C'était il y a 60 ans : les îles de Wallis et Futuna devenaient un territoire d'Outre-mer, suite à un référendum et à la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961. Mais alors que les festivités battent leur plein sur ces îles, de nombreuses questions restent en suspens pour certains élus originaires de l'archipel : quelle orientation va prendre la Collectivité Wallis-et-Futuna, qui regarde avec beaucoup d'attention ce qui se passe en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française ? À l’occasion de cet anniversaire particulier, célébré dans un contexte sanitaire relativement calme, après des inquiétudes l'année dernière suite à la crise Covid-19, le sénateur Mikaele Kulimoetoke a accordé un entretien à Outremers360.
Outremer360 : Comment et pourquoi l'archipel de Wallis-et-Futuna est devenu un territoire d'Outre-mer ?
Mikaele Kulimoetoke : Avant le statut de 1961, Wallis-et-Futuna était sous protectorat français depuis 1888. Les relations étaient déjà établies par le biais de l’Église, des missionnaires, qui ont fait le lien entre l’État et les royaumes de Wallis (Uvea, ndlr) et de Futuna. En 1959, le roi d'Uvea, Tomasi Kulimoetokele a initié, avec les deux souverains de Futuna (Futuna compte deux Royaumes : Alo et Sigave, ndlr), cet engagement à travers une convention. La loi de 1961 a été lancée et étudiée avec l'aide et le soutien des religieux, et en même temps avec des actions qui ont été faites avec la Nouvelle-Calédonie. Ces anciens, qui n'avaient pas la maîtrise de la langue française ni des notions juridiques, avaient besoin d'aide, et ils se sont rapprochés de la Nouvelle-Calédonie pour avoir des conseils, et des éléments de renseignements.
L'Histoire de Wallis et Futuna est-elle donc liée à celle de la Nouvelle-Calédonie ?
Tout à fait. Il y avait déjà eu des transferts massifs des Wallisiens en Nouvelle-Calédonie : un peu comme pour le Vanuatu pour l'exploitation du coprah ; avec le boum du nickel et le travail dans les mines qui commençait, la Nouvelle-Calédonie avait besoin de main d'œuvre. Ils ont recruté à Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Indonésie. C'est ce qui explique la présence massive de Wallisiens et de Futuniens là-bas. Aujourd'hui, ces familles sont installées depuis deux, trois générations, et sont près de 37 000 (soit plus qu’à Wallis et Futuna qui compte près de 12 000 habitants, ndlr).
Wallis-et-Futuna regarde donc avec beaucoup d'attention ce qui va se passer après le référendum ?
Bien sûr. On ne peut pas ne pas tenir compte de la situation en Nouvelle-Calédonie, qui est notre allié le plus proche. Il peut y avoir des conséquences graves à travers ce référendum, notamment par rapport à la desserte aérienne, la desserte maritime, au niveau sanitaire aussi, avec les évacuations sanitaires… Beaucoup de nos étudiants sont engagés à l’université de Nouvelle-Calédonie. Tous ces éléments représentent pour nous des inquiétudes si la Nouvelle-Calédonie accède à l’indépendance.
Si la situation se présentait, il y aurait des choses à faire et des discussions à avoir avec l'État français. L'orientation entre Wallis et Futuna et l’État français devrait être revue. L’État devra prendre en considération Wallis et Futuna sur le plan géopolitique. Cela pose un gros point de réflexion pour moi, mais également pour les élus et les responsables coutumiers de Wallis et Futuna.
Comment décririez-vous votre rapport à la République française ?
Depuis l’époque du Protectorat, ce sont des relations courtoises. Depuis la signature de ce statut de 1961, c'est une relation basée sur la confiance, mais j'estime qu'aujourd'hui il y a des modifications à apporter au statut de 1961. Pour cela, il faut, certes, une volonté prononcée de Wallis et Futuna. Mais depuis 2003, date à laquelle la décentralisation a commencé pour les régions, départements et territoires, j'ai le regret de dire que Wallis et Futuna représente la seule collectivité d'Outre-mer française à avoir encore son exécutif entre les mains du représentant de l’État et pas au niveau de l’Assemblée locale, comme stipulé dans les modifications des articles 74 et 75 de la Constitution en 2003. Cela, je l'ai déjà mentionné au Président de la République, François Hollande, lorsqu'il était en visite à Wallis et Futuna en février 2016, alors que j'étais Président de l'Assemblée territoriale, à ce moment-là. Il faut que les choses changent.
Que préconisez-vous ?
Il y aura beaucoup de choses à dire, notamment sur le décret de 1957 qui est un décret de la juridiction de la Nouvelle-Calédonie, sur la gestion et le fonctionnement de l'Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie, qui a été dupliqué sur Wallis-et-Futuna, pour la mise en place de l’Assemblée territoriale en 1962. Ce texte fait partie des textes de loi qui régissent le statut de 1961, notamment dans certaines dispositions, qui, quand on les regarde bien, nous montrent qu'elles viennent de Nouvelle-Calédonie.
Il y a des domaines qu'il appartient à Wallis-et-Futuna de décider. Je pense au foncier, par exemple. Il nous faut des textes propres à nous. Aussi, il faut accepter et faire accepter à l’État de faire transférer l’Exécutif aux locaux, comme cela est juridiquement stipulé par la Constitution. Il faut préparer les élus, nos jeunes aussi, pour qu'ils puissent prendre la relève.
Ce statut n'a donc que des inconvénients ?
Il y a des avantages aussi. Cela, tout le monde, à Wallis-et-Futuna, en est conscient. En dehors des compétences régaliennes, il y a aussi ce qui a été accordé et signé, à savoir la prise en charge par l'État des domaines de la santé et de l'enseignement. Sur le plan financier, ce sont deux gros soucis en moins. D'autres domaines sont également assumés par l’État français. On peut se réjouir de cela, mais il y a beaucoup de problèmes autour de nous. De mon côté, je ne souhaite que le meilleur pour l’avenir de Wallis-et-Futuna.
Propos recueillis par Abby Said Adinani