On en sait davantage sur la table ronde « de haut niveau » sur les essais nucléaires français, réalisés en Polynésie de 1966 à 1996, et leurs conséquences sur la Collectivité d’Outre-mer. Paris a en effet indiqué que cette table ronde s’articulera en « trois modules » : l’histoire et l’accès aux archives, les impacts sanitaires et l’indemnisation, et les effets économiques et sociétaux sur les îles de Polynésie.
Elle est attendue depuis mars, date à laquelle le président de la Polynésie, en visite à Paris, a obtenu du président de la République un rendez-vous pour faire la lumière et la vérité sur les essais nucléaires français après la publication de l’enquête Toxique réalisée par Tomas Statius et Sébastien Philippe, chercheur à l’Université de Princeton. Le gouvernement ne s’en cache d’ailleurs pas, sans cette enquête, cette table ronde n’aurait « indiscutablement » pas eu lieu. Ce « livre a alimenté certaines croyances » lâche-t-on. À leur regret, les auteurs de cette enquête n’ont pas été invités à la table ronde, ne serait-ce que pour expliquer leur démarche et leur méthode de travail aux participants.
« Notre souci va être d’objectiver les conséquences sanitaires » reprend le gouvernement. On reconnaît volontiers que le manque d’information et de transparence sur cette période a pu provoquer « des idées fausses » et des « croyances » autour d’une question « douloureuse qui méritait d’être objectiver ». Pour le gouvernement, cette table ronde sera l’occasion d’un « moment de partage et de réflexion en commun entre l’État et la Polynésie ». On met également en avant la volonté de « discuter, partager, apaiser », le tout, « sans tabous ».
Faciliter l'accès aux archives
Concernant l’organisation, cette table ronde sera articulée en « trois modules ». L’Histoire en premier lieu. Animée par le Ministère des Armées, en présence de Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée en charge de la Mémoire et des Anciens combattants, il s’agira de « permettre à tous les Polynésiens d’avoir accès à l’Histoire », à travers notamment un « accès aux archives nationales facilité ». Reconnaissant la « difficulté d’accès aux données », le Ministère des Armées veut promouvoir la « transparence ».
Second module, celui des impacts sanitaires, durant lequel seront abordées les fâcheuses questions liées à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires. Piloté par le Ministère de la Santé et Olivier Véran lui-même, il s’agira « d’expliquer les méthodes pour calculer les doses reçues » en s’appuyant sur « ce que nous dit la science et les expertises internationales ». Un discours déjà mis en avant lors de l’examen de la PPL du député Moetai Brotherson, proposant entre autres une amélioration de l’indemnisation, et qui avait été rejetée. Le gouvernement se dit ouvert, durant ce module, à étudier les pistes « d’amélioration » de cette indemnisation et de « renforcement de la surveillance sanitaire ».
Emmanuel Macron attendu jeudi après-midi
Enfin, la dernière partie de ces trois journées concernera les effets sur les territoires, et sur l’ensemble du territoire, avec le Ministère des Outre-mer : conséquences économiques et sociétales de l’implantation du CEP, de son « impact important sur la croissance et le développement du territoire », et de son départ signant la fin des essais en Polynésie. Selon le Ministère, les travaux se feront selon une « approche en cercle concentrique » : « des interventions spécialisées sur Moruroa et Fangataufa (les deux atolls ayant servis aux essais, ndlr), puis sur les îles et atolls environnants et ceux ayant servis de base arrière pour terminer sur l’île de Tahiti ». Une « approche transversale sur l’ensemble du territoire » sera également au programme.
Lire aussi : Table ronde des essais nucléaires : Emmanuel Macron « décidé à tourner la page », estime Édouard Fritch
Le gouvernement prévient, aucune production ne devrait sortir de cette table ronde. « Il s’agit d’une première étape à prolonger », un rendez-vous pour « fixer une méthode de travail, une feuille de route et de nouvelles orientations ». Et alors qu’elle était annoncée comme un événement à la volonté du président de la République et devant se tenir à l’Élysée, c’est finalement Matignon qui accueillera cette table ronde. Emmanuel Macron devrait faire une apparition jeudi en fin de journée.
Pour rappel, la délégation de la Polynésie compte une vingtaine de personnes : associations, institutions, représentants du patronat et des salariés, … Mais cette table ronde pâtit tout de même de l’absence des organisations historiquement engagées contre les essais nucléaires puis pour la reconnaissance des victimes : les associations Moruroa e Tatou et 193, proches des victimes, l’Église protestante Ma’ohi ou encore, le parti indépendantiste Tavini Huiraatira qui, depuis sa création dans les années 70, milite farouchement contre ces essais.