la rencontre des musées en Outre-mer : leur histoire patrimoniale, sociale et territoriale, leurs collections, leur programmation culturelle et leurs projets à venir. Aujourd’hui, Outremers 360 vous invite à découvrir la richesse et la diversité de Te Fare Iamanaha, le musée de Tahiti et des îles.
Succédant au musée de Papeete, qui a fermé en 1975, Te Fare Iamanaha « la maison ouverte, en tahitien), le musée de Tahiti et des îles a été créé en mai 1977, et, après rénovation, s’est définitivement installé dans le paysage culturel du Fenua en mars 2023. Il est situé sur un site magnifique, face au lagon, tout près de la célèbre Pointe des pêcheurs dans la commune de Puna’auia, à une quinzaine de kilomètres de Papeete. Installé sur un terrain de trois hectares comprenant un jardin botanique, le musée dispose de deux salles d’exposition, permanente et temporaire, ainsi que d’une salle de conférence.
Te Fare Iamanaha incite les visiteurs à explorer le patrimoine partagé des peuples polynésiens, tout en mettant en lumière les spécificités propres à chaque archipel. Plus qu’un simple lieu d’exposition, le musée de Tahiti et des îles joue un rôle essentiel dans la transmission des savoirs et des concepts qui y sont associés. En incluant des présentations numériques, il adopte une approche vivante et contemporaine de la culture, en résonance avec les attentes actuelles de la population. Ses collections sont principalement composées d’objets ethnographiques originaires de Polynésie et d’autres régions d’Océanie. Te Fare Iamanaha conserve également des œuvres d’art, un fonds photographique, des archives et du mobilier. Au fil du temps, il s’est affirmé comme une référence en matière de préservation du patrimoine culturel polynésien.

Histoire des archipels, différentes migrations, formation des îles, organisation sociale et croyances, rites funéraires, techniques de navigation, instances du sacré et de l’interdit, chefferies, figures du Tiki, premiers contacts avec les Européens, période d’évangélisation, luttes contre la colonisation… De manière exhaustive, l’exposition permanente du musée présente toute l’histoire, la culture et le patrimoine de la Polynésie au travers de pièces rares et expliqués par des panneaux pédagogiques et des bornes interactives. Autant dire que le visiteur n’a pas de quoi s’ennuyer et qu’il faut une bonne heure et demie de présence pour absorber la foule d’informations qui orne les murs.
Attardons nous sur quelques exemples déclinés au Te Fare Iamanaha. Le peuplement du Pacifique, notamment celui des petites îles de Polynésie, a été possible grâce à une maîtrise des techniques de construction de pirogues et de la navigation sans instrument, ce qui relève parfois de l’exploit quand on connaît la dangerosité des courants non seulement en haute mer, mais également dans les passes entre les lagons. Intrépides navigateurs, les connaissances maritimes des Polynésiens reposaient sur une expérience séculaire, fondée sur l’observation du ciel, de la lune, des étoiles, des nuages et de la houle. Leur pirogue emblématique, le va’a, ancêtre du catamaran occidental, ainsi que d’autres, ont conservé leur architecture initiale et sont encore présentes dans toute l’Océanie.

Omniprésent dans la symbolique et l’esthétique de la Polynésie orientale, particulièrement aux Marquises, le Tiki est quant à lui, selon la tradition orale, une figure mythique, mi-homme, mi-dieu. C’est le créateur de l’humanité, mais il se place après les dieux dans la hiérarchie. « Une légende marquisienne évoque le Tiki comme étant à l’origine des statues que les hommes commencèrent à tailler pour l’immortaliser », explique un panneau documentaire du musée. « Cependant, il n’existe aucune représentation du dieu Tiki lui-même. Les tiki étaient ainsi le réceptacle de l’esprit d’un ancêtre divinisé, le plus souvent fondateur d’une lignée. Ils pouvaient également être sculptés à l’image de personnes dotées d’un puissant mana (force, énergie spirituelle et vitale, ndlr) prêtres, femmes ou ennemis tués ».

Sur le plan historique, la colonisation française en Polynésie débute au début des années 1840, entraînant plusieurs mouvements de rébellion plus ou moins rapidement étouffés. Aux Marquises, les chefs lotete à Tahuata en 1842 puis Pakoko à Nuku Hiva en 1846 tentent de résister, sans succès. Dans l’île de Tahiti, à la mise en place du Protectorat sous la contrainte en 1842, la reine Pômare IV se réfugie sur un navire anglais mais un certain nombre de dignitaires traditionnels prennent les armes lors de la guerre dite franco-tahitienne qui dure de 1843 à 1847, et s’achève par la défaite des autochtones. Aux îles Sous-le-Vent, le chef Teraupoo tient tête pendant dix ans (1887-1897) à la France avant d’être vaincu. Sur un territoire immense et morcelé, il était difficile aux Polynésiens de faire front commun, sans compter qu’il existait aussi des divisions entre les chefferies. En outre, de nombreuses maladies importées par les Européens comme la variole, la rougeole et la syphilis entraînèrent la mort de dizaines de milliers d’entre eux.

Exposition temporaire : « Te iho o te arutaimareva - Présences végétales »
Jusqu’au 9 novembre 2025, la salle d’exposition temporaire du musée accueille « Te iho o te arutaimareva - Présences végétales », qui explore en images la relation des Polynésiens à la nature et à la végétation en particulier, dans tous les aspects de la vie sociale, culturelle et cérémonielle. Dans la culture polynésienne, le végétal occupe une place centrale, tant dans les mythes fondateurs que dans la vie quotidienne. Les plantes sont liées à la création de l’humanité, aux divinités qui prennent forme d’arbres, et à l’identification symbolique du corps humain. Depuis les premiers peuplements jusqu’à aujourd’hui, les végétaux accompagnent chaque étape de la vie : ils nourrissent, soignent, habillent, décorent et abritent humains et dieux. Les rituels de naissance, mariage, célébration et mort sont toujours marqués par la présence de la nature.
L’exposition est composée d’une sélection inédite de photographies anciennes et actuelles de la collection de Daniel Palacz, membre du conseil d’administration du musée, sur les présences végétales d’autrefois. Le travail de plusieurs photographes contemporains - Danee Hazama, Fred Jacq, Marc Lenfant, Peter Rongomate et Vaikehu Shan - est également proposé. L’hommage est rendu au végétal sous forme de parures et de costumes, difficiles, sinon impossibles à conserver sur le plan patrimonial autrement que par l’image.

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PM