Lauréat du Grand prix Polynésie du concours d’innovation Tech4Islands Awards, organisé par la French Tech Polynésie, la Start-up Nīnamu Solutions et son fondateur Jonathan Biarez proposent un potager « clé en main » permettant de cultiver fruits et légumes du Fenua, du compostage à la formation aux bons gestes, et de profiter des « aliments riches et bons pour la santé ». Ce kit est pour l’heure destiné aux communes, aux collectivités, aux établissements scolaires, communautés religieuses ou encore quartiers. Mais il peut également répondre à la problématique des déchets organiques dans les résidences et immeubles. INTERVIEW.
Vous êtes le fondateur de Nīnamu Solutions, une Start-up qui propose un Kit potager familial d'économie circulaire en santé. Pouvez-vous, d'une part, nous expliquer qu'est-ce que ce kit, et d'autre part comment l'idée vous est-elle venue ?
Ce kit, c’est une solution clé en main pour assister les collectivités polynésiennes dans la promotion d’une démarche intégrée de développement durable au quotidien. Il peut être déployé dans des sites comme les établissements scolaires, les communautés religieuses et les quartiers. Ce kit est composé d’une partie « compostage », d’une partie « potager » et d’un outil numérique pour former et accompagner les utilisateurs à sa bonne utilisation.
La partie « compostage » comprend la mise à disposition d’un composteur collectif en bois local, sans plastique et sans produits chimiques (recouvert d’huile de lin). Il est dimensionné suite à une étude du gisement de bio-déchets produits sur le site et sa fabrication est sous-traitée à une entreprise locale. Il est livré en kit pour être facilement installé par les utilisateurs.
Pour la partie « potager » : Le compost produit grâce au composteur collectif est valorisé dans un potager communautaire. Des boutures et du matériel sont à mis à disposition des utilisateurs pour cultiver des produits vivriers locaux « ma’a tupu du Fenua (légumes, végétales, ndlr) » : le Tarua, le Taro, le Umara, la banane Hāmoa, la Papaye, l’Ananas, le Fāfā Taro, le Fāfā Taratoni.
Ces sont des aliments riches et bons pour la santé, qui ne nécessitent pas d’investissement économique au départ (pas d’achats de graines) et qui n’ont pas d’impacts environnementaux (comme l’application de pesticides par exemple).
Pour assurer la pérennité de notre solution et garantir l’implication des utilisateurs, des référents locaux sont formés à la bonne utilisation du kit et sont accompagnés régulièrement. Ce sont eux qui forment ensuite le reste de la communauté (formation par les pairs). Pour faire cela, nous avons développé une méthodologie standardisée pour bien maitriser le processus de compostage et la culture des produits vivriers polynésiens.
Pour le moment, cette partie se fait encore en présentiel mais nous sommes en train de la dématérialiser via un outil numérique pour pouvoir la répliquer à grande échelle et à moindre coûts : calendriers interactifs en ligne, vidéos tutoriels et « hotline » en cas de problème, etc. Nous sommes notamment en train de voir quel est l’outil numérique le plus adapté pour les îles éloignées : page Facebook, application mobile, site web, sms, etc.
Cet outil numérique permettra également de centraliser les données du kit et de récolter de précieux indicateurs de suivi pour les collectivités : poids des poubelles, quantités des biodéchets récoltés, quantités de compost produits, nombre des personnes du site sensibilisés, etc.
À qui s'adresse votre kit : aux particuliers ou aux collectivités ?
Ce kit s’adresse dans un premier temps aux collectivités locales, notamment les communes polynésiennes. Un axe de développement sur lequel nous sommes également entrain de travailler : le secteur privé. Sur l’île de Tahiti, il y a un nombre important de résidences privées et d’immeubles avec une gestion des déchets organiques qui est assez problématique. Nous envisageons de proposer notre kit aux syndicats de copropriétés et aux promoteurs immobiliers.
J'imagine que c'est une mission qui vous amène beaucoup sur le terrain, est-ce que vous ressentez en Polynésie un besoin particulier de « revenir à la terre » : recycler ses déchets, cultiver la terre, faire planter ses propres fruits et légumes ?
La pandémie mondiale a confirmé la fragilité de la population polynésienne et la dépendance de son économie vis-à-vis de l’extérieur :
- 30% des déchets présents dans les poubelles des foyers sont des déchets organiques (restes de repas, déchets verts) : absence de valorisation qui engendre des coûts importants pour les collectivités locales.
- 75% des aliments consommés sont importés et beaucoup sont des aliments transformés.
- 40 % de la population infantile est en surpoids.
Ce sont des chiffres généralisés, néanmoins, les 2 confinements en Polynésie ont montré un changement des mentalités de la population et une prise de conscience environnementale : recycler ses déchets, cultiver la terre, faire planter ses propres fruits et légumes.
Je pense qu’il faut vraiment surfer sur cette vague de changement et je suis persuadé que la relance économique de la Polynésie POST COVID (en plus des méthodes classiques) doit également passer par une valorisation des savoirs faire locaux et des ressources locales et le secteur privé (entreprises, start-up, etc.) a un rôle important à jouer dans ce domaine.
Vous avez remporté le Grand prix Polynésie du Tech4Islands Awards 2021 : que représente pour vous et votre Start-up cette récompense ? Va-t-elle vous permettre de développer votre solution, pourquoi pas de l'exporter ?
Super content ! Ce prix, cela représente 4 années de travail avec des hauts et des bas…l’aventure entrepreneuriale n’est pas toujours évident. C’est une belle reconnaissance pour moi et toutes les personnes qui ont travaillé sur ce projet.
Ce prix va me permettre d’acquérir de la visibilité et de me mettre en relation avec les bonnes personnes pour accélérer le développement de ma solution. Maintenant, il ne faut pas trop se reposer sur ses lauriers. Ne pas oublier que l’objectif premier d’une entreprise s’est d’être économiquement viable sur le long terme. Il faut se remettre au travail, le plus dur reste à faire.
Nos objectifs pour les 6 prochains mois :
- Recherche de financements pour agrandir l’équipe.
- Consolider nos 2 prototypes de kit qui sont déjà déployés dans des quartiers et ses écoles labélisées en santé sur l’île de Moorea. Standardiser nos process et notre méthodologie de suivi pour nous permettre un déploiement dans les archipels éloignés de Polynésie d’ici le milieu de l’année 2022 et pourquoi pas un export dans le Pacifique dès 2023 ?
Qu’est-ce qui, selon vous, a convaincu le jury du concours Tech4Islands ?
Nous avons réussi à convaincre le jury du concours que l’innovation de demain en Polynésie peut-être notamment un mélange entre technologies modernes, savoir-faire locaux et approche communautaire. Notre solution est innovante car elle améliore les dispositifs déjà existants en proposant :
- Une démarche intégrée : La gestion des bio-déchets, l’autosuffisance alimentaire et la bonne santé des gens ne peut pas et ne doit pas être dissocié comme cela est encore beaucoup fait en Polynésie.
- Une approche communautaire : valoriser le sens communautaire encore très présent dans les îles polynésienne et traiter les problématiques à l’échelle d’une communauté et non à l’échelle individuelle, les résultats sont beaucoup plus significatifs.
- Un transfert de compétences / formation par les pairs mélangé à de la technologie moderne : former des référents locaux qui ensuite iront former les autres personnes de leur communauté pour s’assurer d’une réelle implication de la population et s’assurer que le projet dure sur le long terme. Rajouter de la technologie moderne pour toucher les jeunes générations.
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