Alors que la Polynésie française vient de se doter d’un Observatoire des violences faites aux femmes, la Nouvelle-Calédonie, également très touchée par ce fléau, est le dernier territoire français à ne pas en disposer. Pour autant, le gouvernement annonce qu’une telle structure devrait voir le jour l’an prochain, dans un contexte où les violences intrafamiliales ont encore bondi ces dernières années. Détails avec notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.
Entre 2019 et 2023, les violences intrafamiliales et conjugales ont respectivement bondi de 91 % et 94 %, signe que ce phénomène continue de gangrener la société calédonienne. Une sinistre dynamique qui semble se confirmer en 2025 (les données de 2024 ayant été faussées par les émeutes et les longues semaines de blocages). Si les autorités judiciaires estiment que ces fortes hausses sont liées à une libération de la parole qui permet davantage aux victimes de porter plainte, difficile d’imaginer que ce facteur est le seul à pouvoir expliquer une telle explosion des faits de violences.
Mais encore faudrait-il disposer de données et de chiffres précis. Or, les dernières enquêtes en la matière, outre le nombre brut de plaintes recensées, remontent à 2003 et, dans une moindre mesure, 2021, lors de l’étude "cadres de vie et sécurité" pilotée par l’Isee (l’Institut de la statistique et des études économiques). Alors que la Polynésie française, également fortement touchée par ce fléau, vient officiellement de lancer son Observatoire des violences faites aux femmes et intrafamiliales, "la Nouvelle-Calédonie est le dernier territoire à ne pas en être doté", regrette Bruno Karl. Le premier président de la Cour d’appel, installé cette année sur le Caillou, explique l’intérêt de ce dispositif : "C’est un outil qui permet une meilleure analyse de ces violences pour mieux en comprendre les causes, qui sont les auteurs, les lieux où elles se produisent, les catégories socio-professionnelles les plus concernées, etc. Et ce, en vue d’apporter des réponses en termes d’actions et de prévention."
"Déceler les violences psychologiques"
Pourquoi le Caillou ne dispose-t-il toujours pas d’un tel organisme ? Selon la membre du gouvernement en charge du dossier, Isabelle Champmoreau, le projet était déjà dans les cartons en 2019, lors du lancement du grenelle calédonien des violences faites aux femmes. Sauf qu’au vu du chantier colossal à entreprendre pour tenter d’enrayer ce phénomène, les priorités ont d’abord été mises ailleurs, et plus particulièrement sur l’accueil et la prise en charge des victimes, notamment lors des dépôts de plainte. "On s’est vraiment focalisé sur la notion d’urgence pour être à la hauteur des enjeux : à savoir l’hébergement, la formation à la bienveillance lors des prises de plainte et l’accompagnement des victimes, ainsi que des projets très concrets comme l’ouverture de l’unité médico-judiciaire au Médipôle", explique l’élue, qui annonce, après plusieurs réunions avec les autorités judiciaires, la mise en place d’un observatoire calédonien dans le courant de l’année 2026. "Nous disposons quand même de chiffres mensuels avec les forces de police, de gendarmerie et le tribunal. Mais cet observatoire permettra d’avoir une connaissance plus fine. On pourra aussi déceler des violences qui ne viennent pas forcément en dépôt de plainte, notamment ce qu’on appelle des violences psychologiques qui sont un phénomène très fort."
Un format qui devrait évoluer
Et ce, d’autant plus que selon la dernière étude sur les cadres de vie et la sécurité, moins d’un quart des victimes de violences (24 %) déclaraient avoir déjà déposé plainte. Une telle structure semble donc essentielle, même si elles nécessitent des moyens, dont la Nouvelle-Calédonie manque cruellement depuis 2024. C’est pourquoi la forme de ce futur observatoire reste à définir : "On ne va pas créer un service dédié, avertit Isabelle Champmoreau. Il s’agira essentiellement de croiser des données, de compléter des études, et surtout d’analyser tous ces chiffres pour la mise en œuvre des politiques publiques prioritaires. Il s’agira sans doute d’un système évolutif dans le temps."
Par Les Nouvelles Calédoniennes























