Un compte à rebours a été enclenché avant la "désintégration" du système de soins calédonien, estime la Fédération des professionnels libéraux de santé (FPLS) de cet archipel français de l'océan pacifique, appelant lundi les autorités sanitaires à faire face à l'urgence et aux difficultés de recruter.
"On est en train de basculer d’une médecine moderne à une médecine du tiers monde", s’est alarmé lors d'une conférence de presse Patrice Gauthier, président de la FPLS qui regroupe des syndicats de professionnels libéraux de santé en Nouvelle-Calédonie. Il pointe l’émergence de no man’s land médicaux, générant des inégalités d’accès aux soins, à la fois géographiques et sociales. "On va aller vers un système où seuls ceux qui auront les moyens pourront se payer un bon service de santé", redoute-t-il.
La FPLS s'appuie notamment sur un sondage confié à l'institut indépendant Quidnovi fin 2024, auquel ont répondu près de 600 professionnels de santé, tous secteurs et toutes spécialité confondues. Il en ressort qu'un soignant sur deux envisage de quitter l’archipel, dont 12% d’ici à quelques mois.
Les résultats mettent également en lumière de graves difficultés de recrutement. Près de 40% des praticiens déclarent en effet ne pas parvenir à recruter de personnel qualifié, un chiffre qui dépasse les 60 % dans certaines professions. Cette tension affecte aussi l'hôpital public, où des services et de nombreux lits ont dû fermer faute de personnel.
Présenté récemment au Congrès local, le sondage révèle également que près de 25% des professionnels de santé présentent des symptômes de stress post-traumatique à la suite de l’insurrection déclenchée le 13 mai 2024.
Les émeutes, sur fond de contestation d'une réforme électorale, ont fait 14 morts, détruit une large partie du tissu industriel et causé plus de 2,2 milliards d'euros de dommages dans l'archipel.
La FPLS dénonce par ailleurs le manque de reconnaissance et de prise en compte selon elle des autorités sanitaires, et demande à être associée aux décisions à travers une cellule de pilotage sanitaire dotée de réels pouvoirs. Cette cellule aurait vocation à mettre en œuvre les recommandations, dont celles formulées dans les rapports de l’Inspection générale des affaires sociales.
"À ce stade, ce n’est plus une crise, c’est une désintégration", insiste Xavier Delagneau, membre du conseil d’administration de la FPLS. L’urgence est d’autant plus grande, souligne le collectif, "qu’aujourd’hui, il y a des morts faute de soins".
Sollicité par l'AFP, le membre du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie en charge de la santé et de la protection sociale n’a pas donné suite.
Avec AFP