Nouvelle-Calédonie : Les liens avec le Japon mis à mal après la suspension de vols Nouméa-Tokyo

©Aircalin

Nouvelle-Calédonie : Les liens avec le Japon mis à mal après la suspension de vols Nouméa-Tokyo

Début septembre, la compagnie aérienne calédonienne Aircalin a suspendu l'ensemble de ses liaisons avec le Japon pour des raisons économiques liées à la crise qui touche le Caillou, une décision qui met à mal les liens historiques des deux archipels du Pacifique.

« Ça été comme un coup de massue pour la communauté », témoigne auprès de l'AFP Marie-José Michel, descendante de Japonais et ex-consule honoraire du Japon à Nouméa pendant quinze ans. Selon elle, la communauté représente entre 8 000 et 10 000 personnes sur une population totale de 270 000 habitants. « Il y a une grosse cassure parce que l'amicale japonaise a fait en sorte que les liens affectifs et familiaux avec le Japon soient renoués », explique-t-elle encore, s'appuyant sur les nombreuses initiatives engagées depuis les années 1990.

A cette époque, les descendants de Japonais, dont les aïeux sont arrivés en 1892 pour travailler dans le nickel, partent à la recherche de leurs familles, essentiellement originaires d'Okinawa. Des associations sont créées, permettant de nouer des relations culturelles fortes entre les deux archipels, encourageant le développement des jumelages entre communes.

La fin d'une liaison aérienne directe qui existe depuis plus de 40 ans, et l'augmentation du prix des billets, risque de compliquer fortement des relations que le Japon souhaitait pourtant intensifier, comme en témoigne l'ouverture d'un bureau consulaire à Nouméa en décembre 2022, qui s'inscrit dans la stratégie de l'axe Asie-Pacifique.

La hausse du coût du voyage va également compliquer l'enseignement du japonais et les échanges linguistiques dans ce cadre. « Cela nous met en grande difficulté », déplore Isabel Arellano, déléguée académique aux relations européennes et internationales et à la coopération du vice-rectorat, justement en déplacement au Japon en début d'année pour nouer de nouveaux partenariats.

Du fait des liens historiques et de la proximité géographique, l'enseignement du japonais est particulièrement demandé en Nouvelle-Calédonie. Alors qu'il est choisi par une dizaine de milliers d'élèves dans l'Hexagone, selon le ministère de l'Éducation nationale, les jeunes apprenants calédoniens sont environ 3 000. L'arrêt de la liaison aérienne freinera ainsi le recrutement d'assistants de langue que la Nouvelle-Calédonie était le seul territoire français à avoir.

Conséquences économiques et touristiques

Les conséquences seront également d'ordre économique puisque le Japon a longtemps représenté le troisième marché touristique le plus important pour le Caillou. Crise sanitaire et ralentissement économique au Japon ont néanmoins provoqué un effondrement du flux de visiteurs qui commençait à peine à reprendre avec 7 000 touristes nippons en 2023, contre plus de 20 000 avant l'épidémie de Covid.

« L'arrêt de la ligne directe va impacter le trafic touristique », confirme Julie Laronde, la directrice de Nouvelle-Calédonie Tourisme, organisme chargé de la promotion touristique qui disposait encore récemment d'une représentation sur place. Malgré la réduction des moyens, la directrice garde néanmoins l'espoir d'une reprise de la liaison et entend maintenir les outils déjà en place, tout en développant de nouvelles offres avec les tours opérateurs.

Pour Taichi Furukawa, exportateur de produits calédoniens emblématiques (vanille, miel, sel), la suspension de la liaison est un coup dur. Selon lui, l'exportation via de nouvelles routes rendra plus difficile les autorisations sanitaires déjà relativement contraignantes et risque de faire disparaître ces produits, ambassadeurs de la destination.

« Cette suspension est une conséquence directe de la crise qu'a connue la Nouvelle-Calédonie depuis le 13 mai et qui nous a conduits à recentrer nos activités sur des routes plus stratégiques », rappelle Arnaud Gervais, le directeur commercial d'Aircalin qui précise travailler à des partenariats pour maintenir une continuité au meilleur prix entre les deux archipels. Si la liaison est suspendue pour une durée indéterminée, précise le directeur commercial, « il est possible que l'on se redéploie au Japon dans les années qui viennent, une fois que la compagnie sera remise sur les rails ».

Cette dernière, qui a aussi suspendu ses rotations vers Melbourne et réduit la voilure sur Sydney, Auckland, Wallis et Futuna, Port-Vila, Nadi et Papeete, entend miser tout de même sur l’Asie du Sud pour se relancer et absorber ses coûts, en maintenant 4 vols par semaine sur Singapour et en ouvrant une ligne entre Nouméa et Bangkok, éventuellement prolongée jusqu’à Paris.

Avec AFP