C’est un groupe hôtelier bien connu en Polynésie, fort de ses 25 ans d’expérience, qui a remporté le prix Océanie de l’édition 2021 du Tech4Islands Awards, concours international de la French Tech Polynésie qui couronne les solutions « innovantes, concrètes et rapidement déployables PAR et POUR les “îles d’après” ». Grâce à son Sea Water Air Conditionning (SWAC), Pacific Beachcomber rafraîchit ses hôtels à l’aide des eaux profondes et froides.
« Notre solution vise à réduire drastiquement la quantité d'énergie consommée pour produire de la climatisation, tout en utilisant une source naturelle renouvelable de froid : l'eau de mer des profondeurs. Elle pourrait être mise en œuvre n'importe où avec une bathymétrie appropriée et un accès facile à l'eau profonde de l'océan et de forts besoins en climatisation », nous explique Alban Perret, Manager Développement durable de Pacific Beachcomber.
« Le défi d'envoyer un tuyau de 2,6 km dans l'océan pour atteindre une zone naturellement froide de 930 m de profondeur n'a jamais été relevé auparavant, et il n'y a pas d'autre solution pour les milieux insulaires d’économiser une telle quantité d'énergie froid en minimisant l’impact environnemental ». Le groupe, qui possède sept hôtels en Polynésie, a mis en place cette technologie sur deux d’entre eux : l’InterContinental Bora Bora Thalasso & SPA et le Brando, sur l’atoll de Tetiaroa.
« Le concept est de donner la possibilité d'avoir de l'air frais quand on en a besoin, tout en diminuant considérablement la consommation d'énergie et notre empreinte carbone. En matière de chiffres, on estime qu'un SWAC permet d'économiser 90% d'énergie par rapport à un système de climatisation conventionnel. Les économies vont dépendre de la quantité de froid à laquelle la solution répond » poursuit Alban Perret.
Plus concrètement, pour le SWAC du Brando de l’atoll de Tetiaroa, « on estime un coût total d'environ 10 millions d’euros, pour un amortissement en 10 ans. Cela représente donc en moyenne 1 million d’euros d'économies d'énergie par an », précise-t-il. Cela sans compter tous les aspects logistiques qu'aurait impliqué l'acheminement des moyens de production de cette énergie sur un site isolé comme l'atoll de Tetiaroa, situé à quelques dizaines de kilomètres au large nord de Tahiti.
« En matière d'empreinte carbone, toujours dans le contexte de Tetiaroa, le SWAC permet d'éviter d'émettre 1 500 tonnes de Co2 par an. Ces chiffres se retrouvent plus ou moins sur le SWAC du Bora Bora Thalasso & SPA, qui a cependant coûté légèrement moins cher (environ 8 millions d’euros) car le contexte géologique était plus favorable. Il fut donc amorti en moins de temps (environ 7 ans) ».
« Après près de 10 ans d'exploitation dans deux îles, on peut considérer que le recul nécessaire sur le potentiel commercial est atteint aussi bien d'un point de vue économique qu'environnemental. Sa mise en place est aujourd’hui étudiée dans les îles du monde, comme à Tahiti », ajoute encore Alban Perret. Et en tant que « pionniers de cette technologie », le groupe hôtelier a « tout fait pour la partager au travers de différentes communications ». « Refaire un SWAC ailleurs dans le monde ne nécessite pas notre expertise mais c'est surtout notre retour d'expérience qui est utile, et il a été prouvé par l'usage », assure Alban Perret.
D’ailleurs, le gouvernement de la Polynésie française a lui-même fait appel à cette technologie pour, bientôt, rafraîchir le Centre hospitalier de la Collectivité (CHPF). Avec le concours de l’État, l’exécutif a en effet installé « le plus long SWAC du monde » dans la baie du Taaone, face à l’hôpital, pour puiser l’eau de mer froide et économiser la production énergétique de cette grande structure. Il va sans dire que l'expérience de l'hôtelier Pacific Beachcomber a inspiré la Collectivité. À La Réunion aussi cette technologie suscite l'intérêt : un SWAC doit être déployé au CHU de Saint-Pierre, dans le sud de l'île, pour 2023.
De son côté, Pacific Beachcomber ne se lancera pas, pour l’heure, dans un nouveau projet d’envergure de ce type. « Notre objectif principal est de toujours lutter pour optimiser nos émissions carbones et diminuer notre quantité de déchets. Si d'aventure notre retour d'expérience ou notre expertise était sollicitée, nous serions heureux de la partager ». Pour ce qui est du prix Océanie gagné lors du dernier Tech4Islands Awards, le groupe l’accueil comme « une nouvelle pierre posée sur le chemin de la reconnaissance de cette solution. Cela permet de lui faire gagner en légitimité et de la propager dans le monde entier ».
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