En Nouvelle-Calédonie, la continuité pédagogique permet de maintenir un lien entre l’élève et les enseignants pendant le confinement, où les établissements scolaires sont fermés. Quelles leçons le système éducatif calédonien a-t-il tirées des précédents confinements et comment ce suivi s’articule-t-il aujourd’hui ? Quel pourrait être l’impact de cette longue pause sur les examens de fin d’année ? Ou encore, à quoi pourrait ressembler une reprise des cours soumise aux contraintes des gestes barrières ? Réponses du vice-recteur Érick Roser, interviewé par nos partenaires d’Actu.nc.
Qu’avez-vous mis en place pour permettre aux élèves de poursuivre leur apprentissage durant cette période de confinement ?
On a immédiatement mis en place ce qu’on appelle la continuité pédagogique : c’est-à-dire le maintien d’un travail scolaire, d’un lien avec l’école, à distance. Dès que l’annonce du confinement a été faite par les autorités, les établissements ont engagé ce travail afin de mettre à disposition des élèves des cours et des activités qu’ils doivent réaliser pendant le temps où ils sont à domicile en raison du confinement.
Cela ressemble-t-il à ce que vous aviez organisé lors des deux derniers confinements où bien avez-vous procédé à quelques réglages ?
C’est la même chose dans son esprit. Mais à chaque confinement, on a tout de même progressé, grâce notamment à un retour d’expérience au moment où les élèves revenaient dans les établissements. Pour vous donner quelques illustrations de ces enseignements, nous avons déjà une meilleure connaissance des élèves qui sont, ou pas, raccordés à internet et qui bénéficient ou non d’appareils leurs permettant de suivre cet enseignement à distance au travers du numérique. Car même si parfois les élèves ont une liaison internet, ils n’ont pas les appareils suffisants, c’est-à-dire au moins un smartphone ou bien le smartphone de la famille. Pour ceux-là, on a donc très vite engagé la préparation de pochettes de cours papier. En moyenne, 55% des élèves ont reçu leurs cours sous cette forme.
Ce que l’on a également perfectionné, c’est le réseau de distribution de ces pochettes papier. Elles sont mises à la disposition des familles directement au collège, mais certaines ne peuvent pas se déplacer ou habitent loin des établissements. Donc il y a toute une organisation pour leur acheminer ces pochettes à l’aide de relais, tels que les mairies ou bien d’autres collèges publics situés à proximité du domicile de ces élèves internes, qui peuvent être scolarisés à Nouméa, mais domiciliés ailleurs. Le deuxième enseignement tiré des précédents confinements, c’est le calibrage même du travail qui est demandé aux élèves.
C’est-à-dire que vous leur en aviez demandé trop ou pas assez ?
Trop. Et peut-être parfois aussi, quelques activités n’étaient pas complètement faisables en toute autonomie. Donc là, le travail a été beaucoup mieux ciblé : en quantité, en nature d’activité, mais également en emploi du temps. Cette fois-ci, on essaye d’indiquer aux élèves quel pourrait être l’emploi du temps de la semaine pour qu’eux-mêmes arrivent à se situer pour mieux réaliser leur travail.
La troisième leçon tirée de nos précédentes expériences, c’est d’être davantage en contact téléphonique avec les élèves pour prendre de leurs nouvelles, savoir comment cela se passe, s’ils rencontrent des difficultés, y compris de nature psychologique ou sociale, de sorte que nous puissions les accompagner en mobilisant soit nos psychologues de l’éducation nationale, soit nos assistants sociaux.
Le suivi pédagogique s’appuie en grande partie sur les outils informatiques, ne craignez-vous pas que cela engendre des inégalités, notamment pour les élèves qui n’auraient pas accès à internet ?
Soyons sincère, les deux modes d’échange ne sont pas de même nature, d’autant qu’assez souvent, ceux qui n’ont pas accès à Internet proviennent de catégories sociales un peu plus défavorisées. Dire que le confinement ne génère pas de plus grande difficulté, que l’on essaye de réduire quand ces élèves sont à l’école, serait nier une réalité. C’est aussi pour cela que l’on essaye d’être attentif à ce que le travail donné pendant cette période soit, au maximum, un travail de consolidation plutôt que d’engager de nouveaux chapitres. En sachant que, bien entendu, au retour en classe, un point d’étape sera fait pour voir où les élèves se sont dispersés en individuel afin de mieux resituer où il faudra reprendre les apprentissages collectifs.
Quel est le rôle des parents dans tout cela ? Doivent-ils se substituer aux enseignants ?
Je crois qu’ils doivent surtout être en appui, en soutien, en encouragement, en accompagnement. Mais on ne leur demande en aucun cas d’être les professeurs de leurs enfants. L’enseignant reste en quelque sorte celui qui est en charge des activités pédagogiques, même si les parents doivent veiller à ce que leur enfant conserve un certain rythme : respecter les temps de sommeil, de travail scolaire, mais aussi continuer à faire quelques activités sportives. Le confinement, ce n’est pas des vacances.
Le confinement, prolongé pour le moment jusqu’au 4 octobre, pourrait-il remettre en cause les examens de fin d’année ?
Aujourd’hui, à ce stade, les conséquences de la crise sanitaire ici sont comparables à celle de la Métropole, ce qui n’impose pas de modifier les règles d’adaptation des examens, qui ont été adoptées pour l’ensemble du territoire national.
Donc des examens plutôt axés sur le contrôle continu ?
Les mesures qui avaient été prises c’était effectivement, pour le baccalauréat, d’évaluer un certain nombre de matières sous la forme d’un contrôle continu et de maintenir seulement trois épreuves : philosophie, en classe de terminale (deux sujets seront proposés au lieu d’un afin de pallier les éventuels retards dans le programme, NDLR) et une nouvelle épreuve pour le bac 2021, qui s’appelle le grand oral où les élèves vont préparer deux sujets et seront interrogé sur l’un d’eux. Et pour ceux qui sont en classe de première, l’épreuve de français. Pour les examens comme le BTS, il a été prévu un oral de rattrapage au mois de décembre pour ceux qui seraient proches de la réussite, qui d’habitude n’avait pas lieu. Et des adaptations ont aussi été réalisées pour le bac professionnel. Bref, la bienveillance est le maître-mot.
Quel pourrait être l’impact du confinement sur l’état psychologique des enfants ?
Il a été observé que le confinement génère une difficulté psychologique, surtout si la situation s’éternise et que les conditions du confinement sont compliquées pour le jeune. C’est une raison pour laquelle nous avons déjà mobilisé tous nos psychologues de l’éducation nationale et tous les établissements, pour que lors de ce lien téléphonique avec les familles et les jeunes eux-mêmes, on puisse détecter ceux qui auraient des difficultés et pouvoir les accompagner.
Soit tout de suite, par un lien avec un psychologue, soit au retour pour, en quelque sorte, mieux les rassurer par rapport à ce qu’ils ont vécu. D’autant plus que là, le confinement se fait dans une période de crise effective, où des personnes sont hospitalisées. Et certains jeunes ont des membres de leur famille qui sont en réanimation. On a donc installé une cellule psychologique d’appui, plus vigilante, pour accompagner ces jeunes confrontés à la douleur d’un proche qui serait soit gravement atteint, soit qui disparaîtrait.
On le sait maintenant, le gouvernement l’a répété, la stratégie Covid free est terminée. Avez-vous déjà planché sur une reprise qui serait donc soumise aux contraintes des gestes barrières ?
Déjà au mois d’avril, à la fin du premier confinement, on avait demandé à tous nos établissements de préparer un plan particulier de mesures sanitaires de sorte que l’on soit en capacité de faire fonctionner les établissements dans le strict respect des gestes barrières. On avait, à l’époque, imaginé différents niveaux de crise et chaque établissement devait réfléchir aux mesures qu’il prendrait selon le degré de circulation du virus. Ils ont notamment travaillé sur les entrées et sorties, qui peuvent être des moments de regroupement, où la distanciation peut être plus compliquée à respecter.
On leur avait aussi demandé de réfléchir à des sens de circulation, par exemple lors des changements de salle, de sorte que deux classes ne se rencontrent pas dans les couloirs. Il y avait aussi la question des récréations, de l’éducation physique et sportive, de la fréquentation des centres de documentation et enfin, et ce sont les points les plus difficiles, car ils se font sans masques, l’accès à la demi-pension le temps du repas.
Les études faites avec un recul suffisant en Métropole, où on s’est attaché à maintenir au maximum les écoles ouvertes pendant la crise, montrent que l’établissement est, de loin, le lieu qui respecte le mieux l’organisation et les gestes barrières. Ce n’est pas un endroit de contamination, c’est plutôt un lieu qui est suffisamment encadré pour le respect des gestes barrières. On a aussi veillé à ce qu’il y ait suffisamment de produits, pour se laver les mains, mais aussi de gel hydroalcoolique. Il va également y avoir une organisation du temps, qui va être mesuré à l’aune de la nécessité du respect des gestes barrières : c’est-à-dire un temps pour se laver les mains, par exemple, à certains moments clés. Il faudra donc repenser l’emploi du temps et les heures de cours en fonction.
Propos recueillis par Titouan Moal pour Actu.nc