Le président de la Polynésie embarquera vendredi prochain pour deux semaines de visite à Singapour, pour une mission axée sur le tourisme, l’investissement et l’économie numérique. La cité-État asiatique a de quoi faire rêver : plus petite que Tahiti en taille, son PIB est plus de 60 fois supérieur et ses fonds d’investissements souverains sont parmi les plus puissants de la planète. Moetai Brotherson avait déjà évoqué le pays comme un modèle de développement, une source d’investisseurs « sans défisc' » dans l’hôtellerie ou le numérique, et même un nouveau « point d’entrée » du fenua en Asie. Précisions avec notre partenaire Radio 1.
Les « investisseurs de Singapour » ont alimenté beaucoup de rumeurs, ces dernières semaines au fenua. Il faut dire que Moetai Brotherson, sans jamais trop en dire sur l’avancée de ses discussions, a plusieurs fois mentionné, ces derniers mois, le nom de ce petit État insulaire, qui ne fait pas plus des deux tiers de la surface de Tahiti avec ses 724 kilomètres carrés. Différence de taille, pourtant, entre le fenua et cette cité-État où se croisent populations chinoises, malaisiennes et indiennes : le PIB, environ 65 fois supérieur, côté Singapour.
En novembre dernier, en marge du Forum des îles du Pacifique des Cook, le président polynésien avait tenu une « bilatérale » avec le Premier ministre singapourien Vivian Balakrishnan. La conversation avait porté sur l’agro-transformation, le numérique, les échanges éducatifs et plus globalement sur le modèle de développement du petit pays asiatique, indépendant de la Grande-Bretagne, puis de la Malaisie depuis 1965 et qui a réussi à surmonter de nombreux défis : manque de ressources naturelles, difficultés d’accès à l’eau, foncier extrêmement limité, et population culturellement très divisée… Plus tard, Moetai Brotherson directement en charge du tourisme et du transport international au sein du gouvernement, avait cité Singapour comme un nouveau « point d’entrée » possible de la Polynésie en Asie, et donc une destination de prospection pour ATN.
Courant décembre, quand le chef de l’exécutif avait cité devant les caméras un « petit pays » passé d’un des « plus pauvres du monde » à un modèle de prospérité, et qui serait prêt à investir au fenua « sans défiscalisation », il s’agissait, comme beaucoup l’avaient deviné, de Singapour. L’État insulaire de 5,5 millions d’âmes – qui est souvent pointé du doigt pour ses inégalités sociales criantes et son régime autoritaire – avait été plus clairement cité à l’Élysée, quand Moetai Brotherson avait évoqué avec le chef de l’État Emmanuel Macron l’extension des compétences de coopération régionale de la Polynésie… En vue notamment de mieux travailler avec Singapour.
Village tahitien, friches hôtelières… Les « fonds souverains » en joker ?
Depuis, donc, les rumeurs vont bon train, certain prêtant notamment au gouvernement l’intention de proposer aux investisseurs singapouriens le site du Village tahitien. Les porteurs de projets locaux qui avaient signé des promesses de bail début 2023 avaient bien été reçus par la présidence, voilà six mois… Mais n’ont depuis plus eu « aucun contact » avec les autorités du Pays sur le dossier, laissant, pour la plupart, le développement de leur projet hôtelier en sommeil. Autre bruit de plus en plus audible dans les couloirs des institutions : ces mêmes investisseurs pourraient travailler sur les « friches hôtelières » de Polynésie : de l’ex-Hyatt du Tahara’a, au Club Med de Moorea, en passant par l’ancien Sofitel de Huahine… Pas de confirmation ou de précision de la présidence, qui a tout de même fini par confirmer, ce jeudi, ce que tout le monde savait déjà : Moetai Brotherson va se rendre à Singapour, dès la semaine prochaine.
Départ le 15 mars, retour le 29, avec escale sans visite à Nouméa. Vu la durée du séjour, il ne s’agit pas d’une visite de courtoisie. Le développement touristique et hôtelier sera bien au centre du programme, avec une série de rencontres avec des groupes d’investisseurs à l’identité non précisée. Beaucoup parlaient, ces derniers temps, des deux fonds souverains du pays : GIC, qui gère plus de 80 000 milliards de francs d’actifs et les réserves du change du pays, et Temasek Holdings, qui ne pèse « que » 30 000 milliards de francs mais qui est beaucoup plus concentré sur l’investissement extérieur. Ces fonds seraient-ils les investisseurs miracle et « sans défisc » espérés par Moetai Brotherson? À voir. Le président, en tout cas, doit aussi s’entretenir avec des ministres et chefs d’administration de Singapour, visiter l’aéroport de Changi, le très actif port d’où est embarquée une partie des hydrocarbures polynésiens, rencontrer, aussi, des investisseurs hong-kongais, des Tahitiens d’Asie, des spécialistes du commerce de luxe… Et parler numérique, autre portefeuille personnel du chef du gouvernement. Le président rencontrera notamment un constructeur de data center et visitera dans la foulée le site de Google Singapour.
Par Charlie René pour Radio 1