L'évacuation de touristes hexagonaux a commencé en Nouvelle-Calédonie, quelques jours après les premiers rapatriements de ressortissants australiens et néo-zélandais, dans un climat encore tendu. Les rapatriements de Wallisiens et Futuniens, et des Polynésiens bloqués sur l'archipel débutera la semaine prochaine.
Pour les Français de l’Hexagone coincés en raison des émeutes, de premiers vols à bord d'appareils militaires ont décollé samedi de l'aérodrome de Magenta à Nouméa, vers l'Australie et la Nouvelle-Zélande. « L'attente était interminable, puisque la réouverture de l'aéroport est repoussée de jour en jour », a raconté à l'AFP l'une de ces touristes, en référence à l'aéroport international de La Tontouta, fermé depuis le 14 mai.
La ministre déléguée aux Outre-mer a aussi annoncé, ce samedi, la mobilisation de deux avions qui rapatrieront, en début et en fin de semaine prochaine, Wallisiens et Futuniens « qui souhaitent de retrouver les leurs » sur leur archipel, isolé depuis la fermeture de l’aéroport de La Tontouta. Restée sur place après le départ d’Emmanuel Macron, Marie Guévenoux vient également d’annoncer « un vol spécial en début de semaine pour permettre aux Polynésiens, qui le souhaitent, de rentrer en Polynésie française ».
Cette semaine, le président de la Polynésie Moetai Brotherson avait fait la demande d’une « autorisation exceptionnelle » permettant le rapatriement de 145 ressortissants de la Collectivité coincés en Nouvelle-Calédonie. « Face aux évènements qui ont lieu en Nouvelle-Calédonie, le Haut-commissariat de la République en Polynésie française et le Gouvernement de la Polynésie française œuvrent depuis plusieurs jours en faveur du retour des Polynésiens bloqués sur la Grande Terre » a précisé le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie.
« Depuis le début de la crise, et en particulier au cours de cette journée du vendredi 24 mai, le Haut-commissarait a travaillé en étroite collaboration avec les autorités du Pays à l’établissement d’une liste de Polynésiens dont le retour est prioritaire » comme les « personnes en fragilité sanitaire » ou les « adultes avec enfants en situation particulière ». D’après l'État, 530 personnes ont pu être rapatriées depuis le début de la semaine, dont des Australiens, Néo-zélandais et étudiants vanuatais. En tout, 12 000 personnes devraient être bloquées sur l’archipel.
Septième victime
Le bilan des violences est passé vendredi à sept morts, le septième étant un homme de 48 ans dont l'identité n'a pas été communiquée, tué par un policier. Au surlendemain de la visite d'une journée du chef de l'État, les opposants à la réforme électorale qui a provoqué les émeutes à partir du 13 mai restent déterminés à obtenir son retrait définitif.
Emmanuel Macron s'était félicité jeudi de la retenue des forces de l'ordre. Il soulignait devant des journalistes calédoniens que « nos gendarmes et nos policiers n'ont tué personne ». Dès le lendemain après-midi, les faits l'ont démenti. Un policier, « pris à partie physiquement par un groupe d'une quinzaine d'individus », a tiré un « coup de feu pour s'extraire » et tué un homme à Dumbéa, à côté de Nouméa, selon le récit du procureur de la République Yves Dupas. Ce policier, qui présente des « traces de coups sur le visage » tout comme un collègue qui l'accompagnait, a été placé en garde à vue, a ajouté le procureur.
« Extrêmement fragile »
Avant cet homicide dont les circonstances restent à éclaircir, deux gendarmes, dont un touché par un tir accidentel, trois Kanak (autochtones) et un Caldoche (Calédonien d'origine européenne) avaient été tués. Des images de la télévision publique Nouvelle-Calédonie La 1ère, et des photos très commentées sur les réseaux sociaux, montraient le départ samedi matin du cercueil d'un indépendantiste de 19 ans, tué à Nouméa le 15 mai, en bateau vers l'île de Maré dont il était originaire.
Dans les secteurs et quartiers où les indépendantistes hostiles à la réforme électorale sont les plus nombreux et les mieux organisés, reprendre le contrôle des axes de communication et faire cesser les actes de destruction, principalement la nuit, va être un travail très long et complexe. « C'est bien l'ordre qu'il faut rétablir, et rétablir vite, avant que la situation ne dégénère encore », a affirmé vendredi le Premier ministre Gabriel Attal, lors d'une cérémonie d'hommage aux deux gendarmes tués, près de Paris. « La situation aujourd'hui reste extrêmement fragile en Nouvelle-Calédonie, un rien peut la faire vaciller ».
Le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a rapporté dans un communiqué samedi des opérations contre les barrages dans sept quartiers de Nouméa, principalement dans le nord de la ville. « La neutralisation et le nettoyage des barrages s'effectuent sous la sécurisation des forces de police et de gendarmerie », a-t-il décrit.
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Entre les quartiers de Ducos et Kaméré, une dizaine de tractopelles s'activent samedi pour déblayer des amas de débris encore en feu, sous l'œil des gendarmes qui sécurisent la zone, a constaté une journaliste de l'AFP. Le Raid intervient le premier pour sécuriser le passage du convoi, sous le bruit incessant des pales d'un hélicoptère qui survole la zone. Des camions et balayeurs ferment la marche pour enlever les débris. La nuit de vendredi à samedi a été encore agitée dans plusieurs quartiers de Nouméa et alentour.
« On maintient la résistance »
À Kaméré, des maisons ont été touchées par des incendies et/ou pillées. Une mère de famille a raconté à l'AFP avoir été sortie de là via l'océan par le GIGN, avec « plusieurs dizaines de personnes du quartier ». « On a su par les gens du quartier que notre maison avait été pillée dans la nuit comme d'autres. C'est horrible, très choquant », a-t-elle raconté en pleurs au téléphone. Les autorités ont fait état de « 35 personnes, dont 7 mineurs », sauvées par la brigade nautique en pleine nuit.
« On maintient la résistance dans nos quartiers », a lancé Christian Tein, le chef de file de la CCAT, collectif indépendantiste qui organise la contestation, lors d'une conférence de presse vendredi. Il dénonçait « la forte répression (...) que notre population est en train de subir ». L'indépendantiste a dit vouloir « desserrer un peu l'étau de manière à ce que le carburant (...) et surtout les médicaments » puissent être transportés sans entraves. « C'est notre priorité », a-t-il assuré.
L'état d'urgence instauré le 16 mai prévaut toujours, avec les mesures qui l'accompagnent : couvre-feu de 12 heures quotidiennes, interdiction de rassemblement, de transports d'armes et de vente d'alcool, bannissement de l'application TikTok. Le président de la République souhaite pouvoir lever cet état d'urgence grâce à un « apaisement » qui viendrait de négociations sur l'avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie.
Il a donné jusqu'à fin juin aux élus et responsables politiques de l'archipel, aidés par une « mission de médiation » de trois hauts fonctionnaires dépêchés depuis Paris. L'objectif du président est « un accord global » qui « puisse être soumis au vote des Calédoniens ».
Avec AFP