Dans un communiqué de presse envoyé aux rédactions, le Haut-commissariat de la Nouvelle-Calédonie a pris la parole sur la liste électorale spéciale pour les élections provinciales (LESP), sujette ces derniers jours à contestations politiques du camp non indépendantiste, qui demande son dégel.
Le Haut-commissariat, et plus précisément le préfet Rémi Bastille, chargé d’organiser les travaux sur l’avenir institutionnel de l’archipel, avait convié les partenaires politiques calédoniens à « une réunion d'information préalable à la révision de la liste spéciale », a précisé la représentation de l’État. Une réunion à laquelle plusieurs partis et groupes non indépendantistes n’ont pas souhaité participer, réclamant le dégel et l’ouverture du corps électoral pour les provinciales de 2024.
« Notre groupe ne participera à plus aucune réunion officielle au Haut-commissariat qui continue de valider, de travailler sur le corps électoral gelé actuel et sur des listes provinciales sur la base de ce corps électoral gelé », a déclaré Virginie Ruffenach, présidente du groupe l’Avenir en confiance. En outre, quatre représentants des Loyalistes, la coalition non-indépendantiste majoritaire et la plus radicale, se sont rendus à la réunion pour lire une déclaration avant de quitter la salle. « Soit nous trouvons un accord politique sur un corps électoral glissant de trois ans, soit le corps électoral des prochaines élections sera totalement dégelé », a affirmé Gil Brial à l'AFP, l'un des représentants des Loyalistes.
Au sein des non-indépendantistes, seuls les élus du groupe Calédonie ensemble étaient présents aux côtés des représentants indépendantistes des groupes UC-FLNKS et UNI, pour ce groupe de travail réuni par le Haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie. « Il va bien falloir qu’on échange les uns avec les autres. Ce n’est pas en ayant la politique de la chaise vide qu’on peut faire avancer nos idées » a estimé Philippe Dunoyer, député Renaissance et membre de Calédonie Ensemble.
Sous la présidence de Jacques Chirac, en 2007, ce corps électoral avait été gelé, c'est-à-dire limité aux personnes résidant sur le territoire avant 1998. L'accord de Nouméa prévoyait également deux autres corps électoraux, le corps général pour les élections nationales et municipales ainsi que la liste électorale spéciale pour les consultations. « La révision de la liste électorale spéciale pour les élections provinciales (LESP) intervient chaque année du 1er mars au 30 avril, conformément à la loi organique du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie » a précisé dans son communiqué le Haut-commissariat, qui ajoute : « La révision d'une liste électorale consiste à inscrire les nouveaux électeurs et à radier ceux qui ne remplissent plus les conditions d'inscription (changement de communes, décès) ».
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La représentation de l’État développe : « La révision de la LESP est effectuée dans chaque commune, pour chaque bureau de vote, par une commission présidée par un magistrat désigné par le Premier président de la cour de Cassation. Chaque commission est également composée d'un représentant du haut-commissaire de la République, d'un représentant du maire, de deux représentants des électeurs et d'une personnalité qualifiée indépendante.
Les personnalités qualifiées indépendantes sont désignées par le Haut-commissaire après avis du Congrès. Depuis plusieurs années, il s'agit d'experts en matière électorale désignés par le secrétaire général des Nations-Unies. Les représentants des électeurs sont désignés par le haut-commissaire après avis du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie. Une liste d'électeurs est proposée au haut-commissaire par les groupes politiques représentés au Congrès. Ces représentants des électeurs peuvent se suppléer entre eux ».
Bataille de chiffres et élections provinciales en ligne de mire
D’après l’élue Virginie Ruffenach, « 45 000 citoyens français durablement installés en Nouvelle-Calédonie » ne seraient pas inclus sur cette liste électorale spéciale qui permet de voter aux élections provinciales. De son côté, la secrétaire d’État à la Citoyenneté et présidente de la province Sud, Sonia Backès, évoque le chiffre de 43 000 personnes. Des chiffres que le Haut-commissariat tempère, sans être trop éloigné des chiffres mis en avant par les élus loyalistes : « A l'issue de la révision de la LESP intervenue en 2022, 176 461 électeurs étaient inscrits sur la LESP, soit 1% de plus qu'en 2021 à la même date (174 737). A ce jour, 41 679 électeurs sont inscrits sur la liste électorale générale sans être inscrits sur la LESP ».
Du côté des indépendantistes, on défend, a contrario, le maintien d’une restriction, conformément à l’accord de Nouméa. « Le dossier est explosif » affirme une correspondante du journal Le Monde, d’où une possible demande de report, de plus en plus en plus sérieusement envisagée par les deux camps ». « Il ne peut pas y avoir d’élections provinciales avec un corps électoral gelé » avait d’ailleurs déclaré Sonia Backès sur Nouvelle-Calédonie La 1ère.
Le scrutin est majeur dans l’archipel. Il détermine la composition des assemblées des trois provinces calédoniennes -Nord, Sud, Îles-, elles-mêmes composant à la proportionnelle le Congrès de l’archipel. Et la composition du Congrès détermine à son tour la composition du gouvernement. En d’autres termes, si les non indépendantistes sont majoritaires au Congrès, ils le sont également au gouvernement, abstraction faite des divisions politiques. Actuellement, ce sont les indépendantistes qui ont une majorité relative au Congrès et qui, par conséquent, sont majoritaires au gouvernement.
En attendant l’arrivée de Gérald Darmanin début mars, dont le déplacement sera vraisemblablement l’occasion d’aborder ce sujet épineux, les non indépendantistes se disent prêts aux « recours massifs au niveau de l’État, du Conseil d’État mais aussi au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme et de l’Onu pour faire annuler l’organisation » des élections provinciales.