Avant de s’envoler pour le Sheraton de Deva, où il s’est enfermé avec les délégations politiques pour négocier, le ministre des Outre-mer s’est rendu au centre hospitalier de Dumbéa, ce lundi, pour prendre connaissance de l’état des lieux d’un secteur en pleine crise, marqué par une pénurie de soignants difficile à endiguer. Une visite suivie par nos partenaires Les Nouvelles Calédoniennes.
Dans la longue liste des victimes de la crise, Manuel Valls n’avait pas encore pris le temps d’aller à la rencontre des soignants. Ce lundi 5 mai, quelques heures avant des négociations en huis clos à Deva qui s’annoncent rudes, le ministre des Outre-mer a effectué une visite du Médipôle, avant d’écouter, pendant un peu plus d’une heure, les acteurs de la santé en Nouvelle-Calédonie dresser l’état des lieux d’un secteur en crise. « C’est un sujet qui me préoccupe », a affirmé Manuel Valls, qui a pu prendre la mesure d’une véritable « dégradation de l’offre de soins » partout sur le territoire.
« Les risques d’un effondrement »
Un an après l’éclatement des premières violences, la Nouvelle-Calédonie est toujours confrontée à une pénurie de professionnels de santé qui menace le système de soins. « Les 20 à 25 % de médecins et d’infirmiers qui vont et viennent depuis la Métropole sont partis, et le turn-over qui s’effectuait auparavant sur ces postes n’a plus lieu », expose le Dr Thierry De Greslan, président de la commission médicale d’établissement du CHT. La situation a contraint le Médipôle à fermer quasiment 100 lits sur les 225 dont il disposait.
La situation est pire en Brousse, où les hôpitaux de Poindimié et de Koumac ont stoppé la quasi-totalité de leurs services. Tout est désormais centralisé au pôle sanitaire de Koné. « On a des difficultés d’attractivité », reconnaît Joachim Tutugoro, directeur des trois établissements hospitaliers du nord. Lui met ça sur le compte d’un « sentiment d’insécurité » encore très présent, évoquant la mauvaise réputation qui colle à la peau de la Nouvelle-Calédonie depuis un an, et de la Brousse plus particulièrement.
« Les problèmes d’insécurité et d’attractivité qui ont été évoqués sont intimement liés à l’instabilité de la situation politique », estime Manuel Valls, renvoyant ainsi la solution à un accord. « Mais au-delà, ce qui m’inquiète, ce sont les risques d’un effondrement du système et d’une crise sanitaire », alerte le ministre d’État.
Des partenariats avec des hôpitaux de l’Hexagone
Des solutions ont été listées : les réformes du système de santé pour « régler la question de son financement », mais également la signature de « conventions » avec des hôpitaux publics ou semi-privés de l’Hexagone, sujet « sur lequel l’État a donné un certain nombre de pistes ». Claude Gambey, membre du gouvernement chargé de la santé, multiplie actuellement les déplacements dans les structures hospitalières et universitaires de l’Hexagone, dans l’espoir de régulariser l’envoi de personnels soignants pour soutenir le Caillou dans les spécialités en tension.
« Des partenariats gagnants-gagnants » afin de « ne plus dépendre d’arrivées d’opportunités, mais de construire de véritables filières de soins », défend Thierry De Greslan, évoquant d’autre part la nécessité « d’améliorer les conditions de travail » des soignants et de revaloriser les salaires. « L’État s’est beaucoup engagé depuis des années et continuera à s’engager aux côtés de la Nouvelle-Calédonie, mais à condition d’abord qu’il y ait un accord et ensuite qu’il y ait des réformes », a conclu Manuel Valls.
Baptiste Gouret pour Les Nouvelles Calédoniennes