L'Azerbaïdjan a accueilli ce jeudi des cadres du parti indépendantiste de Polynésie française pour une conférence sur le « droit à la décolonisation » de cette Collectivité d’Outre-mer, au risque d'alimenter les tensions après que Paris a déjà accusé Bakou d' « ingérence » sur la Nouvelle-Calédonie.
Le Parlement azerbaïdjanais a invité des journalistes ce jeudi à cette conférence, a constaté l'AFP. Des responsables du parti indépendantiste de Polynésie, le Tavini Huiraatira -qui dirige la Collectivité depuis mai 2023-, étaient présents. « Nous sommes aujourd'hui isolés en raison de la politique coloniale de la France », a déclaré le secrétaire général du parti, Victor Maamaatuaiahutapu, lors de la conférence.
« Politiquement, nous sommes une jeune nation et nous avons besoin du soutien de l'Azerbaïdjan », a-t-il ajouté, accusant aussi la France de vouloir « poursuivre les essais nucléaires » en Polynésie, essais stoppés depuis 1996. Participant à la conférence, le vice-président du Parlement azerbaïdjanais, Ali Housseynly, a assuré que « l'imperfection des mécanismes juridiques internationaux entrave la libération des colonies françaises ».
« Déclencher une réaction de la France »
La tenue de cette conférence survient alors que Bakou -dont les relations avec la France sont au plus bas depuis la reprise du Haut-Karabakh par l'Azerbaïdjan aux dépens de l'Arménie, soutenue par Paris- est déjà accusé par la France d'ingérence en Nouvelle-Calédonie. Le congrès de l’archipel a signé en avril dernier un mémorandum de coopération avec l’assemblée azérie, qui avait fait polémique.
Plus récemment, le parti indépendantiste polynésien a aussi signé un mémorandum depuis Bakou. Le Tavini huira’atira s’était défendu, motivant cette signature par la volonté de « continuer le combat » indépendantiste. « Ça fait des années, que l’on travaille avec des mouvements internationaux, et on est au courant de ce qui se passe autour. Mais ce qui se passe entre l’Azerbaïdjan et l’État français, ça n’est pas notre problème. L’objectif, c’est de nouer des relations, et, au fonds, d’obtenir un siège au sein du Groupe des pays non alignés. C’est quand même 120 pays sur 193 », avait assuré Vito Maamaatuaiahutapu.
« On en retient uniquement la possibilité pour nous de se faire entendre à l’international », avait ajouté Ella Tokoragi, secrétaire générale adjointe du Tavini. « On ne va pas se mêler de ce qui se passe en Arménie, ou des rapports entre l’Azerbaïdjan et la France. Mais si ce mémorandum peut déclencher une réaction de la France, pousser l’État à se mettre à la table des négociations à propos de la Polynésie, c’est bon à prendre ». Inscrite sur la liste onusienne des territoires à décoloniser, la Polynésie ne fait pas, à l’instar de la Nouvelle-Calédonie, l’objet de processus de décolonisation. Ce que déplore le parti indépendantiste polynésien.
D’après nos partenaires de Radio 1 Tahiti, ce second déplacement en Azerbaïdjan serait motivé par « les possibilités d’établir une coopération entre l’Azerbaïdjan et la Polynésie française dans les domaines interparlementaires : économique, humanitaire, ainsi que scientifique, éducatif, sportif, de santé et autres ». Le secrétaire général du parti indépendantiste est accompagné sur place par sept élus et représentants à l’Assemblée territoriale, parmi lesquels des présidents de commissions de l’Éducation, des Institutions ou encore de l’Équipement.
Ce rapprochement entre les deux assemblées pourrait mener à la signature d’un accord de partenariat plus concret que le mémorandum acté en mai, puisqu’il s’agirait d’une coopération officielle entre deux institutions, précise encore Radio 1 Tahiti. Les autorités françaises accusent également Bakou de « manœuvres informationnelles », via la « propagation massive et coordonnée » sur les réseaux sociaux de contenus accusant la police française de tirer sur des manifestants indépendantistes lors des émeutes en Nouvelle-Calédonie.
En juillet 2023 déjà, l'Azerbaïdjan avait invité des indépendantistes de Martinique, de Guyane, de Nouvelle-Calédonie et de Polynésie française à Bakou pour une conférence. Le « Groupe d'initiative de Bakou » avait été créé, avec pour objectif déclaré de soutenir « les mouvements anti-coloniaux ». Abbas Abbassov, directeur de ce groupe soutenu par le gouvernement, a rencontré la délégation polynésienne mercredi à Bakou, selon des informations de l'agence azerbaïdjanaise Trend News Agency.
Avec AFP et Radio 1 Tahiti