Nouvelle-Calédonie : Coup d’envoi de l’audit qui doit évaluer la pertinence des protections de marché

©Anthony Tejero / Les Nouvelles Calédoniennes

Nouvelle-Calédonie : Coup d’envoi de l’audit qui doit évaluer la pertinence des protections de marché

Ce vendredi, le gouvernement calédonien a réuni les principaux acteurs du monde économique en vue de lancer un vaste audit de plusieurs mois qui doit évaluer la pertinence et l’efficacité des protections de marché favorisant la production locale au détriment de l’import. Le signe que l’exécutif entend « refondre » le modèle actuel. Explications de notre partenaire Les Nouvelles Calédoniennes.

Chocolat, riz, papier-toilette… En Nouvelle-Calédonie, 388 marchandises fabriquées ou transformées localement bénéficient actuellement d’une mesure de protection de marché selon la Direction des affaires économiques (DAE). 

Des mécanismes qui limitent ou interdisent totalement les importations au profit de la production calédonienne. Dans le jargon, on parle de mesures Stop et quotas qui encadrent 80 % de ces produits. Les autres régulations (20 % des cas) concernent des avantages tarifaires, sous la forme de taxes appliquées aux produits concurrents extérieurs.

Toujours est-il, le nombre de marchandises bénéficiant de ces dispositifs pourrait bientôt être revu à la baisse puisque le gouvernement a officiellement lancé, ce vendredi, un audit visant à évaluer la pertinence de ces mécanismes, dont certains sont apparus dès les années 1980. Objectif : rendre « plus efficient le modèle économique » que l’exécutif entend « refondre ».

« Apporter de la transparence »

« C’est un audit extrêmement important parce qu’il va permettre d’apporter de la transparence à ces protections et régulations de marché qui est un sujet souvent polémique lié à un système qui a souvent été opaque », lance d’emblée Christopher Gygès, le membre du gouvernement en charge de l’économie. 

« Il faut un soutien à l’industrie locale, mais il faut que la Nouvelle-Calédonie soit aussi en capacité de s’ouvrir et en capacité de ne pas pénaliser le consommateur sur un certain nombre de produits. On a d’autres leviers, dont des soutiens à l’énergie, aux charges sociales. Les régulations de marché ne doivent être utilisées que pour des cas bien précis » a ajouté le membre du gouvernement.

En clair, l’audit doit analyser l’efficacité globale ou non de ces mesures tant en évaluant à long terme leurs coûts que leurs gains en termes de production ou d’emplois par exemple. Et ce, tout en s’interrogeant sur la compétitivité des bénéficiaires.

« Soutenir le pouvoir d’achat »

Une première réunion de lancement a ainsi réuni ce vendredi matin, au siège de l’exécutif, les représentants des producteurs locaux, des organisations patronales, des chambres consulaires, de la grande distribution ou encore des associations de consommateur. 

Ce travail, qui sera mené par un « cabinet indépendant », est prévu pour durer cinq mois et devrait donc livrer ses conclusions avant la fin de l’année. D’ici-là, aucune nouvelle protection de marché ne pourra être actée ou même prolongée au-delà d’un an. Cette étude, dont le montant reste encore un secret bien gardé, sera entièrement financée par l’État via l’AFD.

« On est également dans une démarche aujourd’hui de soutien au pouvoir d’achat des Calédoniens », juge bon d’ajouter Christopher Gygès. « Il ne s’agit pas que de la question des régulations de marché. C’est aussi le soutien à l’emploi, permettre aux gens d’avoir un emploi. C’est regarder s’il n’y a pas des marges abusives dans la grande distribution, etc. Mais en tout cas, la question des régulations de marché doit être mise en totale transparence ».

« Ne pas régler le problème par le petit bout de la lorgnette »

Si elle se dit « favorable » à cet audit, la Feinc (Fédération des entreprises et industries en Nouvelle-Calédonie) émet tout de même quelques recommandations, si ce n’est réticences quant aux modalités d’action de cette évaluation.

« Déjà, il faut que cette étude soit quantitative et à 360°, c’est-à-dire qu’elle couvre l’ensemble du secteur productif y compris l’agriculture et l’artisanat. Mais aussi qu’elle soit comparative avec l’importation sur les mêmes critères, en en évaluant les intérêts, les forces et les faiblesses pour les Calédoniens et la Nouvelle-Calédonie », analyse Xavier Benoist, le président de la Fédération, qui redoute un biais déjà acté par les autorités. 

« Notre inquiétude serait que cet audit vise à régler le problème par le petit bout de la lorgnette au nom de dogmes. Dire comme l’a fait Christopher Gygès que certaines protections de marché ne sont pas justifiées avant même le lancement de l’évaluation ne donne pas un bon signe sur l’objectivité de ce suivi ». Enfin pour la Feinc, cet audit ne « réglera pas » à lui seul le problème de la vie chère en Nouvelle-Calédonie « sauf à vouloir détourner l’attention des vrais enjeux et causes » de ce sujet.

Anthony Tejero pour Les Nouvelles Calédoniennes